En quittant Benghazi, je ne m'étonnais plus de la centaine d'ouvriers assis sur des cailloux autour d'un rond-point. Sous les arcades du centre-ville de Darnah (photo), même spectacle. Au carrefour principal de Tobrouk, là aussi, les immigrés, pour la plupart égyptiens, attendent patiemment leur maître quotidien.
Les pantalons bariolés de peinture, certains rescucitent de vieux pinceaux. D'autres s'échangent des feuilles de papier de verre. Les plus vieux fument simplement le shisha, alors que les nouveaux venus attendent debout, près de la route, car ils en veulent et ignorent que le meilleur moyen de trouver du travail est de connaître quelqu'un qui possède un téléphone portable, quelqu'un qui peut gérer une équipe avant même que le véhicule arrive.
Lorsqu'un "maître" gare son véhicule, on marchande le prix de la journée, à grands cris, entre 5 et 15 dinars (autant de francs suisses), plus qu'un ouvrier pourrait espérer gagner en Egypte. Affaire conclue, l'embauché lance ses outils sur la plateforme du pick-up. Les belles voitures craignent de salir leur banquette arrière. On arrange un morceau de carton protecteur.
Cela fait au moins les affaires des quatre échoppes à thé qui jouxtent le carrefour de Tobrouk (photo). La police passe et repasse. Tous les ouvriers sont en situation irrégulière, mais "sans ordre, la police ne fait rien", me dit-on. Une société d'hommes enturbannés continue donc de parler par petits groupes. La moustache de ralliement, les cheveux poussiéreux, la gallabiya en loque, des sandales bas de gamme que l'on use jusqu'au bout...
Les femmes qui passent par là empruntent l'îlot central.