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Textes chroniques - Page 18

  • La "Suisse libyenne" et le Nigérian

    Avec ses rues tip-top, Missourata est surnommée “la Suisse libyenne” (on appelle bien Tripoli "la Blanche mariée de la Méditerranée"), mais ce qui la distingue des autres villes, ce sont surtout ses taxes douanières. Les plus avantageuses du pays. Missourata fait ainsi office de duty free. C'est aussi une étape agréable qui contraste avec le tumulte de Tripoli, 200 kilomètres plus à l'ouest.

    1419630561.JPGMISSOURATA Près du souk, une vaste place accueillait jadis le marché aux vêtements. On peut encore lire les numéros des stands sur le sol. En 2008, six jours sur sept, de 16 à 20 heures, s'y invite le "Salon de l'Auto". A la criée, version open air, trois pour le prix de deux. “Ici, on aime bien changer de voiture, on achète, on revend, on achète”, me dira-t-on.

    Dans le souk, les vendeurs sont assis dans la brouette qui a permis de transporter les marchandises. Des tailleurs alignés derrière leur machine sont au sevice de ces dames. Dans une échoppe à chawarma (lamelles de viande cuite à la broche introduite dans un pain plat, l'incontournable fast food libyen), je rencontre Abraham (photo), un Nigérian qui usine des portails en acier pour 500 dinars par mois (500 francs suisses). "Sans papier, c'est pas mal. En plus, quand la police m'arrête, j'appelle mon patron et c'est réglé. Pas de racket, pas de coup, pas de prison...” En Libye depuis deux ans, il n'a été qu'une seule fois invité dans la maison d'un Libyen. “C'était 630768575.JPGun black", précise-t-il (les harathin, cultivateurs noirs des oasis du Sahara depuis des siècles, vivent pour la plupart à Tauorga, à 50 kilomètres plus à l'est).

    FACE A L'EUROPE Puisque Abraham a congé, on fait route vers la mer. Sur la plage, il parle de l'océan, des côtes nigériannes, des "vraies vagues"... puis d'un ami, dont il est sans nouvelles, probablement mort en tentant sa chance vers l'Europe. Selon lui, 80% des haragas meurent en mer. C'est très probablement faux, mais cela en dit long sur son état d'esprit. S'il continue d'usiner des portails en Libye, c'est pour payer son retour au Nigéria.

    * * * 

    Avec ses 1770 kilomètres de côtes, la Libye reste une base de départ très prisée pour l'immigration clandestine vers l'Europe, via les îles de Malte et de Lampedusa, au large de la Sicile. Même si depuis 2004, des bateaux européens patrouillent sur la côte. Même si en janvier dernier, la Libye annonçait l'expulsion de deux millions d'immigrants clandestins... En plus des presssions européennees, les autorités de Tripoli doivent répondre au raz-le-bol des Libyens. Les clandestins sont accusés de répandre l'insécurité (les Libyens m'ont déjà plusieurs fois conseillé de ne pas m'aventurer dans les "quartiers africains”), de vendre de la drogue, de propager des maladies (la phobie du sida est impressionante) et d'occuper des emplois au détriment des jeunes chômeurs libyens. Le chômage est en effet estimé à 30%, mais comme partout, les clandestins exécutent des tâches que peu de Libyens accepteraient...

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  • "Cueillir le jour" à LEPTIS MAGNA

    "Ti amo, un soldo, ti amo..." A l'entrée, dernier vestige de l'occupation italienne, Umberto Tozzi dégouline des enceintes. Mais plus époustoufflants sont les vestiges de Leptis Magna, à une centaine de kilomètres à l'est de Tripoli, la cité romaine la plus vaste et la plus grandiose d'Afrique !

    1612425611.JPGGrâce à ses cultures d'olives et ses exportations d'animaux vivants en direction de Rome, Leptis Magna devint, sous Septime Sévère, au IIème siècle, la capitale de Tripolitaine. Raison pour laquelle l'Arc de Septime Sévère souhaite la bienvenue aux visiteurs. Sur ses colonnes corinthiennes, des reliefs se souviennent de “cueillir le jour”. Femmes dévêtues, vignobles fermentés et ciel bleu. Carpe diem.

