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Textes chroniques - Page 22

  • Marseille, kilomètre zéro

    Sur les marches de Notre-Dame de la Garde, un gitan massacre à l'accordéon La Marseillaise. Sur les grilles de l'édifice : "Attention. L'accès à la Basilique est gratuit. Aucune quête n'est tolérée"... Sur les flancs caillouteux de la colline, un gosse pratique son sport d'hiver : deux sangles fixées sur un skateboard, un snowboard méditerranéen (photo).

    MARSEILLE 43° longitude Nord, 5° latitude Est, kilomètre zéro, un symbole. La plus vieille ville de France (2600 ans) propose depuis 1835 une ligne régulière de bateaux à vapeur vers Alger. La mention "Soeur de Rome, rivale de Carthage et émule d'Athènes" est gravée sur l'Hôtel de Ville. "Porte d'Orient" sur une statue de la Gare Saint-Charles. L'heure de Singapour et de New York aux horloges de la Chambre de Commerce... La capitale "black, blanc, beur" a accueilli les Arméniens de 1915, les Russes de 1917, les Espagnols de 1936, les Africains de la seconde guerre, des centaines de milliers de Pieds-Noirs... Aujourd'hui, un quart de la population est musulmane. Et 80'000 Juifs cohabitent avec eux.

    Malgré tout, sur une affiche collée à un lampadaire, on peut lire : "Face à la racaille, tu n'es plus seul". Signé, les Jeunesses Identitaires... Ceux qui, de Perpignan à Nice, votent encore FN et succombent à la vague anti-arabe ont oublié qu'en 1897 un cortège impressionant de Marseillais réclamait le renvoi des dockers... italiens. Déjà , les étrangers étaient accusés de concurrencer les salariés français.

     

    NOTRE-DAME DE LA GARDE "Que voulez-vous, Marseille c'est aussi 40'000 Rmistes et 12% de chômage", me répondait dare-dare le patron du Café L'Ascenseur, sis au pied des marches qui mènent à l'édifice. De quoi méditer. Et pourquoi l'athée que je suis se rend-il dans un lieu saint ? Oui, son marbre vient de Carrare, d'Algérie, et le concepteur a associé un clocher (Occident) à une coupole (Orient)... Il y a autre chose. Une vieille superstition. Avant de partir, il faut consulter l'Oracle. L'occasion donc de demander la protection de Notre-Dame, la "Bonne Mère", comme on l'appelle ici, allumer un cierge et en profiter pour parcourir l'histoire de la Ville résumée en un millier d'ex-voto rivetés aux murs de la basilique :

    "Reconnaissance pour nous avoir préservé du choléra - 1884", "Pour avoir sauvé le steamer Obbia dans l'Océan indien - 1901", "400 tirailleurs calédoniens remercient Notre-Dame de les avoir protégés contre 3 attaques de sous-marins - 1918", "Pour le sauvetage du pétrolier Vendée - 1940", "Cette basilique a été préservée de la destruction par une protection manifeste de Notre-Dame - 1944", "Retour d'Algérie de notre fils - 1958"...

     

    CAPITALE CULTURELLE Une épaisseur historique qui dissimule parfois l'ambition contemporaine. "Marseille est comme une femme bossue. Son mari l'aime, mais il a des réticences à la montrer à ses amis", a dit la veille le sociolgue Jean Viard lors de la présentation du programme du candidat socialiste aux Municipales, Jean-Noël Guérini... D'autres y croient : Marseille se bat pour être la Capitale européenne de la Culture en 2013.

    ...Allumer un cierge dans la basilique Notre-Dame n'a servi à rien. En plantant ma tente  à proximité de l'édifice (photo), j'ai cassé l'un des piquets porteurs. Il faut être moderne. Brico Loisir rend des services que Notre-Dame ne peut pas.

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  • Notre Mer ?

    Et pourquoi pas Bahr ar-Rûm (mer des Romains) tant qu’on y est ?... Il faut l’admettre. Le titre de cette chronique grince. Il rappelle l’Union de la Méditerranée, si chère au mari de Carla Bruni. "Notre Mer" sonne latinocentriste. Pire, mussolinien !Au contraire.

    Cette plateforme aimerait aller contre la "remontée" des nationalismes, la balkanisation des rivages, l’Europe forteresse, l'islamisme obstiné, le côte à côte devenu face-à-face. Car la Méditerranée n’est peut-être pas qu’une cicatrice.

    Ainsi, de Marseille à Marseille, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, en bon Suisse (n’ayant pas le pied marin, je suivrai la côte, manque de pot, je supporte mal l’avion), faire le tour du sujet, narguer les frontières et rencontrer les Méditerranées catholique, orthodoxe, musulmane. La "Mer du milieu des terres" est d'une importance géopolitique centrale. Elle incarne les plus grands dangers comme les plus beaux espoirs. Elle mérite qu’on s’y attarde.

    Pendant six mois, j’accosterai donc ceux que l’on n’entend pas depuis l’autre rive et raconterai cette Mer partagée entre la tentation de la fermeture et la nécessité d’assumer la pluralité que porte la mondialisation.

    Devant moi, une carte de la Méditerranée au 1:6'000'000. France, Espagne, Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Egypte, Israël, Liban, Syrie, Turquie, Grèce… Des pays que je me réjouis d'effleurer. Avec l’entrain d’un Marseillais mangeant la bouillabaisse. Tantôt ouzo, tantôt anisette. Tantôt pin torturé, tantôt bleu Cézanne, j’essaierai de garder à l’esprit l'humanisme méditerranéen dont aimait parler l’enfant d’un quartier ouvrier d’Alger :

    "Ailleurs, dans les cafés maures de la Kasbah, c’est le corps qui est silencieux, qui ne peut s’arracher à ces lieux, quitter le verre de thé et retrouver le temps avec les bruits de son sang. Mais il y a surtout le silence des soirs d’été..."

    Albert Camus, L’Eté à Alger

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