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Un milliard planqué sous la forêt

Il y a des revues qui vous empoignent comme des polars. J’ai dévoré le dernier numéro d’Heidi.news, une centaine de pages sur "les Vaudois et leur bac à sable magique", une enquête chargée d’humour noir menée par le journaliste Claude Baechtold. 

Chaque année, la Suisse romande creuse l’équivalant d’une pyramide de Khéops de « sable » pour assumer ses chantiers ; en même temps, elle produit l’équivalant de deux pyramides de déchets de construction… qu’elle enterre dans ses gravières.

L’enquête révèle que les gisements vaudois actifs seront tous épuisés en 2023. Un tiers du sable provient déjà de France, ce qui engendre chaque année 40'000 allers-retours de camions transfrontaliers. Au rythme actuel, il n’y aura plus de gravier vaudois d’ici 60 ans ; ensuite, il faudra concasser la roche ou «faire une pause de 2'500 ans pour permettre au Rhône de reconstituer cette réserve», s’amuse Claude Baechtold.

À deux pas de chez moi, les bois de Ballens abriteraient 18,5 millions de mètres cube de «sable», l’équivalent de 555 millions de francs (30.-/m³). Ajoutez à cela les revenus de l’ensevelissement des déchets (qui rapporte autant que l’extraction), soustrayez les frais d’exploitation : vous parvenez à un gain de près d’un milliard de francs, soit l’équivalent… de la dette du canton.

En gros, si la commune de Ballens - qui possède la grosse moitié du bois concerné - faisait sécession et nationalisait son sable, elle pourrait s’offrir une dizaine de centres aquatiques morgiens…

Claude Baechtold décrit minutieusement la guerre de tranchées que se livrent la vénérable Holcim Suisse, filière de LafargeHolcim, plus grosse multinationale de ciment du monde, et le jeune trouble-fête Orllati.

Il montre comment des communes et des petits propriétaires doivent traiter directement avec ces deux « titans », sans cabinet d’avocats ni appui du Canton. Comment on ne discute pas du prix.  Comment la première guerre a été remportée par un consortium emmené par Holcim. Mais comment Orllati ne s’avoue pas vaincu, notamment pour exploiter l’autre partie du bois, qui appartenait à des habitants de Denens. Comment, selon le journaliste, tous les coups sont désormais permis : pression sur un exécuteur testamentaire, condamnation de trois innocentes à cinq millions de droits et intérêts, paysans expulsés de leur domaine à Yens, à Saubraz, etc.

L’intensité de la lutte est à la hauteur des centaines de millions de francs en jeu. Ce qui me choque le plus, c’est que le Canton arbitre cela de loin, ne réglemente pas, tout simplement parce que ce gravier est indispensable à sa croissance, ses grands chantiers. Puisse-t-il un jour avoir le courage de se mesurer à ces deux monstres pour éviter que les «petits» se fassent concasser en même temps que leur sol ?

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