    1755423514.JPGConstruite en calcaire (et surtout loin des agglomérations actuelles!), Leptis ne fait pas son âge. Ainsi peut-on encore se promener dans les allées de la ville. Imagination. Effluves d'encens dans la basilique, de sueur dans le gymnase, vapeurs des thermes, cris du marché, applaudissements du théâtre. Au port, on distingue les entrepôts, la tour de guet, les docks de chargement et le phare, mesurant autrefois une trentaine de mètres, qui n'avait donc rien à envier à son homologue alexandrin. Mais j'anticipe. Hic et nunc, piquer une tête dans l'eau turquoise, la même qu'il y a deux mille ans.

    259853744.JPGDans le forum, en plein air et libre accès, allez savoir pourquoi, une pierre me parle. Un médaillon à tête de Méduse. Des yeux en forme de coeur. Un collier de serpents. Et des sourcils en nageoire de poissons...

    En visitant les thermes d'Hadrien (marbre, colonnades, mosaïques, salles de sudations, etc), j'ai la confirmation que l'histoire bégaie. Autrefois l'huile d'olive. Aujourd'hui le pétrole. Du pareil au même. Une infime minorité continue de “cueillir le jour”, alors que, de l'autre côté de la muraille, la plèbe s'échine.

    593691173.2.JPGPlus à l'est, la perle du site : cet amphithéatre creusé à flanc de colline au Ier siècle pouvait contenir 16'000 spectateurs. On imagine la bande son lorsqu'arrivaient les condamnés, les Chrétiens, les fauves et les gladiateurs, tous venus s'ensanglanter ici. Morts avec vue sur la mer... L'Humanité pose des questions auxquelles la mer 1611036639.JPGne répond pas.

    La suite, on la connait. Tremblement de terre, inondations, invasions, lente disparition sous le sable, puis, un millénaire plus tard, résurrection "archéologique". Plus original est le fait que certaines pièces des thermes aient été rappatriées à Paris par Claude Le Maire, consul de France à Tripoli entre 1686 et 1708. Les pièces ont alors été réemployées pour la construction du Château de Versailles et de l'Eglise Saint-Germain-des-Prés.

    Si vous n'allez pas à Leptis Magna, c'est Leptis Magna qui vient à vous.

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  • "Tarablous" entre deux chaises

    Entre le désert et la mer, Tripoli. “Tarablous” en arabe.

    Entre sa médina et le Corinthia, un mur, enfin une muraille, je m'explique...

    1511078616.JPGBAB AL-JEDID Au pied des murailles puniques de la médina de Tripoli, sous un toit de jonc où filtre le soleil par lames poussiéreuses, sur une chaise de plastique blanc qui flaire bon la mondialisation, des retraités (le vrai sens du mot “retraite”) collent leurs yeux à deux doigts d'une feuille pour y inscrire les scores d'une énième partie de carte. A quelques pas de là, de petits marchés improvisés (photo) disparaissent en un clin d'oeil à l'arrivée des policiers. Plus une trace des téléphones portables et des bouteilles de parfums que l'on utilise ici avec la même générosité.

    1200553499.JPGLa muraille entamée par le vent, la pluie et le temps offre des nids de luxe aux oiseaux. Les escaliers qui mènent à son sommet servent aussi de pissoirs pour les chalands et de plateforme à photographie pour les touristes qui se tiennent le nez en redescendant. Près des murailles, deux hommes se battent. Il n'y a pas de théâtre à Tripoli, alors les gens s'arrêtent et regardent deux hommes se battre. L'un tombe sur une montagne de sandales en plastiques. Tout le monde rit. C'est la fin du spectacle. Après un temps, le spectacle reprend, sous une autre allure : une femme à la démarche aussi ample que ses vêtements sont exigus.

