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  • Les intimes contradictions de Tirana

    Sur le sentier qui rejoint la capitale albanaise depuis le Mont Dajti (1611 m), les chantiers se suivent et se ressemblent. De vraies verrues pour l'esthétique des lieux, mais un message assez rassurant pour le secteur immobilier. Entre les projets hôteliers et résidentiels toutefois, des “îlots” d'un autre siècle.

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    Car l'Albanie reste un pays agraire. La moitié de sa population active travaille la terre. Et si le nouveau régime, mis en place en 1992, a cherché à privatiser l'agriculture (il reposait depuis 1945 sur un système de fermes collectives étatisées), le monde rural n'a pas évolé en phase avec la ville.

    BoulevardDëshmorët.jpgCOMMUNI-STYLE Quand on arrive en ville, le passé est sur tous les trottoirs. Prise depuis une salle de classe de la très soviétique université de Tirana, la photo (droite) montre le boulevard Dëshmorët e Kombi, la colonne vertébrale de la ville. En le remontant, on passe devant la Pyramide, jadis mausolée d'Enver Hoxha  (l'instaurateur du régime communiste: 1946-1991), devenue “Disco Mummy”, puis salle d'exposition. On atteint ensuite le Musée national des Arts. Il faut alors réveiller le gardien. Il veut bien allumer ses salles. Découverte du réalisme socialiste albanais : La Chanson de guerre pour eux d'Andon Lakuriqi (1974) et Le Géant de la métallurgie d'Isuf Sulovari (1976).

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    ...ces images ont fait l'éducation des Albanais de mon âge. Prise de conscience. À retenir aussi le rôle joué par les femmes... Aujourd'hui, 60 % de celles qui travaillent le font dans le secteur agricole. Si de nouvelles portes leur sont ouvertes, elles sont de loin pas égales aux hommes et très peu représentées au parlement.

    PlaceScanderbeg.JPGATHÉISME ALBANAIS Le boulevard Dëshmorët se termine sur la place Scanderbeg : des “résidus” communistes (Palais de la Culture, Opéra et mosaïque socialiste sur le Musée d'Histoire), mais aussi la mosquée d'Ethem Bey (photo) qui peut à nouveau appeler ses fidèles. En 1967, Enver Hoxha fermait tous les lieux de culte et faisait de l'Albanie le premier État athée au monde. Ce n’est qu’en 1990 que les mosquées et les églises purent rouvrir leurs portes. Ainsi, près de la place, l'état est en train de construire une monumentale église orthodoxe. CathédraleSaint-Paul.JPGUne église qui ne fait pas l'unanimité des passants : “pourquoi un tel gâchis d'argent ?” Est-ce parce que l'état a déjà “restauré” l'église orthodoxe du Saint Evangile, jadis simple bâtiment public, et bâti la Cathédrale catholique Saint Paul, qui ressemble à un hôtel (photo), ou sont-ce des Musulmans jaloux des chantiers chrétiens ? La réponse est plus complexe.

    On dit souvent – à tort - que l’Albanie est le seul pays musulman d'Europe (58,8% de Musulmans, 24,2% d'Orthodoxes et 16,8% de Catholiques). Il faudrait plutôt parler de “culture musulmane”. Pour trois raisons :

    - Les décennies d'athéisme imposées par le dictateur Enver Hoxha ont fini par atténuer concrètement les convictions religieuses.

    - La priorité de l'Albanie est l'intégration dans l'Union Européenne et dans l'OTAN ; cette dernière a été récemment annoncée pour 2009 (et 112 soldats albanais sont partis en Afghanistan la semaine dernière). Dans ces contextes, l'Islam serait perçu comme un “facteur retardant”  (voir Turquie).

    - L'identité albanaise repose sur une langue distincte. L'islam n'est pas le seul marqueur identitaire, comme il l'est pour les musulmans de Bosnie-Herzégovine face au Serbes et aux Croates.

    En 2008, la société albanaise demeure passablement indifférente à la religion. Le ramadan et les cinq prières sont très peu pratiqués, l'alcool se consomme sans restriction et la viande de porc est vendue partout.

    “Feja e shqiptarit është shqiptaria” ou “la religion des Albanais, c'est l'Albanie!” Les deux extrémités du boulevard le prouvent et contredisent les statistiques. Au nord, le héros national Skanderbeg, un aristocrate catholique qui a lutté contre les Ottomans au XVème siècle. Au sud, sur le parvis de l'Université, la plus connue des Albanaises, Mère Teresa.

    Chromothérapie.JPGCHROMOTHERAPIE & NOSTALGIE Tirana va de l'avant. La ville ne resemble pas à ce qui était attendu. Pourtant, nombreux sont les nostalgiques du régime communiste. “Avant on pouvait sortir seule la nuit”, me dit une Tiranaise. “On bénéficiait d’un très bon service et tous les soins médicaux étaient gratuits. Aujourd’hui, le pays manque de médecins et la plupart des soins sont payants”. Corruption, coût de la vie, chômage... L’Albanie est le pays d’Europe qui connaît la plus forte émigration : plus d’un tiers de ses ressortissants vivent à l’étranger!

    On l'a compris. Le passé est lourd, mais, étonnamment, Tirana respire, Tirana prend du bon temps et Tirana se démarque par ses couleurs. La "chromothérapie" de la ville est une décision du maire : les modifications sont spéctaculaires. Mais une couche de dispersion peut-elle suffire ? 

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