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Belle jadis, Oran est devenue chaleureuse...

"Oran était belle. Rendez la plus belle" dit un panneau de bienvenue, peu avant la gare routière de la ville. Parcourir quelques rues suffit. Celle que l’on appelait La Radieuse ("el Bahia") fait peine à voir. En partie épargnée par les violences des années 90, la deuxième ville du pays fait paraît-il pleurer les Pieds-Noirs qui reviennent "en pèlerinage". La verdure qui orne les balcons, c'est de la mauvaise herbe. Les édifices des anciens quartiers juifs, espagnols et français s’effondrent. La voirie laisse s’amonceler les ordures. Ce qui est neuf ? Les paraboles.

Ce banc public du Boulevard de l’Indépendance parle de lui-même.

ORAN Autre curiosité, en plein centre ville, à deux pas de la Place du 1er Novembre, la première chose que voient les passagers des ferries en entrant dans le port, un immeuble "creux" de 20 étages. Une verrue qui cache le visage d’Oran.  Construit dans l’enthousiasme des années 70 au sein même des murailles du Palais du bey (Mohammed el-Kébir y emménagea après le départ des Espagnols en 1792), les travaux ont dû être arrêtés. Patrimoine historique. Un privé aurait ensuite rajouté quelques étages, mais les "années noires" ont interrompu les travaux. Depuis rien. On s’y habitue. Comme le pâtissier avec les abeilles. On dit que la compagnie pétrolière Sonatrach devrait reprendre les lieux. Inch’allah...

CATHEDRALE De l’aménagement judicieux, il y en a pourtant. Prenez une cathédrale séculaire. Au lieu de perdre ce précieux volume, après l’Indépendance, la Ville en a fait un lieu de culture. A l’entrée, dans une librairie, des livres sonores pour enfants racontent des histoires en boucle. Puis, derrière un paravent, une bibliothèque aux rayons bien fournis (photo). Deux plaines de tables, l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes, quelques déjections de pigeons, mais un vrai havre de sérénité.

Sur la place, devant la bibliothèque, quatre palmiers, une terrasse pleine et un kiosque à journaux. Des jeunes jouent au ballon. Une pierre et un lampadaire pour délimiter les buts. Pour l’anecdote, on y trouve une boutique Swatch et on voit au loin, sur la montagne Murdjajo, un téléphérique, construit par des Suisses, tout comme celui qui s’ouvrira bientôt à Tlemcen.

MARCHÉ Pourquoi retenir cette scène de marché sous-exposée ? Son sens se dissimule derrière les têtes de chèvres (en bas à gauche), les œufs, les oignons, les haricots et les citrons. Une affiche du Président, omniprésent, et le slogan "Une Algérie forte et digne" (en haut à gauche), malgré son discrédit perceptible un peu partout. Puis les deux lampions chinois d’un magasin qui vend des maillots français de Zidane made in China. Ils sont 30'000 à habiter la wilaya d’Oran, principalement pour les grands projets routiers gérés par la société chinoise CITIC.

Plus loin, on rencontrerait des Nigériens qui vendent sur un drap colliers, peignes, savons et herbes poussiéreuses. En attendant mieux. Des hommes alignés derrière le symbole de leur profession - truelle, fer à souder, interrupteur ou scie – forment un marché aux esclaves moderne. Puis, entre une  tasse "OM, droit au but" et un tapis à boussole intégrée, des jeunes vendent debout une paire de chaussures ou une paire de pantalons qu’ils tiennent dans la main. Encore plus loin, au pied du boulevard Zabana, une foule compacte d'autres jeunes alimentent le commerce au noir des téléphones portables. Chacun vend une ou deux pièces. On me dit qu’il y a trois mois, après plaintes des commerces voisins, les policiers ont embarqué une vingtaine de vendeurs et distribué des amendes de 6'000 dinars. Depuis, le commerce a repris. Jusqu’à la prochaine descente…

CHALEUR Contre mauvaise fortune, grand cœur. Malgré l’impression d’avoir été abandonnée à son sort, Oran est une ville très chaleureuse. On ne reste pas longtemps seul sur les terrasses. Des terrasses assoiffées de distractions. On le comprend en voyant le cinéma Rex, en ruine depuis vingt ans, sur le grillage duquel une affiche délavée proposait le 8 mars 2007 un "Salon de la femme, animation culturelle, défilés de mode". Au Musée national, on me dit que l’on vient de refaire la peinture des salles des Beaux-Arts et que peut-être, ça va rouvrir cet après-midi, inch’allah…

Les jeunes sont malgré tout curieux de ce qui se passe à l’étranger. Et pas que dans le domaine des visas. J’essaie de ne pas oublier que ceux de mon âge, ceux qui n’ont pas vraiment connu les belles années (1970-1980), ont grandi dans une société qui ne leur parlait que de guerre, de peur, de tués, de disparus, d’abattus… Sur les terrasses, "the place to be", on ne s’ennuie pas. Il y a toujours le gag de "l’agent secret qui n’est pas là" avant chaque critique du pays. Humour ravageur entrecoupé de gags sur les habitants de Mascara (les Belges de l’Algérie). "Je vais te dire la vérité. Franchement, sincèrement…"  Le débat s’enlise souvent. Il devient parfois creux, mais comme une longue partie de pêche sans poisson, on en revient le sourire aux lèvres. Oran se visite lentement, à petites gorgées. Le café, on ne le finit pas. C’est le cinquième de la journée. Sur les terrasses, en se parlant les yeux dans les yeux, on ne voit plus cette ville qui fait pleurer les Pieds-Noirs…

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