    ... de l'autre côté de la muraille se dresse le Corinthia, l'unique cinq étoiles du pays....

    235904823.JPGCORINTHIA Sur un balcon, une violoniste ukrainienne et une pianiste libyenne meublent un silence feutré qui ne s'entendrait pas, à coup sûr, avec Bab al-Jedid. Autour de la table, sur des chaises en velours, trois autres Helvètes et un ami libyen. Liliane Pescini (tout à droite), Tessinoise responsable des visas à l'ambassade, assistait la veille à un défilé de mode, ici, au Corinthia, un défilé qui eut deux heures de retard à cause d'une invitée surprise, la princesse de Monaco. Eliane Kiener (à sa gauche), Lucernoise travaille pour le Haut 1471786927.jpgCommisariat des Nations Unies pour les Réfugiés (la Libye n'a pas ratifié la convention sur les réfugiés). Marc Sahli (tout à gauche) que je remercie pour le festin et le Forgeron harmonieux de Haendel qu'il m'a fait découvrir au piano.

    Entre la médina et le Corinthia, entre les chaises en plastique et celles en velours, Tarablous.

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  • Au coeur de la médina, les tribus de "Multipoli"

    Jadis repaire de pirates, la médina de Tripoli accueille aujourd'hui d'autres "aventuriers"...

    943845237.JPGTUNISIEN Mon voisin de chambre, dans une funduq de la médina, s'apelle Charfedin. Depuis deux semaines, ce Tunisien achète en gros des pantalons turcs qu'il refile à des amis qui font les allers-retours entre Tataouine et Tripoli. “En Tunisie, on n'aime pas les Libyens. Quand ils viennent, c'est juste pour boire et acheter des filles. Ici, je découvre une autre Libye..." Pour la photo, Charfedin pose sur la Place Verte, aux portes de la médina. Dessinée par Kadhafi dans les années 70 pour accueillir les manifestations dites "révolutionnaires", la place est aujourd'hui un parking et un lieu populaire où se faire photographier dans des fauteuils kitchs auxquels sont attachées des gazelles paniquées. En 1937, Mussolini faisait sur ce balcon (photo) un discours, s'autoproclamant “protecteur de l'Islam”. Le chiffre "38" pour le 38ème anniversaire du règne du Colonel.

    277613312.JPGTCHADIEN Il faut s'enfiler au hasard d'un étroit passage, entre deux maisons italiennes en ruine, pour rencontrer, dans une cour de terre battue, un Tchadien vivant là depuis neuf ans. “La situation a changé. Il n'y a plus de travail ici.” Le doigt de Youssouf écrit sur le sable le montant de son revenu mensuel, 120 dinars libyens (au même court que le franc suisse).

    (...soudain une pensée pour Ali, dont je viens de faire la connaissance près de l'Arc de Marc Aurèle, à quelques pas de la mosquée ottomane Gurgi, avec marbre d'Italie, céramique de Tunisie et sculptures sur pierre du Maroc, toujours dans la médina. Ce Libyen venait de refuser une proposition du consulat de France : “ils m'offraient 900 euros, pas même le Smic français. Ils ignorent que je peux gagner cela en dix jours en guidant un groupe de touristes ! En plus, je n'aurais eu que quatre semaines de vacances - en France, ils en ont cinq, non ? - et ils refusaient que je cumule plusieurs emplois. En libye, on a tous plusieurs emplois !”...)

    542688668.JPGEGYPTIEN De la cour de Youssouf, on voit dépasser le clocher d'une église (photo). “Welcome, this historical church is part of Libyan's heritage. Please come inside and look around.” A l'intérieur, un Egyptien balaie. Il me montre sa croix en pendentif. Même si les Chrétiens doivent se compter sur les doigts de quelques mains, il fait partie des 4 ou 5 millions d'Egyptiens vivant en Libye (le gouvernement ne reconnaît officiellement que 600'000 étrangers “légaux”...).

