Elle fait le premier pas. La quarantaine, voilée plus qu'il n'en faut, mais le regard accrocheur. Elle me dit que sa soeur vit à Paris, enfin près de Paris, à Saint-Denis, qu'elle y a vécu quelques mois, mais que son mari n'a pas supporté. Il est aujourd'hui maçon à Nador. Elle a quatre enfants. Le petit dernier dans les bras. "Je n'ai jamais travaillé, mais je veux travailler..." D'un français minimal (j'imagine sa vie à Saint-Denis), elle me dit que Mohammed VI est "très très bien pour les femmes". Discussion lente, hésitante, belle...
A la rescousse, une étudiante de 18 ans, première année en technique de management, vient jouer les traductrices. Elle ne porte pas le voile, "mais après, oui, je l'espère, inch'allah". Son père est prof de gym et elle adore le basket, mais sa ville de Zaio n'a pas de club féminin. Elle écoute un peu Céline Dion, mais surtout de la musique berbère amazigh qu'elle ne danse (des épaules) que lors des mariages. Pendant ses temps libres, elle reste à la maison, "tchate" avec ses amies et, depuis 2 ans, avec un Américain de Détroit. Du nouveau Code de la famille, elle apprécie le réhaussement de l'âge légal du mariage de 15 à 18 ans, mais préférait l'ancien article qui demandait aux femmes de recourir à un tuteur pour se marier : "les parents peuvent nous empêcher de faire des erreurs..."
NOUVEAU DROIT DE LA FAMILLE Deuxième pays arabo-musulman à franchir ce pas, après la Tunisie, le Maroc a adopté en janvier 2004 une réforme radicale du droit de la famille. En vertu de cette loi, la femme marocaine est maintenant considérée comme une adulte, délaissant ainsi son statut de mineure qui l’obligeait à vivre sous la tutelle du père, du frère ou de l’oncle. La femme marocaine peut dorénavant choisir librement son époux et demander le divorce sans nécessairement perdre la garde de ses enfants et devoir quitter le domicile conjugal. Elle peut aussi refuser la polygamie.
... mais soudain, elle se tait et se referme. Venant de la surprendre en train de converser avec un étranger, deux amies rient d'elle...
Si au Maroc, les femmes étudient et se mettent sérieusement au boulot, si la mode fait des ravages, de même que la presse féminine marocaine... à la campagne, seuls 27% des filles sont scolarisées dans le primaire (Rapport du Fonds des Nations-Unies pour la Population 2007). Que le prochain concours Miss Monde ait des chances d'être organisé à Marrakech en novembre prochain ne suffit pas. Au contraire ?