LE FANTÔME
Je dois faire semblant de mourir
pour que tu puisses rassembler tes morceaux
éparpillés dans l'air
et te tenir debout devant moi.
Ô pauvre fantôme!
Est-ce à tel point
que ma matière te fait peur ?
Quand ses jumeaux lui laissent un peu de répit, la poétesse Hoda Hussein s'adonne au piano, le matin, et à la peinture, le soir. Un côté "touche-à-tout" hérité d'un parcours singulier. Née au Caire en 1972 d'une mère originaire d'Alexandrie (l'esprit méditerranéen) et d'un père nubien (la conscience minoritaire), élevée dans un cadre de vie musulman, mais formée dans une école française catholique, Hoda Hussein voit large. Rencontre avec cette auteure et traductrice sur les quais d'Alexandrie, au pied du fort Qaït Bey (photo), bâti sur l'emplacement du fameux Phare, pour goûter aux meilleures glaces aux dattes de la ville. Parole de Hoda.
ALEXANDRIE Une petite notoriété glânée en publiant des nouvelles dans des magazines lui avait permis d'intégrer, en 1996, une publication subventionnée destinée aux “jeunes révélations”. Un gros tirage (3000 exemplaires), mais aucun échos dans la presse et peu de succès en librairie. On l'accusa d'avoir été pistonnée. “Il est toujours plus aisé d'attaquer les femmes et les jeunes.” De surcroît, le comité éditorial avait refusé de publier une nouvelle parlant de Dieu. Intitulée “J'aperçois la réalité de mon père”, ce texte ne sera publié que huit ans plus tard.
Hoda Hussein rejoint ensuite El Darat, une maison d'édition privée qui publie une revue de poésie égyptienne contemporaine. Sans aide, mais sans censure.
Depuis, elle poursuit sa recherche artistique à son rythme, en toute honnêteté de coeur, même si elle sait ce qu'il faudrait faire pour écrire un best seller : “parler du complot juif, d'astrologie, de recettes pour gagner de l'argent sans effort, de la question du voile ou de la vie des acteurs de cinéma”. Selon elle, le ministère de la Culture est pareseux. Il ne va pas chercher les talents. “Le seul moyen de percer est de passer à la télévision ou adapter son roman au cinéma”. Elle cite bien sûr l'exemple du L'Immeuble Yacoubian de Alaa El Aswany (Actes Sud, 2006), adapté au cinéma avec le plus célèbre acteur égyptien, Adel Imam. Carton assuré.
TRADUCTION FRANÇAISE En 1997, un éditeur lui commande sa première traduction : Ecrire de Marguerite. Ce livre la bouleverse, elle accepte. Mais la plupart du temps, Hoda fonctionne au coup de coeur. Elle avait une fois inscrit “jeune auteur” sur Google, avait fait l'impasse sur tout ce qui venait de Paris (une vieille rancune contre un policier parisien qui ne lui avait pas répondu lorsqu'elle avait demandé son chemin...) et avait découvert par hasard Franc Bijoux, auteur de Mettre fin. Elle le contacta directement et commença la traduction sans savoir s'il y aurait preneur. Il y eut preneur.
Depuis quatre ans, elle planche sur la traduction d'un livre qui parle d'une anorexique internée. Elle trouve le sujet "très égyptien" : “soit tu manges ce qu'on te donne, tu vends ton âme mais tu es tranquille, soit tu ne manges pas et tu restes internée”.
VOIX DE LA MÉDITERRANÉE En 1999, lors de sa première participation aux Voix de la Méditerranée, festival de poésie qui se déroule en France au mois de juillet, elle accompagnait quatre écrivains égyptiens. “Pour ne pas passer pour des phallocrates, il fallait inviter une femme”. Un souvenir mitigé. Suite à une lecture qu'elle avait donnée en tandem avec une auteure israélienne, Ronny Someck, on l'accusa à son retour de "normaliser avec les Juifs"... Non, le boycott du dernier Salon du Livre de Paris n'était pas une révolution.
PS 1 : Version audio bilingue du poème “La Porte” lue par Hoda Hussein, en arabe, puis par Anne Parian, en français.
PS 2 : Recueil de poèmes consacrés au Café Horreya (“Liberté”), près de Bab el Louk, au Caire, dans lequel elle avait passé dix journées entières à reconstituer son athmosphère.