    Dans la médina, des affiches annoncent des prix cassés pour des communications téléphoniques en Inde, au Pakistan et aux Philippines. 0,25 dinars la minute. Dans la médina, il y a un vendeur de thé (photo) qui répète trois fois qu'en Libye, “il y a beaucoup d'argent”. Un vendeur de thé qui l'offre à celui qui dit du bien de sa ville. Sfax.

    1649774302.JPGNIGERIEN Près de la Bab al-Jedid, on trouve encore des restes du “Marché africain”, rasé il y a un an et demi pour intimider les clandestins sub-sahariens. “C'était vraiment l'Afrique”, se souvient Elvis, un Nigérien dissimulant un maillot des Chicago Bull's sous un tablier de barbier. Bob Marley plein tube, il me refait un visage et raconte sa vie. Après deux ans de survie à Tripoli, désillusionné, il songe à rentrer au pays. Il ne parle toujours pas arabe et retentera sa chance pour l'Europe par avion.

     

     

      45693225.JPG
    SUISSE C'est une longue histoire (trop longue pour le format blog). Le fait est que j'avais rendez-vous au pied de la tour de l'horloge ottomane avec Marc Sahli, Bernois aussi excentrique que sympathique, gilet libyen sur chemise occidentale, écrivain, musicien, peintre  (il exposera en juin prochain à Tripoli avec Ali Ezouik, un artiste libyen) et depuis trois ans attaché culturel pour l'ambassade suisse. Peu enthousiaste sur l'avenir libyen (“ils détruisent plus qu'íls construisent. Le paradis des investisseurs ? Il faut entendre les Européens qui se sont frottés à l'administration libyenne...”), pas de doute, il pourrait marcher des heures dans "sa" médina.

     

    Bonus médina :

    736983279.JPG 636123750.JPG

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  • Entre Berbères, touristes, policiers et Romains

    Ras al-Jedir, frontière libyenne, Kadhafi vous voit venir de loin. “Têtu”, me dira un Béninois de Tripoli. Vous échangez, sur l'effigie, la main sur le coeur de Ben Ali contre les lunettes de soleil et le menton hautain du Colonel.

    RAS AL-JEDIR Des épaves qui n'ont de Peugeot que le nom provoquent de puissants embouteillages. Elles ont des plaques tunisiennes et font trois aller-retours quotidiens, car l'essence coûte 1,3 francs suisses en Tunisie et 16 centimes en Libye. On passe la frontière, on fait le plein, on repasse la frontière, on siphonne et on y retourne.

    Une caravane d'Italiens - sept Landrover scintillants – se réjouissent, en famille, de connaître le désert. Leur guide libyen pratique son métier depuis 1992. Il apprécie les efforts d'ouverture du pays, mais ne veut pas des Américains, car “ils feront venir les terroristes”. Pendant que le guide parle, les Italiens changent les plaques d'immatriculation de leur Landrover. Car Kadhafi les veut en arabe. 

    On croit rêver. Arrive alors un camion jaune estampillé “Tunis-Pékin”. C'est un convoi touristique de l'agence oasisoverland qui “fait” la Route de la Soie en 20 semaines et demie.

    1371075858.jpgZUARA ...le taxi collectif s'arrête. Pause alimentaire, à 60 kilomètres de la frontière. Pause élémentaire, puisque Zuara est la seule ville berbère du litoral libyen (ils représentent 5% de la population totale du pays). Y vivent, selon Suleiman, “les vrais Libyens”. Bien avant la conquête arabe des VII et XIème siècle. Suleiman, vous l'avez compris, est Berbère, mais il ne se plaint aucunement de son traitement. Au contraire, ses affaires fructueuses lui permettent d'avoir trois maisons. L'une à Yefren, au sud, dans le magnifique Djebel Nafusa. L'une à Tripoli, pour les affaires. Et une dernière à Zuara, au plus près des plages de sable blanc. Depuis 2006 toutefois, Zuara partage son sable avec le "Farah Resort", un village touristique VIP, très prisé et très privé. Location de quad et de jet-ski "available".

