Cet article mesure un demi-kilomètre. Une ligne droite de 2'500 ans. De l'Acropole à la rue Menandrou.
ATHENES Au siècle de Périclès, Athènes imposait sa supériorité militaire (entre deux tourniquets de cartes postales, une tenue complète de soldat athénien), politique (la Constitution européenne cite Thucydide en préambule), économique et culturelle.
Avant toute chose donc, se faire prendre en photo sur l'Acropole (fâcheux, quel que soit le décor - Mont Lycabette ou golfe de Salonique - il y a toujours sur le champ un épais smog, ce satané “nefos”). Redescendre ensuite vers le quartier épicurien de Plaka – ruelles pavées, façades de couleurs chaudes, verdure et toits en tuile – prendre le temps au café Klepsydra (photo) et commander un café turc (on l'appelle ici “café grec”, mais c'est kif-kif).
Au bout de la rue Dioscure, un couple se demande s'il a déjà visité l'Agora romain. Elle sort le guide et dit que oui. Le couple s'en va donc flâner de boutique en boutique, de souvenirs en souvenirs: best-seller illustré La vie amoureuse des Grecs anciens, écharpe des supporters du Panathinaikos (il fait 37 degrés), plages ensoleillées peintes sur des “fridge magnet”, boules en verre pour enneiger l'Acropole (...se souvenir alors de la différence entre “la situation est grave, mais pas désespérée” et “la situation est désespérée, mais c'est pas grave”, ou fermer boutique).
Passer devant l'étonnante Bibliothèque d'Hadrien, une mosquée séculaire aménagée en Musée de la céramique, un conteneur éducatif pour l'art du recyclage alu-plastique-papier, la station de métro Monastiki (devenue carrefour de deux lignes grâce au JO 2004), des tables de restaurants alignées comme des transats, des cerises à cinq euros le kilo et des simit turc (ces pains circulaires au sésame s'appellent ici koulouri, mais c'est kif-kif).
Gagner ensuite le quartier de Psiri et changer d'ambiance. Dans la rue Miaouli, cafés à narguilé, bars gay, lounges branchés et clubs alernatifs (les graffitis et les coiffures excentriques sont une fête pour les yeux de celui qui vient du sud). Des affiches annoncent une manifestation le 12 sur la place Syntagma contre la montée des prix (ils ont flambé ici cinq fois plus qu'en Europe), un débat le 14 sur la place Kaniggos sur le sort des immigrés et la venue des Sex Pistols le 16 au stade Karaiskaki (55 euros le billet, pas très punk).
Poursuivre, toujours plein nord, rue Aristophane, pour se fondre ensuite dans la cohue bigarée de la rue Menandrou (photo) entre nounous albanaises, Nigériens revendeurs de sacs à main, Chinois affairés sous des enseignes d'import-export, marchands de dévédés de Bolywood, barbu en shalwar kamiz au “Lahore market”, parieurs fixant nerveusement des tours de passe-passe, jeunes faméliques, lignes de cocaïne et policiers aux épaules triangulaires pour fendre la foule comme jadis Moïse au milieu des eaux, l'émerveillement en moins...
De l'Acropole à la rue Menandrou, de l'Âge d'Or à la flamboyante globalisation, un demi-kilomètre, cinq rues, 2'500 ans d'histoire et une fin sordide. Il faut relire La Vie amoureuse des Grecs anciens.