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b Espagne

  • Inglesa Mediterráneo

    L'Andalousie s'est décidée à dénoncer les autorités de l’enclave britannique de Gibraltar devant la justice européenne. Le carburant de l'embarcation panaméenne New Flame, échouée au large de Gibraltar il y a six mois, se répand lentement sur les plages d'Algeciras, le voisin espagnol.

    ALGECIRAS Si l'affaire New Flame fait les gros titres de la presse, les concernés ne s'en soucient guère. On me dit que ce sont de vieilles photos que les journaux recyclent, que les plages sont archipropres. Les sympathisants du Parti Populaire en profitent pour dénoncer la passivité de Zapatero, qui n'a pas su bousculer le Rocher”, et les plus nationalistes, pour relancer les velléités d’annexion. D'autres avouent simplement en avoir vu d'autres. En 2000, le sous-marin nucléaire britannique Tyreless, tombé en panne dans le détroit, avait dû être réparé pendant des mois à Gibraltar. En 2005, rebelote, avec un autre sous-marin nucléaire, le Sceptre

    GIBRALTAR Dans la très pittoresque enclave anglaise, réputée pour son paradis fiscal, son argent sale, son parlé ”llanito”, mélange d’anglais et d’espagnol, sa mosquée, don des Saoudiens, ses mariages express en 24 heures chrono,  et j'en passe, c'est une autre bizarrerie qui me retient à l’entrée de la très cosy Main Street, entre le Burger King et le British fish’n’Chips, en plein milieu du square Casemates...

    Au milieu de la place, un stand ne cherche pas à  se camoufler. “The Royal Gibraltar Regiment engage now !” Profil recherché, “team player, keen to travel, adventurous, reasonably fit, ambitious...” Propose en échange “14'000 £/year, variety & satisfaction, travel, sport, excellent pension...” Les touristes se font prendre en photo aux côtés de Paul Auston (photo), 24 ans, sous les ordres de la Reine depuis 8 mois. Il me raconte son stage d’entraînement et de coopération au Maroc, près de Marrakech. Photos à l’appui. “On leur a appris à tirer et à mieux se comporter. Tu comprends, eux, quand ils voient un prisonnier, il le frappe tout de suite...” Les yeux brillants, Paul m’avoue rêver d’Irak et d’Afghanistan. “Hélas, il y a pas assez de places pour trop de demande…”

    En décembre dernier, suite aux déboires du New Flame, l'ONG espagnole “Ecologistes en Action” accusait le gouvernement de Gibraltar de “terrorisme écologique”.

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  • Carthagène : invasion imminente

    On s'y hasarde par une arche effondrée. Blocs de pierre, cadavres de bouteilles et échafaudage abandonné. Me voilà dans l'arène. Une "Plaza de Toro" construite le siècle dernier sur les ruines d'un des plus anciens amphithéâtres romains de la péninsule. De la verdure sur les gradins. Silence absolu. L'impression "so romantic" de se perdre dans de "vraies" ruines...

     

    Bâtie stratégiquement sur une pointe de la Costa Calida, Carthagène est un formidable fourre-tout, un instantané réussi d'une "humanité en transit". Cette ville, qui semble dater du siècle dernier, se réveille soudain dans le troisième millénaire et retrouve dans ses entrailles des vestiges millénaires.

    Coup de foudre donc pour cet amoncellement d'éléments disparates. Entre une boucherie halal et un Multiprecios chinois, des indigènes d'un âge certain jouent aux dominos en sirottant des cognacs. Carthagène résiste avec souplesse. Comme elle a résisté en 39 pour être la dernière ville espagnole conquise par Franco (même si depuis une dizaine d'années, la Municipalité est aux mains du Parti Populaire...).  Au terminal de la ligne 5 (en dehors du plan distribué à la gare), le quartier "Barriada de Hispanoamerica" pouraît aussi bien se trouver sur une quelconque côte péruvienne, mais à l'autre extrémité de la ville, les containers internationaux entassés sur les docks rappellent à la réalité...

    Du haut de ses cinq collines (on l'appelle aussi "Petite Rome"), on distingue autant de grues au centre ville que sur le port. Bien décidée à s'imposer sur la route touristique, Carthagène s'offre un sérieux coup de peinture, exhume ses murailles puniques et prépare l'invasion. 

    Rebaptisée pour l'occasion "Puerto de Culturas", Carthagène s'est équipée du système "Bicity" (version espagnole du Vélib' parisien). Sur le port de plaisance s'inaugurera cet été le Musée National de l'Archéologie Maritime. Le Théâtre romain, découvert il y a juste vingt ans, sera lui aussi dévoilé au public cet été, ainsi qu'un musée ad hoc. La semaine dernière, les ouvriers du chantier universitaire, en plein centre ville, sont tombés sur une nouvelle fouille. "De valor incalculable", me dit une archéologue agitée. Partout, les facades séculaires à balcons de bois sculpté sont maintenues artificiellement en vie entre des échafaudages pendant qu'on leur refait une santé.