    Autre moyen de se remplir les poches pour les Zuariens : l'acheminement des sub-Sahariens en Europe. Suleiman me parle d'une connaissance devenue multimillionnaire. “Imaginez trois bateaux par semaine remplis chacun de 50 hommes qui paient le passeur 2'000 euros...” J'ignore s'il dit vrai, mais cela fait froid dans le dos.

    Jusque là, la route est des plus sahariennes. Une plaine stérile que deux raffineries (une mosquée construite dans l'enceinte de chacune) et une usine de ciment tentent d'égayer. La route est aussi des plus dangereuses. Deux pistes trop bien asphaltées où se côtoient de vieilles et larges carcasses indolentes et de petits bolides nerveux lancés à 150 kilomètres à l'heure, environ, les compteurs fonctionnent rarement. Ajoutez-y un troupeau de moutons qui traverse soudainement, vous obtenez 2´138 morts sur les routes libyennes en 2007 (OMS), certainement plus.

    SABRATHA A mi-chemin entre Zuara et Tripoli, une ville romaine, q1021592952.JPGui vivait jadis du commerce maritime d'animaux et d'ivoire, a été “redécouverte” par des archéologues italiens au début du XXème siècle. Le temple d'Isis (photo de gauche) a été construit au Ier siècle face à la mer, car la déesse égyptienne était vénérée comme protectrice des marins. A quelques pas du temple, visible à des kilomètres à la ronde, le théâtre romain (photo de droite), construit entre 190 et 20344060780.JPG0 après Jésus, en grande partie reconstruit par les Italiens dans les années 1920, possède un auditorium de 95 mètres de diamètre. Ce qui fait dire aux gardiens du site que ce théâtre est le plus vaste d'Afrique. Peut-ètre bien. Mais plus fou, on dit que le 70% des sites archéologiques libyens sont encore enfouis !

    A Sabratha, je rencontre un jeune homme qui m'invite au mariage d'une amie de l'une de ses soeurs. Les festivités ont lieu à Zuara. Retour en arrière. Avec enthousiasme. Douche, rasage, excitation. Je pense enfin pouvoir porter la belle chemise que je trimballe dans un sac hermétique depuis six pays... Vingt heures, le jeune homme est confu. Une bagarre a éclaté. La police est intervenue. La fête interrompue. Je ne saurai jamais s'il a dit la vérité ou si la famille ne voulait simplement pas d'un Chrétien à bord... Qu'importe, en route pour la capitale, avec une chemise impeccable !

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  • LIBYEN les consignes avant d'entrer

    Vous l'avez certainement déjà lu quelque part. La Libye est LA nouvelle destination méditerranéenne. Des cités antiques, des Touaregs et un colonel effervescent. Tout pour drainer les foules. Si seulement ledit colonel y mettait un peu du sien.

    VISA LIBYEN Car ses directives changent très vite. Au grand dam des opérateurs touristiques locaux. En effet, si des centaines de touristes débarquaient encore à Tripoli en 2006 à bord de bateaux de croisière, le vent a aujourdui tourné. Le 11 novembre 2007, Kadhafi réintroduisait l'obligation de faire traduire son passeport en arabe. Une opération qui se fait chez un traducteur "officiel", agréé par l'État, qui coûte 30 euros et une bonne demi-journée. Pour ne pas faire les choses à moitié, ce 1er janvier, le colonel demandait à ce que tous les étrangers arrivant en Libye soient en possession de l'équivalant de 1000 dollars américains cash (cartes de crédit et traveler's chèques ne comptent pas). On n'a toutefois pas demandé à voir mes billets. Les directives auraient-elles déjà changé ?

    A cela s'ajoute, pour les voyageurs dits "indépendants", la nécessité de louer, pour toute la durée du séjour, les services d'un guide issu d'une agence de voyage reconnue (50 euros par jour minimum). Le loger, le nourrir et le promener. Et pour ceux qui aimeraient se ressourcer dans le désert, obligation de s'offrir la protection d'un policier. Se ressourcer. Avec une Toyota, un guide et un policier... Pour échapper à l'asphyxie, trois possibilités :

    - Ne demander qu'un visa de transit (5 jours), facile à obtenir, puis se dépêcher d'atteindre l'autre bout du pays. Solution de dernier recours.

