Attablé avec des proches devant la ferme familiale après une matinée de vendanges, on trinque avec la cuvée précédente, se souvenant d’une année météorologiquement difficile.
Si le millésime 2025 s’annonce excellent (sain, doré, fruité), il sera hélas pour beaucoup compliqué économiquement. Puisque les caves des coopératives sont encore pleines, certains producteurs romands livrent leurs raisins sans garantie de prix, sans même savoir s’ils seront payés. D’autres annoncent faire leur dernière récolte, revendiquent des primes d’arrachage et apprennent à planter des oliviers.
La cause principale n’est pas la baisse de consommation (qui en soit est une bonne chose), mais un écueil systémique, politique : pourquoi seuls 30% des vins bus en Suisse sont suisse ? Taxes douanières insignifiantes, mauvaise répartition du contingent tarifaire (133 millions de litres importés en 2024 !), publicités incessantes pour des vins étrangers à 2.90.- la bouteille, etc.
Qu’à cela ne tienne, notre Conseiller fédéral de Bursins – de famille vigneronne et agriculteur de formation – n’a pas rechigné à signer en juillet les accords du Mercosur, qui péjoreront encore la situation (oh oui, on se réjouit d’accompagner les poulets au chlore américains avec des vins chiliens !)
Migros, coopérative dite de proximité – « Migros en fait plus pour la Suisse » –, se planque derrière Denner pour offrir les rayons vinicoles les plus désolants du pays. Chez Coop – « Pour moi et pour toi » –, on travaille surtout avec ceux qui bradent du vin en vrac à 50 centimes le litre et engrange des marges inespérées (que l’on ne connaîtra de toute façon jamais !).
Du côté de la Fenaco, coopérative censée être gérée par les agriculteurs-membres, il n’ a qu’à Genève qu’on a su imposer des vins exclusivement suisses dans les antennes Volg et Landi. Ici, on répète qu’on ne fait que répondre à une demande…
Bref, la colère des vignerons a ses raisons.
Mais voilà, aujourd’hui, c’est jour de fête. Et si les amis ont le sourire à l’heure de retourner à la vigne, c’est qu’ils viennent de goûter au plus beau mariage qui soit (chasselas et gruyère AOP), qu’ils profitent d’une journée de reconnexion à la terre dans un beau paysage viticole.
Alors seulement, si on n’espère plus grand-chose de Berne, Migros, Coop ou Fenaco, on se dit que les gens sauront bientôt faire le bon choix avec leur caddie, leur portemonnaie et leur palais. Qu’ils refuseront le Primitivo qui sucrotte, le Cabernet qui sent le cargo et la sueur d’employés payés au lance-pierre. Qu’ils trinqueront enfin à toutes celles et ceux qui se réjouissent de faire déguster une cuvée 2025 exceptionnelle !