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j Syrie

  • Échange finale turque en Turquie contre match matinal à Alep

    Citadelle.jpgEn fin de journée, ils se moquent pas mal de la citadelle (photo) qui domine les trente-sept souks de la médina (comment du reste y ferait-on rentrer deux millions et demis d'Alépins?). Ils déambulent plus volontiers dans le parc de la nouvelle ville. Plus précisément autour de son bassin central.

    ALEP La foule se densifie. Elle attend quelque chose. Nuit noire. Soudain, un air arabo-électronique balancé à plein régime annonce la chorégraphie multicolore de centaines de jets d'eau qui montent et descendent en rythme. On ouvre grand les yeux (et la bouche) sans piper mot. C'est d'une beauté. Les enfants dansent. Les uns laissent une caution pour emporter un narghilé près du bassin. Les autres investissent dans des bâtonnets fluorescents ou des cafés à la cardamome.

    Un vieillard raconte des blagues sur les habitants de Homs, “les Belges de Syrie”. Immortalisant le spectacle sur son téléphone portable, un jeune alépin avoue n'être jamais allé à la mer, “faute d'argent” (son Motorola coûte 2'500 lires – 50 francs suisses - l'équivalant d'une quinzaine d'allers-retours vers le littoral). Plus loin, un Irakien dit avoir décidé de ne plus attendre la fin des hostilités pour rentrer: “depuis 2006, la loi syrienne s'est durcie” (1,3 millions d'Irakiens se sont réfugiés en Syrie)...

    PlacedesMartyrs.JPGFin du show, la foule rejoint la Place des Martyrs (photo), une large esplanade décorée par trois affiches géantes: présentation des grands projets d'Alep, annonce de prix cassés chez la compagnie Syriatel et portrait du président. Devant la statue des Martyrs, le “Syrian Family Planning” mène une campagne de prévention. Si les drogues dures ne sont pas encore un problème à Alep, l'alcoolisme préoccupe davantage l'association: abus d'Al-Chark, la bière brassée à Alep, mais surtout d'arak, l'équivalant syrien du raki turc ou de l'ouzo grec.

    TURKIYA ! Vingt-deux heures, grand temps de chercher où suivre la demi-finale opposant l'Allemagne à la Turquie... Cybercafé, “Beauty center”, pâtisserie, boutique “Oui, ma chérie”, disquaire, hôtel Baron (arborant une affiche de 1911: ¨l'unique hôtel de première classe à Alep, le seul recommandé par les agences de tourisme”)... enfin une CinemaOpera.JPGmaison de thé avec téléviseur. On semble regarder le match “à défaut de mieux”. À la cinquantième minute, un problème de retransmission sur les chaînes syriennes ne perturbe aucunement l'assemblée. Elle me conseille l'Opéra (photo), un cinéma qui projette des films “sexy” la journée et des matchs le soir.

    Dans la salle obscure, plusieurs centaines de fanatiques braillent et s'agitent pour soutenir la Turquie (qu'importe le sandjak d'Alexandrette, le "don" de la régıon syrienne d'Antioche aux Turcs en 1939 et les problèmes récurrents du partage des eaux de l'Euphrate, on ne trouve des drapeaux allemands qu'aux balcons d'Al-Jdeida, le quartier chrétien). Turkiya! Turkiya! Turkiya…

    Trois à deux pour l'Allemagne : perdu la possibilité de suivre la finale chez un finaliste, mais décroché une invitation pour une partie de foot le lendemain. À Alep, on joue de six à huit. Six heures le matin.

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  • Lattaquié, tendance été 2008

    Syrie.gifEst-ce le reflux de la mer, le trafic du port ou un décret solaire ? Le fait est qu'un tel spectacle ne m'avait plus été présenté depuis... disons... l'Espagne. Non, la ville de Lattaquié ne ressemble pas à ce qui vient à l'esprit lorsque l'on prononce le mot “Syrie”. Parlons peu, parlons fringues. “Welcome in Syria.”

    Ces dames d'abord : sandalettes rouges ou talons à aiguille argentés, bermuda en jeans moulant, body en treillis militaire, ombrelle turquoise, démarche de clips libanais et lunettes de chez Dior, maquillage bien apprivoisé, franges et permanente, souvent décolorées, parfois réussies. À Lattaquié, des femmes se promènent mains dans les poches (un petit pas pour la femme, mais...), un tiers seulement se couvre la tête et le tiers restant porte de larges ceintures taille-de-guêpe, des corsages flashy ou des tailles sous-évaluées qui annoncent que le meilleur reste à venir...