    Invasion ? On est encore loin de Benidorm, cité balnéaire sise entre Valence et Alicante qui s'aveugle derrière les trente étages des barres touristiques "en front de mer". Loin aussi de Tarragone, au sud de Barcelone, où l'ancien site romain, courroné par une cathédrale gothique, est noyé au milieu des constructions industrielles...

    Pour les archéologues de demain, la trace du tourisme aura certes tous les aspects d'une invasion, mais il est difficile d'oublier que devant la "Securidad Sociale" de Carthagène, encore plus qu'ailleurs en Espagne, on fait la file. Une file impressionnante.

    C'est pittoresque une ville épargnée, un monde à part où le temps coule différemment. Si pauvre, si méditerranéen...

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  • Réfléchir la mer depuis le nord

    Deux villes traversées n'ont pas abandonné l'idée d'une nouvelle "Mare Nostrum" européenne...

    BARCELONE Créé à Barcelone en 1995, le Partenariat Euroméditerranéen, dit processus de Barcelone ou Euromed, regroupe les pays de l’Union Européenne, le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, l'Egypte, Israël, les autorités palestiniennes, la Jordanie, le Liban, la Syrie, l'Albanie, la Mauritanie et la Turquie (la Libye participe aux conférences en "observateur"). Euromed visait à l'instauration d'un marché méditerranéen de libre-échange en 2010, un objectif réaffirmé lors du sommet de Barcelone de 2005... Depuis, le coma.

    MARSEILLE Le 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy avait lancé un appel à bâtir une Union Méditerranéenne pour "engager la Méditerranée sur la voie de la réunification après douze siècles de déchirement". En automne 2008 s'organisera ainsi à Marseille, sous présidence française de l’Union européenne, les "Etats généraux des acteurs du changement en Méditerranée"... Est-ce pour adoucir le profil anti-immigrés du président, redorer le blason du pays ou donner un dérivatif à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne ?

    CONTRE Alors que le Nord pense "immigration et terrorisme", le Sud se demande ce qu'il va y gagner, cherche un remède aux causes structurelles du sous-développement et rêverait plutôt d'un "Plan Marshall méditerranéen".

    POUR En 1951, à la création de la Commission économique pour le charbon et l'acier, la France et l'Allemagne ne se parlaient pas. Aujourd'hui, le Maroc et l'Algérie ne s'entendent pas sur la question du Sahara, mais ont des intérêts économiques communs, par exemple, dans l'électricité...

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  • Dépaysement garanti

    Le génie helvétique n'a plus de frontière. Ce matin, mon asiático (café avec liqueur typique de Carthagène, oui, une immersion...) n'a pas son goût habituel de reviens-y. Le quotidien La Opinion affiche les moutons blochériens recyclés à la sauce "Democratia National". Le slogan "Compórtate o Lárgarte" signifie, en gros, "tu te comportes bien ou tu fiches le camp".

     

    Déjà échauffée par le contrat d'intégration demandé par Mariano Rajoy (Parti Populaire), l'Association des Travailleurs Immigrés Marocains en Espagne (ATIME) annonce pour ces prochains jours une manifestation à Murcie.

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  • Le drame dominical de Pablo

    VALENCE Pablo déteste les dimanches. C'est ainsi depuis que son entraîneur l'a promu gardien de but des querubin (4 ans) de Moncada de Valencia. Aujourd'hui, sur un terrain pierreux que domine la Porte de Serranos (photo), Pablo ne quitte pas des yeux Marco, le capitaine de l'Amistad de Valencia. Marco, c'est celui qui a des souliers rouges, un brassard de capitaine et des cheveux gominés. Celui qui court vite et à qui tout le monde crie "solo Marco !". Il doit avoir au moins 5 ans.

    "Mira Pablo !" Une meute de grandes personnes chauffées à bloc braillent. Marco sprinte. Marco va seul au but. Marco arme. Marco shoote... La balle rebondit violemment sur Pablo. Marco marque.

    Les grandes personnes se relaient pour convaincre Pablo de regagner sa cage. Pablo en a marre. Il regarde droit devant. Il ne veut pas qu'on le voie pleurer.

    Au loin, Marco a sauté dans les bras de la grande soeur d'un coéquipier...

    Promis, le 7 juin prochain, à l'ouverure de l'Euro, j'aurai une pensée pour Pablo, le torrero qui ne demandait qu'à jouer au sable. 

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  • Autostop & migration...

    Comment faire "rentrer" deux jours de stop dans cet espace blog ? Je n'y connais rien en cylindrées, ne sais pas raconter les paysages et n'aimerais pas trahir des discussions kilométriques. A défaut de mieux, dans cinq véhicules en migration, ne retenir que ce qui touche... à la migration.

