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Dormir à la belle étoile

Ma deuxième... et dernière chronique pour "Hotel Revue"...

 

Ce cérémonial 2.0 de la réservation en ligne. Arrivée le, départ le, nombre d’adultes, nombre d’enfants. Fabuleux, 4.6/5, CHF 96. En forte demande, plus qu’une chambre sur notre site ! Afficher les 364 avis vérifiés...

Le cérémonial de la réception, codes de décoration et sourires de profession. Toute ma vie résumée en un pays d’origine, une profession, une date et un lieu de naissance. Carte de crédit. Code wifi. L’heure de la fermeture des portes. L’heure de l’immanquable anglicisme «check-out». L’heure du petit-déjeuner, et déjà, en prédire le tableau : chacun à sa petite table, mâchouillant, chuchotant, dévisageant, se levant soudain, rajustant son pantalon pour aller remplir sa petite assiette avant de revenir à sa petite table…

Le cérémonial de l’ascenseur, le chiffre de la centaine qui est le celui de l’étage. Le cérémonial du couloir, le matricule qui est le numéro de la cellule. Le verrou, l’interrupteur, le pliage du papier toilette, les serviettes en surnombre, le petit mot de bienvenue en police d’écriture manuscrite et une bouteille d’eau qui a voyagé des heures à bord d’un camion pour arriver là.

Toujours, je pars en quête d’un indice, une infime trace de vie, la preuve irréfutable d’une présence humaine. Je rêve d’un livre oublié dans un tiroir, d’un brouillon de lettre dans la poubelle, et même d’une trace de doigt sur le miroir... mais rien. Il n’y a que le grand écran plat et l’affreuse aquarelle pour me raconter des histoires.

Ne pas déranger. Ne pas fumer. Ne pas claquer les portes – le tapage, même diurne, est interdit, tout bruit doit cesser entre 22 heures et 8 heures. Ne pas cuisiner dans les chambres. Ne pas consommer des boissons non fournies par l’hôtel. Ne pas faire sa lessive…

Vraiment, je préfère cent fois le canapé mou d’un vieux pote à vos lits doubles et repassés. Je préfère ma lampe frontale et un bon bouquin à vos 234 chaînes satellites. Je préfère tous les bars de toutes les villes aux minuscules boissons de votre minibar hors de prix.

Dans une chambre d’hôtel, je plains les gens aisés, les commerciaux, les artistes en tournée, ceux qui n’ont pas le choix. Je plains aussi les hommes et les femmes de chambre, ceux dont on ne connaîtra jamais ni le prénom ni le son de la voix, ceux qui ont pris le premier bus du matin pour venir détartrer mes toilettes, dépoussiérer ma table de nuit, vaporiser, laisser agir, rincer, sécher et faire le petit pli du papier toilette.

J’ai parfois la nostalgie de quelques bonnes adresses. L’hôtel de la gare de Tioumen, en Sibérie occidentale, où l’on finit toujours par partager des vodkas et éplucher des patates avec des cheminots. La petite pension Violetta, à Beyrouth, dans le salon de laquelle les gens se parlent comme de vieux amis, et qui - je le comprendrai plus tard - fait aussi office de maison de passe. Les hôtels capsules de Tokyo, où l’on dort certes dans deux mètres cubes, mais qui mettent à disposition une cuisine animée, un bar convivial et des bains japonais…

Bon. Ok. Si la rédaction me laisse écrire ici une troisième chronique, je promets d’essayer de poser sur le monde hôtelier un regard un peu moins défaitiste.

 

Et bien non.

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