Le 24 Heures en parlait ce lundi : Le chantier du nouveau quartier des Fonderies marque le début de l’impressionnante mue de Morges.
L’article évoquait la fin d’une époque. Après la fermeture des usines Oulevay et Pasta Gala, la destruction de la fonderie Neeser marque la fin de Morges l’industrielle.
C’est une autre fin qui me chiffonne le cœur aujourd’hui, alors que je passe, rue de Lausanne 33, devant les palissades de chantier. Il y avait là derrière, entre la route cantonale et le chemin de fer, au pied de la fonderie, un petit chalet sur la paroi boisée duquel on peut encore lire, pour quelques semaines, l’inscription « Le Mazot ».
Si les murs pouvaient parler.
Le Mazot, un havre de verdure indomptée, le contraire d’un parc public aseptisé. Le Mazot, un loyer modéré, pas de digicode, portes ouvertes à toute heure, toute l’année. Le Mazot, un calendrier chargé en festivités, une centaine de noctambules pour les plus mémorables. Le Mazot l’hiver, des jeunes à peine vêtus quittant un sauna artisanal, traversant la route, sous le regard médusé des automobilistes, pour se jeter dans le lac. Le Mazot l’été, une scène improvisée sous un tilleul géant pour des concerts de chansons françaises…
Adieu Le Mazot. Et merci. Tu as su nouer de sacrées amitiés - autant de prénoms gravés sur le plancher de ton salon - et quelques histoires d’amour.
Voilà pourquoi je suis partagé entre la satisfaction de sentir Morges bouger, se développer, et la mélancolie de voir disparaître une oasis de liberté de plus.
Avant d’habiter Le Mazot, j’avais côtoyé L’Ephémère, un squat portant bien son nom. L’endroit, rebaptisé Résidence du Square des Charpentiers, n’abrite aujourd’hui que des appartements de haut standing…
Me revient alors en tête « La Coquette », un poème de Sébastien Pleux, ancien locataire du Mazot :
Du long de longues palissades
des terrains en jachère
s’enlaidissent chaque jour
d’appartements trop chers
luxure désopilante
La Coquette se la joue femme friquée.
Et puis ces vers d’anticipation :
Mon pauvre ami de Morges, où est passé ta rouille ?
Dans un cadre en bois, bientôt la photo du Mazot…
Puisse le nouveau quartier des Fonderies vivre pleinement et accueillir une vraie mixité sociale. Parmi les 115 logements prévus, 18 seront des logements subventionnés, c’est un début. Le quartier sera labellisé « Minergie ». Puisse-t-il – et les trois autres qui verront le jour d’ici 2025 – gagner le label d’une autre énergie renouvelable : celui de la chaleur humaine.