    Ces messieurs ne sont pas en reste. Les souliers vernis à pointe relevée jouent sèchement du talon sur le sol (tout le monde doit avoir vu les souliers vernis à pointe relevée). On achète volontiers au double du prix des pantalons neufs préalablement usés (et merde pour les pauvres!). Avec cela, une chemise à paillettes ouverte jusqu'au troisième bouton (parfois le quatrième, en fonction du facteur pileux) ou un juste-au-corps rose bonbon agrémenté d'une inscription anglophone (des articles qui ne se porteraient peut-être pas si l'anglais était compris). Pas de moustaches à Lattaquié, mais des barbichettes précises qui doivent prendre des heures. Parfois l'ongle d'un auriculaire plus long que les neuf autres doigts ou une boucle d'oreille. Lattaquié ose le short Hawaï, le marcel blanc, l'aigle tatoué, la gomina et le tronc bodybuildé. On trouve (encore) suspendus aux balcons beaucoup de drapeaux... italiens.


    À Lattaquié, la rue ressemble enfin aux vitrines des magasins et aux affiches publicitaires. On se permet des extravagances vestimentaires “hors mariage”. Résultat : l'amplitude des styles ouvre le regard des gens et plus personns ne dévisage le truc-qui-dépasse.

    plage.jpgSur les plages toutefois, les versions divergent. Il y a les plages dites “occidentales” (on y rigole très peu) et les autres. Dans ces dernières, l'écran total est d'usage chez les femmes... mais l'une ouvre la marche, papa s'occupe de la petite et un couple échange des mots doux en se tenant par  la main. Rien à redire. Welcome in Syria!

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  • Le Krak des Chevaliers tout en douceur

    krakdeschevaliers.jpgEt de deux. Deux "papiers touristiques” d'affilé. La faute à Euronews qui montrait des hommes tirer dans Tripoli et “faire neuf morts” dans une ville entrevue il y a peu dans la paix, le calme et la volupté... Comme une envie de hauteur et de recul : élevée sur les derniers contreforts du djebel Ansariyya qui dominent la plaine d'El-Bukeia, une forteresse ressemble à un rêve d'enfant. Du solide, de la pierre et de l'Histoire, de ces choses qui ne tombent pas sous les feux du premier fanatique venu.

    Crac.dedales.JPGKRAK DES CHEVALIERS “C'est le plus beau des châteaux du monde, certainement le plus pittoresque que j’aie vu, une véritable merveille...” En 1909, le jour de son vingt-et-unième anniversaire, Laurence d'Arabie avait manifestement apprécié la visite de la forteresse. En son temps, le roi de Hongrie André II l'avait définit comme “la clef des terres chrétiennes en Orient”, tandis que le chroniqueur Ibn al-Athir l'appelait “l'os en travers de la gorge des musulmans”...

    crac.vallee.JPGEn 1099, lors des premières croisades, Raymond de Saint-Gilles délogea les Abbassides de la forteresse, mais l'abandonna aussitôt pour filer sur Jérusalem. C'est le régent d'Antioche Tancrède qui s'en empara en 1110 pour y installer une garnison franque sous l'autorité du comte... de Tripoli. En 1142, le Krak (“karak”, en syriaque, signifie “forteresse”) fut confié aux Chevaliers de l'Hôpital, un ordre de moines-soldats constitué pour escorter les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte.

    crac.eglise.JPGDu haut des tours, les Hospitaliers apercevaient les places fortes de Chastel Blanc à l'est et d'Akkar au sud ; des feux d'alarme suffisaient à prévenir les forteresses du comté. Le système d'entrée du Krak consistait en un long corridor entrecoupé de "sas" et percé de meurtrières. La tour nord-est abritait une chapelle (photo), alors que la cour centrale reposait sur un vaste grenier voûté pouvant contenir jusqu'à cinq ans de vivres et de fourrage. L'eau nécessaire à tenir un tel siège était drainée depuis les terrasses au sommet des tours et stockée dans des réservoirs... Le Krak était imprenable.

    Crac.remparts.JPGEn 1163, Nur ad-Dîn s'y cassa les dents. Un second siège échoua également en 1167. Même Saladin ne put s'en emparer. Il n'avait pas compris que la force ne pouvait rien. Mais la ruse : Baybars, sultan des Mamelouks, envoya une fausse missive aux Chevaliers, émanant prétendument du Grand Maître des Templiers, leur enjoignant de se rendre...

    Du jour au lendemain, les Chevaliers avaient quitté les lieux.

