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RIF : Le prix du Paradis

CHEFCHAOUEN Aux portes du Rif, dans cette petite ville montagnarde réputée pour son bon air et sa médina, certains achètent le paradis au Bar Oumourabie. Il coûte 15 dirhams (un euro), s'appelle Flag Beer et se transporte sous le djellaba jusqu'à une terrasse, où, près d'une bouteille de jus de pomme gazeux Pom's, il passe inaperçu (si le "Service de Sûreté" surprend le manège, il demande 600 dirhams)...

D'autres - la grande majorité - préfèrent au "Monsieur Nerveux" (alcool), la "Dame Tranquille", comme on l'appelle ici : "Si Allah fait croître le cannabis, il faut y faire honneur", me dit-on...

Certains, enfin, passent à la vitesse supérieure :

Un Espagnol vient d'offrir 380'000 dirhams (35'000 euros) pour cette petite ruine isolée (photo)... Une centaine d'étrangers vivent ainsi à Chefchaouen à plein temps et plus nombreux encore sont ceux qui y ont acheté une "résidence secondaire". Résultat : en 10 ans, les prix de l'immobilier ont sextuplé, suivant l'exemple des grandes sœurs, Marrakech et Essaouira.

Si certains indigènes crient à une "nouvelle invasion coloniale" et réclament une loi de réglementation (une sorte de Lex Koller...), d'autres se font plus accueillants : "les Marocains ne veulent plus vivre dans la médina et n'ont les moyens ni de restaurer les bâtiments, ni d'acheter du mobilier ancien. La ville a besoin des étrangers..." La preuve par l'exemple. A droite, la maison d'Emilio, un Espagnol installé ici depuis deux ans. A gauche... une bonne affaire (photo) :

Qu'en pense Emilio ? Impossible de le rencontrer. Comme tous les Espagnols installés ici, il ne reviendra qu'au printemps. Ne se rencontrent que les membres des organisations espagnoles d'entraide sociale (IPADE et MZC) et d'écologie (Talass matane) qui me disent que c'est un très bon investissement. Depuis l'Espagne, on loue sa "maison authentique, rénovée, tout confort, au coeur de la médina" pour 800 euros mensuels. En deux ans, l'achat est rentabilisé.

Et si moi aussi je m'offrais le Paradis ? L'agence immobilière Bakali est fermée : "le patron est allé faire des courses à Tétouan", me dit-on. L'autre agence, Appium, propose au catalogue des dizaines de maisons, de 20'000 à 200'000 euros : "l'essor immobilier a commencé avec les Espagnols de Ceuta. Puis sont venus les Espagnols de la péninsule et les autres étrangers...

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En 1920, les Espagnols s'emparent de Chefchaouen.
Ils la rendent après l'indépendance du Maroc, en 1956.

550'000 touristes espagnols ont visité le Maroc en 2007. 

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Mais au Maroc, mieux vaut court-circuiter le système, limiter les intermédiaires, d'autant plus que chacun connaît une personne qui connaît une personne qui... vend une maison. Ainsi me retrouve-je dans la maison familiale de Yassin (photo), dans la médina, deux étages, cinq pièces, électricité, eau courante, puit de lumière, terrasse avec vigne, le tout pour 800'000 dirhams (75'000 euros), libre de suite. Un Allemand lui offert la somme, mais ne répond plus depuis quelques mois. Un Anglais offre 600'000. "Si tu veux, la semaine prochaine, la maison est à toi !"

En discutant un peu, on découvre qu'à Chefchaouen, le propriétaire de la maison d'hôte Par Ras El est zurichois (www.chefchaouen.ch). Et que l'Hôtel Goa (pas sympa, le "g" est imprononçable pour les arabophones…) est tenu par une Lausannoise.

Sous des tentures de Ganesh et de Bouddha, Valérie Mandrin (photo), 46 ans (lectrice quotidienne du 24 Heures online...), raconte comment elle a acheté en 2001 une maison qu'elle a transformée ensuite en hôtel. "J'ai eu le coup de foudre pour cette région qui ressemble à la Suisse... et enfin un endroit au Maroc où une femme pouvait boire seule un café sur une terrasse !"

Des anecdotes, elle en a à la pelle. "Au début, peu coutumiers des animaux de compagnie, les Marocains jetaient des pierres sur ma chienne Safi..." Sa femme de ménage (payée 150 euros par mois, pour 4 heures par jour, 6 jours par semaine) ôte le manche du balai pour laver "à la marocaine", courbée en quatre (mais aujourd'hui, elle n'est pas venue...). Les ouvriers marocains, "d'une lenteur inimaginable", lui ont détruit tous ses outils pour faire un "boulot de glandu" (il pleut à l'intérieur)... L'associé marocain avec qui elle a acheté la maison lui cause bien des problèmes...

En résumé, "pour vivre ici, il faut être très forte de caractère", avoue Valérie Mandrin. Depuis peu, son mari a décidé de vivre à nouveau en Suisse et ne revenir à Chefchaouen que pour les vacances...

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