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  • À nos filles…

    Dix motards tournoient en même temps dans une sphère d’acier sous le chapiteau du Cirque Knie. Fin du numéro. Ils saluent autour de la piste. Applaudissements. Ils enlèvent leur casque… Regarde, papa ! Il y a une femme !

    La veille, je retrouvais la journaliste Caroline Stevan qui présentait son nouvel ouvrage, Citoyennes ! Dans la préface, elle raconte pourquoi, pour une fois, elle s’était rendue avec ses deux filles à une manifestation, lors de la Grève des femmes du 14 juin 2019. Je lui demande une dédicace pour mon amoureuse (elle y était), je l’achète surtout pour que nos filles imaginent ces rues pleines, rugissantes, « vos roses n’effaceront pas nos bleus ! », « ras le viol ! », « d’habitude on range, aujourd’hui on dérange ! ».

    Qu’elles n’oublient pas le monde d’avant, avec ses gouverneurs, ses gouvernantes.

    Une semaine auparavant, je dévorais Les femmes aussi sont du voyage, un essai de Lucie Azema qui dénonce leur absence dans la tradition des « écrivains-voyageurs ». On les préférait dans les rôles de Pénélopes patientes, d’accompagnatrices passives, de « femmes-paysages ». L’autrice nous rappelle qu’Isabelle Eberhardt se déguisait en homme pour bourlinguer en Algérie, qu’Amantine Dupin écrivait sous un pseudonyme masculin (George Sand) pour être reconnue, mais aussi que le tout premier récit de voyage - un pèlerinage au Mont Sinaï en 381 de notre ère - est celui d’une femme.

    Une histoire de fou.

    Alors que la Chine a connu une impératrice au VIIe siècle, qu’une Déclaration des droits de la femme a été rédigée en 1791, il fallut attendre 1971 pour que les Suissesses aient le droit de vote. Comment faire croire à nos filles que quand j’avais leur âge, les Appenzelloises, les Glaronnaises, les Obwaldiennes, les Schwytzoises, les Saint-Galloises, les Urannaises et les Thurgoviennes n’étaient pas de vraies citoyennes?

    Et comment expliquer aujourd’hui que les filles afghanes vont à nouveau être privées d’école, de droits, mariées de force à des vieillards?

    Peut-être leur parler d’Emmeline Pankhurst, d’Antoinette Quinche, de Loujain al-Hathloul?

    D’Eva Perón, d’Angela Merkel, de Jacinda Ardern?

    Notre aînée a passé sa première année près d’une place lausannoise qui s’appelait Saint-Laurent et qui s’appelle désormais « Place du 14 juin », en hommage à une grève et à l’inscription de l’égalité entre femmes et hommes dans la Constitution ; notre cadette a vu le jour l’année des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc…

    Cette dernière interrompt mes rêveries, elle me chuchote à l’oreille - alors que Chanel Marie, la petite-fille de Fredy Knie Junior, présente son numéro de dressage de poney – que son « métier d’adulte », ce sera piloter des motos !