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Constantine : DE l’AIR !

Dans un ascenseur bondé, sous un petit ventilateur, un contrôleur vend son lift trois dinars et remet de petits coupons bleus. On entre chez lui, rue Larbi M’Hidi, dans la médina de Constantine. On en sort sur le Pont Mellah-Slimane (photo). Une centaine de mètres de longs pour deux de large. Un plancher qui oscille aux heures de pointe. On marche à droite. Les petits billets bleus dessinent dans les gorges du Rhummel un bel effet pointilliste.

CONSTANTINE La "Ville des ponts suspendus" a pris le nom de l’empereur qui l’a faite reconstruire en 311 après Jésus (311 avant Mahomet). Arrivé de l’autre côté du pont Mellah-Slimane, une plaquette se souvient de son nom d'origine. Passerelle Perregaux. Inaugurée en 1925 par Maurice Violette, alors Gouverneur général d’Algérie. Avec Léon Blum, il avait voulu accorder aux Algériens le droit de vote et la nationalité française, en 1936 et en vain.

De là, beau point de vue. Me voyant prendre une photo, un du coin me lance ironique : «ça, ce sont les Français ! Les Algériens sont trop paresseux pour construire ce genre de choses…». Puis s’en va d’un grand rire. On distingue, dans la périphérie, l'université de Constantine, un complexe dessiné par l’architecte brésilien Oscar Niemeyer. Un bâtiment rappelle une calculatrice posée sur une tranche, un autre, une règle, un taille-crayon… étonnant et de très bonne réputation. Plus près, un bidonville qui, selon le vendeur de cigarettes au détail, sera bientôt rasé. On pourra toutefois conserver les paraboles : 

Sur la corniche, en contrebas de la route, des retraités tapent le carton, en écoutant (fort) du malouf, de la musique arabo-andalouse, du crû. Un régal. Autour, des pistes de pétanque envahies par la végétation.

ENRICO MACIAS Sur le Pont el-Kantara, des jeunes vendent des décorations pour téléphone portable, des paires de chaussettes et des lunettes de soleil. De l’autre côté, l’ancien quartier juif (plus grande communauté juive d’Afrique noire, Constantine s’appelait aussi "La Jérusalem du Maghreb"). On me dit qu’ici, rue Thiers, au deuxième étage, vivait Enrico Macias. "Il répétait sa guitare un  peu plus loin au bord de la corniche..." Avant qu'il ne quitte le pays en 61. On l’attendait le mois dernier dans la "caravane" Sarkozy, mais au dernier moment, une déclaration plutôt maladroite (quelque chose comme "je veux voir le pays qui a tué ma famille…") l’a désigné comme persona non grata (ce qui n’empêche pas mon cybercafé de passer ses tubes, dur, très dur ce voyage).

TELEPHERIQUE Un pan de cet ex-quartier juif vient d’être rasé pour achever un "grand projet". Vingt-cinq ans qu’on en parle. Un téléphérique reliera la médina à l’hôpital, de l’autre côté de la gorge, puis à la cité Emir Abdelkader, ex-faubourg Lamy. L’inauguration est prévue pour le 16 avril. Personne n’y croit. Et certains jurent mordicus qu’ils ne mettront jamais les pieds sur, je cite, "cet engin de mort". Ce sont des Suisses de l’entreprise Garaventa qui ont fourni et assuré le montage de l’installation.

Le téléphérique s’ajoute à d’autres "grands travaux" : une ligne de tramway, qui se fait aussi attendre, un pont supplémentaire, algérien cette fois-ci, deux hôtels haut de gamme, Ibis et Novotel, et une cité universitaire. Des arbres pour cacher la forêt. Car Constantine souffre du manque d'une multitude de "petits travaux". Coupures et fuites d’eau, etc. On apprend que les canalisations seront retapées par une société chinoise. La Marseillaise des Eaux fera le suivi.

De grands travaux ostensibles donc pour masquer la misère discrète de ceux qui attendent le tournant sur la place du 1er Novembre (photo). Dans la cour des petits, on achète une cigarette à l’unité au lieu d’investir dans un paquet. Dans la cour des grands, on fait venir les Chinois pour être sûr que le travail soit fait à temps. Ou fait tout court.

Contrairement à ce que l'on dit au Nord, l’animation des places publiques n’est pas bon signe… mais laissons cela, voulez-vous, et laissons-nous aveugler par la beauté de la "Cité de l'Air" ! 

 

Forteresse naturelle, cirque de pierre, nid d’aigle ouvert aux quatre vents, conte de fée sous toutes les lumières du jour, "île volante de Gulliver"... Un dicton local dit : « Bénissez la mémoire de vos aïeux qui ont construit votre ville. Les corbeaux fientent ordinairement sur les gens tandis que vous fientez sur les corbeaux... »

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