    Le 8 avril 1271, Euronews aurait annoncé que le Krak des Chevaliers changeait de mains. Sans faire de victimes. Euronews aurait peut-être fait défiler en sous-titre l'inscription latine gravée sur le septième pillier depuis la gauche dans la Grande Salle du Krak : “que l'abondance, la sagesse et la beauté te soient données. L'orgueil à lui seul souille tout s'il t'accompagne”.

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  • Zénobie, irrésistible impératrice arabo-romaine

    Il était une fois une femme qui en voulait. Une fois parmis d'autres. La femme en question n'hésita cependant pas à assassiner son mari, un roitelet arabe descendant de pauvres bédouins, pour s'offrir le Royaume de Palmyre et s'autoproclamer reine de l'Orient romain.

    ToursYemliko.JPGTourYemlikoSunraise.JPGPALMYRE La nouvelle reine se faisait adorer “à la manière perse”, mais c'est à la mode romaine qu'elle se présentait aux soldats, coiffée d'un casque et portant une écharpe de pourpre dont les franges laissaient à leur extrémité pendre des pierreries. Ses bras étaient nus. Son visage basané. Ses yeux intensément noirs. Et sa dentition si blanche que beaucoup croyaient que des perles lui tenaient lieu de dents. Elle parlait palmyrénien, grec, égyptien, latin et rédigea un traité sur l'Histoire de l'Egypte. Tetrapylone.JPGElle était si chaste qu'elle ne s'offrait jadis à son mari que pour procréer. Voyageant parfois en carrosse, elle se déplaçait le plus souvent à cheval. Il lui arrivait de faire avec ses fantassins des marches de trois ou quatre milles. Elle buvait fréquemment avec ses généraux, à les faire rouler sous la table. Elle utilisait pour ses banquets des vases à boire en or rehaussés de pierreries ressemblant à ceux dont se servait Cléopâtre.

    GrandeColonnade.JPGElle ne fit pas qu'imiter Cléopâtre. Elle s'inventa une parentée avec la dernière des Ptolémées pour légitimer son rêve : annexer l'Égypte.

    Ce qu'elle fit. En août 271 ap. JC, la reine Zénobie déclara son indépendance vis-à-vis de Rome, ordonna la frappe d'une monnaie palmyrénienne sur laquelle elle se donna le titre de "Septima Zenobia Augusta"...

    Comment diable a-t-elle pu s'emparer ainsi de l'Egypte romaine? Dans les jardins de lumière d'Amin Maalouf ose une réponse :

    “Belle, riche, lettrée, ambitieuse jusqu'aux cimes et dotée d'une puissante intelligence, elle était rongée par un mal que nul remède ne parvenait à soigner. Elle s'en plaignit un jour à sa sœur qui lui rapporta les dires des caravaniers sur les prodiges d'un médecin du pays de Babel. La reine exprima son désir ardent de le rencontrer, et la nuit même, dans son sommeil, elle vit son image et entendit sa voix. Au réveil, elle était guérie. Et convertie. Telle est l'histoire consignée dans les écrits manichéens […] Ainsi on s'était longtemps demandé quelles pouvaient être les croyances de la grande dame du désert, elle qui accueillait dans sa cour les philosophes, les Juifs, les Nazaréens, et laissait honorer dans les temples de sa capitale les divinités de toutes les nations. Ce souffle de tolérance était celui de Mani."

    Tour&Fort.JPGLes armes de Zénobie, la tolérance religieuse, une politique culturelle affermissant l'indépendance de l'Orient à l'égard de Rome et la revalorisation des éléments araméens de la société syrienne étouffée jusque là par la culture gréco-romaine...

    Colonne&Fort.JPGHélas, même chez les reines, les joies sont éphémères. En 270, Aurélien reprenait l'empire en main et se lança à la reconquête – fulgurante - des territoires perdus à l'Est. Vaincue, Zénobie tenta de s'enfuir chez les Perses, mais fut capturée. L'empereur manifesta une surprenante clémence envers la rebelle. Il se contenta de l'exhiber, entravée de chaînes d'or, dans les rues de Rome, en 274, puis l'autorisa à finir ses jours dans un charmant petit cottage du Latium... L'empereur écrira :

    “J'entends dire, pères conscrits, que l'on me reproche d'avoir eu un comportement indigne d'un homme en faisant figurer Zénobie à mon triomphe. Mais ceux qui me Qala'atibnMaan.JPGcritiquent m'approuveraient certainement s'ils savaient de quelle trempe est cette femme, si avisée dans ses décisions, si tenace dans ses plans, si ferme vis-à-vis des soldats, si généreuse quand la nécessité le demande, si rigoureuse quand la discipline l'exige...”