    341509860.JPG- Bricoler un visa touristique “artisanal” depuis Tunis. Au pied de la Bab el Bahr, entre la médina et l'Avenue de France, tout le monde connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui... peut arranger un visa touristique libyen (je vous transmets volontiers un contact téléphonique si besoin). Après un passage à l'ambassade libyenne de Tunis, un guide bidon vous accompagne à la douane tuniso-libyenne de Ras al-Jedir, puis vous fiche la paix, avec le numéro de téléphone d'un autre guide tout aussi bidon, à Tobrouk, qui vous fera lui passer la douane libyo-égyptienne d'Amsaad. Le tout pour 200 à 300 euros. Mais gare à l'arnaque. En outre, les routes sont saturées de contrôles policiers et les sites touristiques, bien gardés par les fameuses patrouilles “Tourism Security” (photo).

    - Le plus simple reste encore d'acheter un visa d'affaire. Il coûte 200 euros et permet de visiter le pays librement (si besoin, je donne volontiers le contact email d'un jeune libyen qui se sert d'une entreprise, oui, bidon pour faire venir des touristes étrangers).

    A partir d'ici, bienvenue en Libye !

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  • "Du pain et des jeux !"

    Il y avait dans ma boîte électronique un message signé "Idir" : "Pour l'instant, j'ai l'impression que vous n'avez pas vraiment infiltré la société tunisienne comme cela était le cas en Algérie, peut-être parce que le pays est plus touristique, et donc vous avez été traité comme un touriste malgré tout ?"

    253200711.jpgMalgré quoi. Idir, mes excuses de n'avoir fait que passer dans votre pays. De m'en être servi comme d'une passerelle entre deux pays plus "sexy", l'Algérie et la Libye. Pourtant , il y aurait eu à dire. Je me demande comment nos petits-enfants liront nos albums de vacances. Y aura-t-il des procès collectifs pour bétonnage systématique des plages, pour décennies de tourisme sexuel, pour consommation illicite de "Tunisie sans les Tunisiens" ?

    Beaucoup à dire aussi sur les élections présidentielles de 2009. Le mandat étant indéfiniment renouvelable depuis la réforme de 2002, Zine el-Abidine Ben Ali, bien assis sur son trône depuis 20 ans, peut sans peur parler de l'avenir de la Tunisie. Cela malgré les violations des droits de l'homme, malgré les filatures des journalistes étrangers, malgré la soumission de la presse nationale. Et malgré un chômage estimé à 16%. Vive Ben Ali, vive le "bon élève" du Maghreb et vive la Tunisie... Septante pourcents de ses échanges commerciaux s’effectuent avec l’Union Européenne et Tunis aurait été choisie par Nicolas Sarkozy pour abriter le secrétariat de l'Union pour la Méditerranée.

    MEDENINE Laissons-là la politique et reprenons la route. Des secousses tunisiennes, je ne garderais que la dernière. Médénine, au sud-est de la Tunisie, en train d'attendre que le minibus pour Ben Guerdane se remplisse. Un jeune homme attend lui aussi, pour rentrer chez lui. La semaine, il est sergent, depuis 6 ans. Le week-end, il veut changer de travail, depuis 3 ans. Il en a 26 et s'appelle Rairi.

    BEN GUERDANE A bord du minibus, Rairi m'invite chez lui. Merci. Son grand-frère Hakim nous réceptionne et nous emmène dans un restaurant original. Le jardin est cerclé de faucons, de chèvres et de lapins. Mais on est hors saison, il fait froid et on mange à l'intérieur. Rairi garde le silence. Respect pour le grand frère. Puisque je n'y connais rien en voiture, puisque la politique se borne à un anti-américanisme de surface et puisque la culture se résume à l'adulation des grosses productions cinématographiques américaines, on parle foot. Quand le petit frère va aux toilettes, le grand me parle de ses conquêtes amoureuses. Quand le petit frère revient, on reparle de son marriage, en juillet prochain. Je suis invité. Merci.

