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  • Une dette envers l'Islam

    Liberation.pngLa peur. Après la honte, la colère et la cogitation. J’avais peur que ce 29 novembre soit un indice supplémentaire du conflit de civilisations qui guette, peur que la petite histoire (l'actualité) amoche irréversiblement la Grande Histoire (les fondements des civilisations).
    Seulement voilà, la petite histoire distille aussi ses bonnes nouvelles : heureux hasard du calendrier, les éditions neuchâteloises Chaman publient dans quelques jours Traces, un beau livre signé Georges A. Bertrand, photographe, historien de l’Art et écrivain français (il est notamment l’auteur d’un Dictionnaire étymologique des mots français venant de l’arabe, du turc et du persan). C’est un livre qui tombe à pic et qui pourrait être polémique… s’il n’appartenait à la Grande Histoire.
    «Nos concitoyens auront du mal à comprendre que l'on doive quelque chose aux Arabes », anticipe à juste titre Georges A. Bertrand. Voilà pourquoi son ouvrage s’ouvre sur une citation rafraîchissante de Goethe : « celui qui se connaît lui-même et les autres reconnaîtra aussi ceci : l’Orient et l’Occident ne peuvent être séparés ».
    Toute l’enquête photographique de Georges A. Bertrand naît d’un constat pour le moins naïf : les portails des églises du Limousin, au cœur de la France, ressemblent étrangement aux portails des mosquées qu’il a vus dans l’ouest de l’Algérie. L’intuition et la persévérance feront le reste. Son ouvrage prouve que l’Occident chrétien et l’Occident musulman n’ont pas connu uniquement des relations conflictuelles et que les Arabes ont maints fois joué le rôle de passeurs, dans le temps comme dans l’espace. Au moyen d’images qui se superposent, Traces atteste des emprunts de l’architecture chrétienne aux arts islamiques (les ornements, les sculptures, les arabesques, les entrelacs).
    En refermant l’ouvrage, une conclusion s’impose au lecteur. L’Occident a une dette envers le monde musulman ; ce dernier a été l’un des terreaux qui permit la floraison de la civilisation européenne. Et vice-versa !!!
    En Suisse, l’avenir de Traces s’annonce bien… en partie grâce aux votations du 29 novembre. L’auteur se plaît à relayer l’enthousiasme de son éditeur, basé en Suisse : « il m'a dit que les commandes du livre explosaient là-bas ! ».
    Alors la peur se dissipe peu à peu : la Grande Histoire saura faire taire la petite.

    Votations du 29 septembre 2009 : le peuple suisse s'est prononcé à 57,5 % contre la possibilité de construire des minarets  (22 cantons contre 4).