     

    MARSEILLE Au rond-point de l'Arc de Triomphe, une Audi ouvre une portière. Nuque et crâne de légionnaire, Vincent est un pilote de char en stage à la base de Cassis. Il peut me pousser jusqu'à Nîmes.... En mission en Côte d'Ivoire, il se souvient de croyances étranges : "les Africains sont sûrs que porter des bouts de cuir autour du cou suffit à faire fuir les balles". Le souvenir le plus marquant de la République centrafricaine ? "Me faire tirer dessus". Non, Vincent n'a pas eu le temps de rencontrer les "locaux". Non, en dehors de ces deux missions, il n'est jamais sorti de France...

     

    NIMES Roman s'en va déposer 24 tonnes de papier en Espagne. D'origine roumaine, il a travaillé cinq ans à Stuttgart. "L'économie allemande va mal. Je gagne plus aujourd'hui en Espagne. Il y a moins de taxes". A Barcelone, Roman a rencontré sa femme, une Roumaine. Dans la cabine, c'est l'hospitalité des Carpates. "Tu fumes ? Tiens ! Prends ! Tu aimes le chorizo ? Allez, tiens !" De sa Roumanie natale, il me parle du géant allemand Nokia qui s'y est installé, de sa compagnie de transport qui y a ouvert une succursale, mais il n'y retournera pas "à cause de la corruption"... Seule petite touche négative de ce lift en or : je dois me planquer à chaque fois que l'on croise un véhicule de sa compagnie. Le patron n'a assuré qu'une seule personne dans la cabine. Ilegal !

     

    JONQUERIA Après une nuit sous tente à quelques enjambées de Jonqueria, une cité de transit pour routiers, deux jeunes m'invitent à faire un bout de route avec eux. Ils ne vont pas loin. Ils viennent de France, juste derrière la frontière. Ils sont là pour, je cite tel quel, "se faire tirer des pipes à 30 euros par des Marocaines". Euh, non, non merci, je... Le parking de leur Club (photo) n'est pas la plaque tournante de l'autostop et je n'ai guère envie de récolter le témoignage "exclusif" d'une prostituée clandestine. On imagine. Et merde.

    JONQUERIA BIS Au péage, à l'entrée de l'autoroute, les deux seuls véhicules qui s'arrêtent, en trois heures d'attente, sont estampillés "Personal de la Autopista". Il m'invitent à tendre le pouce ailleurs. Les automobilistes ajustent leur rétro, tapotent sur leur natel ou regardent droit devant. Quant aux camionneurs, il travaillent de plus en plus en duo, à cause des tranches horaires légales. Ils occupent donc toute la cabine... Un peu las - le soleil tape - je pousse la porte d'un débit de boisson. J'aurais dû y songer plus tôt. En moins d'une gorgée de San Miguel pression, me voilà invité par un autre chauffeur roumain qui se rend à Tarragone. Entre deux "mierda de Polak" et "albanise Leute sind Tiere", Nikolaï me raconte avoir été videur de bordel (les Bulgares, les Roumaines et les Brésiliennes seraient plus nombreuses ici que les Marocaines), ouvrier dans la construction (ses bras ont le diamètre de mes cuisses), puis chauffeur. Il vit à Valence avec sa femme, une Roumaine. Il va en vacances à Majorque ("playa, sex, drugs") et ne s'est baigné que trois fois dans la mer depuis 6 ans qu'il est en Espagne...

    TARRAGONE A une station-essence proche de Tarragone, je rejoins la route nationale. Un routier s'arrête. Rodrigo est Espagnol. Il va à Valence. A son rythme. Il évite les péages. Il conduit avec les jambes et roule son Amsterdamer. Son chapeau de paille lui sied à merveille (photo). "Les Musulmans, ils faut les éliminer comme, il y a des siècles, l'ont fait les Catholiques !" Il est raciste pour deux, mais attachant pour trois. Quand sa mère était enceinte de lui, son père avait voulu chercher du travail en Angleterre. Leur petit village andalou se vidait. Sa mère avait refusé : "chez nous, c'est ici". La famille s'était alors simplement rendue à Valence, où Rodrigo vit toujours... Lorsqu'il fait des livraisons en Allemagne, il en marre qu'on lui demande sans cesse s'il est Turc... Malgré tout, les étrangers, il n'en veut pas : "Zapatero fait tout pour eux, il leur donne de l'argent, un toit, des soins, une éducation. Et moi je ne peux même pas choisir l'école de ma fille !" Quand il a voulu monter son entreprise de transport, la banque ne voulait financer que deux camions et l'Etat ne lui allouait d'aide qu'a partir de trois véhicules.... On comprend mieux pourquoi il choisira le Parti populaire de Mariano Rajoy lors des élections législatives du 9 mars prochain. Il y a deux jours, ce dernier affirmait lors d'un meeting : "Le Parti Populaire est le parti de Angela Merkel et de Nicolas Sarkozy, le parti du coeur de l'Europe"...

    ...mais déjà, au milieu de la nuit, les lumières de Valence.

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