    Arrivés dans la maison de leurs parents, je m'étonne de voir une tente berbère dans le jardin. On me dit que les familles arabes aiment y prendre le petit-déjeuner en été. Une de leurs six soeurs étudie l'anglais. Son accent de Cambridge me bombarde de questions enthousiastes… jusqu'à ce que sa mère la rappelle à l'ordre. Rairi ne trouve plus les photos de son mois de retraite militaire dans le Sahara, mais Hakim trouve les siennes. A Dubai, où il a travaillé deux ans (je n'ose dire qu'il n'a pas l'air heureux sur les photos).

    1058439653.JPGOn se confie davantage à un homme seul. Surtout s'il est étranger et repart le lendemain. Le secret de Rairi s'appelle Nada, le prénom d'une femme de 33 ans, mariée à "un Tunisien du nord, un homme qui ne l'aime pas", dit-il. Bonne nouvelle, Nada a décidé de divorcer. Mauvaise nouvelle, Nada s'en va vivre à Bordeaux dans deux semaines. Ils s'aiment et s'envoient des dizaines de sms chaque jour... Comme l'impression que les Maghrébins -ces grands romantiques- ont tous une histoire d'amour impossible. Rairi parle d'une tante qui habite Lyon, une tante qui a un hôtel à Djerba. Il ira lui parler demain... Non, lui qui chantait dans des concours quand il était petit, redeviendra artiste - "Cheb Rairi" - c'est vrai qu'il a une voix surprenante - son clip passera sur TV5, Nada le verra et… Inch'allah.

    La soirée se termine dans le plus pur esprit de bourlingue orientale, dans la plus pure tradition tunisienne… devant une partie de Playstation (Rairi à gauche, Hakim à droite).

     

    Ben Ali. Les droits de l'homme. La presse. "Du pain et des jeux", disait l'autre. Et pour le reste, la belle Nada.

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  • SFAX : ainsi fabrique-t-on les plages...

    A Tunis, on m’a dit: «Sfax est une petite Chine. On ne fait qu'y travailler». Pur chauvinisme ? Séquelles de la dernière dispute entre le Club Sportif Sfaxien et l’Espérance Sportive de Tunis ? Certains ont été jusqu'à décrire la seconde ville du pays comme une Société Financière Avare et Xénophobe (SFAX).

    KERKENNAH Sur place - on s’y attendait - j’y rencontre des gens aimables et accueillants. Mais pour dire vrai, je ne venais pas à Sfax pour contredire la capitale ou goûter aux fameuses salades de poulpes, encore moins pour visiter la ville antique de Tbaenae. Non, le port de Sfax sert de porte d'entrée pour l’île de Kerkennah.

     

    1773240908.JPGA bord du ferry, les insulaires se reconnaissent facilement. Ils ne montrent pas du doigt les dauphins. Ils les détestent copieusement, car ils percent les filets et leur volent le butin. Sur cette île longue d'une trentaine de kilomètres, on ne trouve que quatre hôtels, des passeurs (l’Europe à partir de 2’000 euros), des chasseurs d’éponges, des palmiers et des plages de sable fin. Un petit paradis sur mer qui pourrait vite faire oublier Djerba-la-Douce, mais cela reste entre nous. Les bonnes adresses ne se divulguent pas. Et puis une île reste une île. Déconnectée. Oublieuse… Revenons au continent.

    Sur la place centrale de Sfax, des chevaux blancs patientent devant des calèches désespéramment vides. On a organisé un Festival de musique et retapé les remparts d’une médina datant du IXème siècle (Tunis n’était alors qu’un village, et toc!). Rien à faire. La ville est trop conforme pour attirer les faiseurs de tours. Pas d’arnaque, pas de faux guides et trop de respect.

