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TGV Lyria et butor étoilé

Ceci s’écrit dans le sens contraire de la marche du train, sur une tablette rabattue. « Ladies and gentlemen, welcome on board », un accent français prononcé.

Une vitre sale me prive des neiges de la plaine de l’Orbe, des cerisiers dessinés à l’encre de Chine et des rapaces qui brassent la brume rosée du matin. Je vais d’une ville à une autre ville, sans poser un pied parterre, sans jouir d’une nature enfin hivernale. A cadence régulière, les passagers éternuent et propagent l’épidémie. Côté fenêtre, on lit Forel et le Léman, il y a des graphiques à l’intérieur. Côté couloir, on parle japonais, il y a un iPad qui filme en travelling. Sur la vitre, il est écrit « issue de secours », il y a un marteau brise-verre à proximité…

Ne pas prendre le temps de fouler la terre et apprécier la nature. La consommer. La semaine dernière, une heure de route, parking, une heure de peau de phoque, panorama au sommet du Pic Chaussy, une demi-heure de descente, parking, une heure de route. La semaine prochaine, au Grand-Bornand, de ces Alpes disneylandisées, avec magasins de sport, télésièges débrayables, pistes bleues et après-skis…

Dernièrement, j’ai fait la connaissance du dessinateur animalier genevois Pierre Baumgart. Une amitié est née. Nous avions prévu de nous promener dans le Jura. La veille au soir, il m’appelle : « Tu sais pas quoi ? Il y a un butor étoilé au bord du Rhône ! ». Tiens. Ça alors. Un butor étoilé… (est-ce un insecte ?, un oiseau ?, un rongeur ?, je ne connais que l’écrivain Michel Butor...). Wikipédia m’apprend qu’un butor étoilé est un échassier de la même famille que le héron, une espèce menacée. Mon moteur de recherche retrouve un article de Terre et nature, un reportage dans la Grande Cariçaie, sur les rives du lac de Neuchâtel : « Lorsque le butor étoilé se décide enfin à prendre le risque de se mettre en marche, quel spectacle ! ».

Le lendemain, Pierre m’emmène donc au bord du Rhône, dans les Teppes de Verbois. Munis d’une paire de jumelles et d’un télescope, nous attendons. Se mêlent à la lumière de janvier les vapeurs de l’usine d’incinération des Cheneviers, les trajectoires des vols pour Cointrin et la symphonie des bûcherons. Une heure passe. Puis deux.

copie-butor-etoile-camargue.jpgSoudain, le voilà. En lisière de roselière. Ses pattes démesurées. Ses mouvements reptiliens. Quel spectacle. Deux minutes d’émerveillement pur. Puis il disparaît…

Mon TGV Lyria traverse maintenant le Jura français. A grande vitesse, dans le sens contraire de la marche, prisonnier d’une vitre sale, j’ai une pensée attendrie pour ce bon Pierre qui doit être en train de croquer un martin-pêcheur, ou s’émerveiller des mouettes des Bains des Pâquis.

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