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Accroché au bec des cigognes noires

Il est seul et immobile, assis sur sa chaise de camping. Bob gris sur la tête, boucle sur l’oreille gauche, polaire brune, pantalons de trek kaki. Les deux coudes calés sur ses genoux, une paire de jumelles à la place des yeux. A proximité, un télescope à trépied et un paquet de Winston bleue.

Seul et immobile au sommet du Mont Mourex, au-dessus de Divonne, une modeste colline prise entre le Jura et le Léman. Vue panoramique, du Moléson au Mont Blanc. Une table d’orientation promet même, par temps dégagé,la Jungfrau. Cette table se veut aussi didactique : "Chaque jour, 20'000 personnes passent les frontières gessiennes pour aller travailler en Suisse"… mais c’est d’une autre forme de migration qu’il sera question ici.

Il est là depuis sept heures ce matin, il s’appelle Claude, il est l’un des deux "locataires du Mont", comprenez : l’un des deux ornithologues bénévoles à y recenser la migration postnuptiale.

S’il est incapable de reconnaître les modèles des avions qui déchirent le ciel (l’aéroport de Cointrin est pourtant son employeur), il sait facilement distinguer, à l’œil nu et au loin, une buse d’une bondrée apivore.

Il s’agit d’abord de quelques pixels. Les points grossissent. Neuf Milans noirs ! Non, huit Milans noirs et un Milan royal ! Comment le sait-il ? C’est ce qu’il appelle le "Jeez", le sixième sens des ornithologues… Les Milans s’aident des thermiques pour gagner de l’altitude, dessinent quelques cercles au-dessus de la Dôle, du Col de la Faucille, du Creux de l'Envers, du Colomby de Gex, puis disparaissent.

Sur un cahier à spirales, Claude fait des coches pour les oiseaux rares et inscrit une suite de chiffres pour les plus courants. Le soir venu, il reportera ses observations sur le site "Migraction.net". En cliquant sur le point correspondant au Mont Mourex, vous lirez qu’en cette journée du 30 juillet 2015, il aura vu passer - en 10h30 d’observation ! - 805 Milans noirs, 7 Milans royaux, 272 martinets noirs, 45 hirondelles, 6 goélands…

espagne-tarifa-cigogne.jpgEt puis – à 13h16 précise - une chance inouïe. Un groupe de sept cigognes noires ! Sept d’un coup, même pour Claude, c’est une première !

Toujours assis sur sa chaise de camping, il est aux anges. A peine plus petites que les cigognes blanches. Le bec rouge, un triangle blanc sur leurs aisselles. Dans la lunette de son télescope, elles sont majestueuses. Sept oiseaux rares, sept gracieux nomades.

Pour peu, il deviendrait le narrateur du Vol des cigognes de Jean-Christophe Grangé, ce "jeune homme sous tous rapports" qui s’en va, du jour au lendemain, suivre la migration des cigognes jusqu’en Afrique : "Le départ n'est pas déclenché par des conditions climatiques ou alimentaires, mais par une horloge interne. Un jour, il est temps de partir, voilà tout ".

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