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  • De la fourche à la fourchette

    Comme un goût de déjà voté, après «les vaches à corne» de 2018 et les «pesticides» de 2021. On peut parier que les votations de ce week-end montreront un même clivage entre villes et campagnes, ce nouveau röstigraben, inquiétant, grandissant.

    On ne parle plus de modifier ou de faire évoluer ; on veut abolir, interdire. On ne veut plus améliorer le bien-être du bétail ; on veut cesser toute forme d'exploitation animale.

    Cette incapacité à dialoguer pourrait décourager. Cependant, pour vendre ses produits, le paysan aura toujours besoin de citadins (80% de la population suisse actuelle) ; et ces derniers ne révolutionneront pas l’agriculture sans les principaux intéressés.

    De ce fait, chaque nouvelle votation est une opportunité pour que villes et villages fassent connaissance. Ces dernières semaines, on a par exemple appris que 90% des fermes respectaient déjà l’exigence des critères de l’initiative : un abattage respectueux, des sorties extérieures obligatoires, du fourrage local, un nombre d’animaux limité. On s’est aperçu que la Suisse ne connaissait presque pas d’élevages « intensifs », puisqu’une exploitation compte en moyenne 29 vaches laitières, 45 bovins, 240 porcs et 300 poules pondeuses. On a aussi découvert la rigueur des lois sur la protection des animaux. En 1992, l’agriculture suisse a été la première du monde à interdire l’élevage des poules en batterie (l’Europe annonce vouloir légiférer en 2027) ; elle ne peut heureusement plus couper la queue des cochons ou le bec des poules (ce qui est encore permis en Europe) ; il faut anesthésier les veaux que l’on veut écorner (pas d’obligation en Europe) ; etc.

    En fait, il semble que l’agriculture suisse changera moins par ses électeurs que par ses consommateurs. À eux d’être cohérents : ne plus crier au scandale paysan, tout en continuant d’acheter n’importe quoi dans les grandes surfaces. S’ils consommaient que des produits locaux, de saison, s’ils décidaient de manger tous les morceaux d’un animal, s’ils étaient d’accord de payer un peu plus cher leur viande – ils le peuvent, leur budget pour l’alimentation ne constitue que 7% des dépenses d’un ménage ! –, l’offre des magasins serait immédiatement bouleversée, sans que l’État ou les grands distributeurs n’aient leur mot à dire. En quelques années, la production s’alignerait naturellement sur les aspirations des consommateurs.

    Des paysans aux citadins, de la fourche à la fourchette, et si on abordait l’avenir ensemble ?