Au bon endroit, au bon moment. Loin des côtes surfréquentées de la mer Rouge et juste avant l'invasion des Cairotes assoiffés d'oxygène. Tout à l'ouest du littoral égyptien, la ville de Marsa Matrouh offre au premier venu des kilomètres de sable blanc et d'eau turquoise. A partir de là, on peine à imaginer comment un être humain (un certain Erwin Rommel) a-t-il pu songer à y établir le quartier général de l’Afrikakorps. Mais c'est une autre histoire.
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HORS SAISON Dans les immeubles sortis de terre ces dernières dix années, les appartements sont presque tous vides et les discothèques ne sont encore que des enseignes. Les haut parleurs ne hurlent pas leur musique à tous les coins de rue et les chaînes de fast food ouverts 24h sur 24h tournent au ralenti. Douceur du mois d'avril. Ceux qui travaillent retapent lentement les dalles de la promenade. Ceux qui ont travaillé font une partie de foot sur le sable, avec la tenue complète de la Juventus ou le traditionnel gallabiya, moins pratique. De quoi s'écorcher les pieds jusqu'au sang, suer de tout son corps et se sentir revivre. Jusqu'au coucher du soleil. Puis bavarder. Bavarder. Et bavarder encore.
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LES MULETS TRAFICANTS Pas moyen de faire taire cette satané manie de dégainer l'appareil à la première "bizzarerie". Le compte à rebours des feux rouges (comme dans la Grande Pomme) ou les panneaux interdisant l'usage du klaxon (une vraie plaisanterie égyptienne). Ou plus gros : quand on vient de Libye, ce qui "attrappe" l'oeil à la douane de Sallum, ce sont... les ânes. On comprend les origines du sobriquet que les Libyens emploient volontiers pour qualifier leurs voisins. “Donkey”...
On me dit qu'au début des années 90, cette ville n’était pas desservie par les transports en commun et que pour se déplacer, il fallait recourir aux carretas, sorte de charrettes améliorées tirées par des ânes. On me dit aussi que les traficants de Marsa Matrouh utilisent parfois des ânes pour acheminer des armes et de la drogue en provenence de Libye et d'Italie. Les ânes connaissent le chemin par coeur et ne seront pas frappés par les gardes-chiourme. On me dit enfin que "grâce" à ces trafics, les policiers sont ici encore plus nombreux qu'ailleurs en Egypte et que Marsa Matrouh est la ville la plus sûre du pays.
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Demander son chemin à un jeune homme qui dit être professeur d'histoire biblique, qui me présente sa méthode, qui court les écoles pour dispenser une leçon hebdomadaire à tous les jeunes de 15 ans, qui est pressé, mais qui prend le temps de me faire visiter la chapelle Copte... Sept millions de Chrétiens vivent en Egypte.
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AU PAIN SEC ET A L'EAU Monté sur la plateforme d'un pick-up, un vendeur de pain essaie de répondre à la demande. Même si la "crise" s'est résorbée ces derières semaines, les files d'attente devant les débits de pains subventionnés, vendus moins d'un centime suisse pièce, sont toujours impressionnantes...
Sur le sable blanc ou dans les files d'attente du pain subventionné, c'est pourtant le même soleil.