Alors que vous lisez ceci, il marche, il est seul, il a mal aux pieds et aux épaules, il pleut un jour sur deux et il se demande pourquoi il a voulu faire ça.
C’est à pied que le comédien et metteur en scène morgien Sandro Santoro a décidé de parcourir les 1’500 kilomètres qui séparent Morges, son lieu de naissance, et Petrizzi, au Sud de l'Italie, le lieu d'origine de sa famille.
Peut-être, en ce moment, se souvient-il de son passage mémorable à la Commission communale des naturalisations à Lonay… Ou de Marcovaldo et Domitilla, un spectacle muet qu’il avait mis en scène à Morges en 2003 et qui évoquait déjà le retour aux sources, un voyage vers Italie en Fiat 500… Ou des mots qu’il déclamait sur scène lors de Deux décis d’odyssée, le spectacle créé pour célébrer le nouveau district de Morges : « il réapprend à se courber. En se courbant, il réapprend le goût de la terre. En retrouvant le goût de la terre, il se retrouve »…
Alors, ce défi. Quête ? Pèlerinage ? Hommage ? On laissera le marcheur répondre à la question à son retour.
Pour ma part, ce qui me séduit dans sa démarche, c’est sa lenteur. Peut-être bien que les jeunes Italiens qui subissent de plein fouet la crise ne comprendront pas toujours la symbolique de son entreprise (…) mais ce que fait Sandro est essentiel.
Lever le pied.
Et guérir de l'addiction à la vitesse.
En cela, la «petite histoire» de Sandro rejoint la grande histoire italienne.
Car c’est dans le Piémont que s’est créé en 1986 le mouvement Slow Food (100'000 membres dans 150 pays) qui prône l'écogastronomie et l'alterconsommation : tout ce que nous mangeons doit être cultivé, cuisiné et consommé… lentement.
C’est aussi en Toscane qu’est née en 2002 l’association Cittaslow (170 villes dans 25 pays) qui cherche à ralentir la vie urbaine en soutenant différentes initiatives : multiplication des zones piétonnes, mise en valeur du patrimoine historique, création de places publiques où converser paisiblement, développement du sens de l’hospitalité chez les commerçants, etc.
Le logo de « Cittaslow » montre un escargot portant une ville sur sa coquille. C’est un peu notre Sandro, ce nouvel apôtre de la lenteur, portant sur son dos sa ville natale, pour rejoindre lentement ses origines, en évitant soigneusement les grandes agglomérations (il évite en ce moment Milan par l’ouest).
Ralentir pour se souvenir. C’est en substance ce qu’écrivait Milan Kundera dans un roman sobrement intitulé La Lenteur : « le degré de la vitesse est directement proportionnel à l'intensité de l'oubli ». CQFD.
En avançant tranquillement vers son passé, Sandro Santoro nous montre une heureuse perspective d’avenir, une nouvelle Renaissance.
Et comme dans la fable, la tortue en sort toujours gagnante.
« La tête penchée vers le sol, à cause du poids de mon sac à dos, j’avance. Avant de pouvoir commencer la réflexion, l’effort physique dicte mes pensées. Mal aux pieds, aux épaules. Je regarde les deux mètres devant moi. Ils me suffisent »
Sandro Santoro, dans son blog.