    En 272, le royaume de Palmyre avait vécu. Cette ville qui s'était rêvée capitale de l'Orient redevint une insignifiante bourgade de la province romaine de Syrie.

    Les photographies ont été prises à Palmyre, dans les vestiges du royaume de Zénobie, au coucher et au lever du soleil. Aussi fabuleux qu'éphémère.
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  • Médina inabordable et vue imprenable

    DAMAS Ai beau forcer. Pas faute d'avoir essayé. Damas ne veut pas rentrer. Une capitale de cet acabit dépasse la somme de ses parties. Alors quoi?

    cour.JPGAlors parler de mon “chez-moi”, le quartier chrétien de la médina (celui qui travaille le vendredi et que des vierges surveillent à tous les coins de rue). Voilà trois jours que je partage une “pension moyen-terme” avec trois “arabisants” : un Grec, un Suédois et une Coréene qui ont décidé de ne pas quitter la ville avant de parler arabe couramment... Je pensais qu'habiter la vuefenetre.JPGmédina ferait “couleur locale”, mais dans ce demi kilomètre carré, tout est en cours de restauration - loyers compris. Les charmantes petites maisons sont vides (parce que trop chères à restaurer) ou recyclées en lieu de consommation. Faire fi de cela, car la magie se moque des calculs boutiquiers : ma cour intérieure est miraculeuse (photo de gauche) et par la fenêtre, le spectacle – sonore et visuel - continuel (photo de droite).

    Plutôt que me samir.JPGdisperser (Damas, l'une des plus ancienne ville du monde - Égyptiens, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Omayades, Mongols, Ottomans, Français – offre ses trésors architecturaux – et humains - à tous les carrefours), mieux vaut peut-être parler d'un seul homme, quelqu'un qui m'emmène Chez Firas, près du souq Saroujah. Prototype méditerranéen, Samir Akchar (photo) a grandi à Damas, vécu à Paris et au Caire, puis est retourné en Syrie...

    *

    Quand il parle de son enfance à Damas (il est né en 1958), des mots comme “formatage”, “pression mortelle” ou “viol mental” égaient sa conversation. Samir se souvient de l'absence totale de communication entre son père et sa mère, de l'interdiction de jouer dans la rue (“en Syrie, le mal vu est craint davantage que l'interdit”) et de rituels familiaux incongrus : “à 14h30 exactement, il fallait avoir mangé et être lavé pour saluer notre père qui rentrait du travail, puis aller dormir, sans lui adresser la parole”...  Anecdotique, à 20 ans, Samir n'avait qu'un seul ami qui ne portait pas la moustache (il était coiffeur).

    A 22 ans (et malgré le chantage de sa mère), il s'en va pour Paris. Un choc. “Des gens habillés n'importe comment - un clochard assis à côté d'une charmante femme - et personne pour juger l'autre du regard...” Après quelques années parisiennes toutefois, il en est revenu. Nommé Conseiller de quartier, il souffrait de l'inertie subie par toute initiative voulant faire bouger les choses et note - mais sous une forme différente - qu'un même “viol mental” endort les Français...

    Avec sa femme, de nationalité française, il part s'établir au Caire. À nouveau un choc. Il aurait voulu jouir de nouveau de sa langue arabe, mais les Égyptiens, pour marquer la différence qui les sépare, lui répondent... en anglais. Il découvre également avec stupeur qu'on l'accueille partout comme un prince quand il montre son passport français et comme un “low class” quand il dit venir de Syrie, ce frère arabe...

    *

    La discussion nous a mené au nord de la ville, dans le Parc Al-Jahez, en face de la boutique que tenait jadis son père : “le parc n'a pas changé, les gens non plus”. Aucune trace de nostalgie chez Samir : en ce moment, il attend des documents qui lui permettront de filer en Arabie Séoudite pour monter une entreprise de communication... Fin de la promenade avec Samir.

    residencemont.jpgDu Parc Al-Jahez, en poursuivant vers le nord, je traverse les quartiers huppés : ambassades, boulevard fleuri, Hummer, palais présidentiel et agents de sécurité en costard-cravate à tous les carrefours... Étonnant, ce Damas. A 500 mètres de là  - et 200 mètres plus haut (photo) - un quartier populaire s'accroche à la colline. Des baraques de briques pour la plupart habitées par des Kurdes sans le sou.... mais les nababs d'en-bas ne leur voleront jamais ce luxe ultime :

    vue.JPG

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