    PROJET TAPARURA Dernièrement, le président tunisien Ben Ali a dû prendre les choses en main, engager une entreprise 1608225562.JPGbelge (Jan de Nul), glaner des fonds européens (prétextant de soudaines convictions écologiques) et relancer le Projet Taparura, une utopie vieille de vingt ans. Ce chantier du siècle fera émerger la Sfax du XXIème. Paroles de dictateur, je veux dire «de président».

    En mars 2008, vous quittez le centre, pénétrez dans une zone industrielle peu ragoûtante, empruntez la rue Gagarine - «attention sol mouvant» - puis enjambez un canal nauséabond pour ne trouver en face de la mer qu'un cabanon esseulé au milieu d'un terrain vague. En effet, pas de quoi sortir l’objectif.

     

    921345769.JPGMais revenez en 2009. Vous trouverez en lieu et place du cabanon une plage de sable fin sur trois kilomètres bordée par une cité balnéaire haut de gamme. Comment ? Un, fermer l’usine de production d’acide phosphorique NPK, dont les poisons fluorés ont obligé la ville à fermer les plages. Deux, évacuer deux millions de mètres cube de phosphogypse. Trois, contenir le sol sous une épaisse chape de béton. Quatre (on en est là), recouvrir le tout de sable fin. Et cinq, construire une ville de 22'000 habitants qui fera la part belle aux tourisme et aux meetings d’affaire.

    Une équation simple. Le soleil ne suffit pas à attirer les visiteurs. Il leur faut des plages, de l’eau propre et des hôtels (une médina peut aider). Créer du besoin là où il n’y en a pas. Ainsi fabrique-t-on le tourisme.

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  • AU LECTEUR ET LECTRICE

    Peut-être lirez-vous cela jusqu’au bout ? Oui, vous êtesun peu par hasard, chez vous ou au travail, en Suisse francophone, chez moi, et avez, je sais, d’autres chats à fouetter, mais…
     
    ALGERIE Réveillé ce matin dans une chambre aux parois desquelles grimaçaient encore les insectes écrasés la veille, réveillé comme chaque jour par un bruit d’homme-que-je-ne-connais-pas, un muezzin, un qui part bosser ou une qui nettoie. RFI, débarbouillage -non, pas d’eau ce matin- remplir un sac à dos, encore et toujours, café en société, journal parfois, rencontres souvent, nom, pays d’origine, profession, destination -comment je trouve l’Algérie ?- des mots que l’on croit perdu, on y pense plus.
      Pour rejoindre la frontière tunisienne, je marchande un siège dans un taxi collectif, la Hyundai d’un retraité qui arrondit ses fins de mois. Un Algérien, trois Libyens et un Suisse s’en vont ainsi, bredouillant une conversation triangulaire grâce à un Algérien bilingue. Il est plus qu’un chauffeur. Il est un pont entre le Nord et le Sud. Il est la véritable Union pour la Méditerranée. Cela grâce à l’histoire d’hommes morts depuis longtemps, que l’on croit perdu, on y pense plus.
      Après quelques kilomètres, Union pour la Méditerranée s’aperçoit qu’il a oublié son passeport. On fait demi-tour en se moquant de lui et en profite pour visiter la cité HLM El-Boumi. Il dit bien s'y plaire. C'est vrai que la vue est surprenante… Quatre hommes l'attendent dans une voiture. Plus un mot ne passe. Que des sourires. Je leur montre mon passeport. Il me montre leur dentition. Je crois comprendre qu’ils sont venus à Annaba pour s’en refaire une neuve, comme mon ami Mourad. Peut-être ont-ils aussi visité les cabarets de la corniche. Il ne doit pas y en avoir de pareils à Tripoli. Enfin, sait-on jamais.
      On repart. Ils parlent de voitures. En arabe. Longuement. Je regarde défiler. Je ne suis pas un bon voyageur. J’aime trop rêvasser, regarder défiler, sans vouloir comprendre. En cela, je ne serai jamais non plus un bon journaliste. Je pourrai certes vous parler du trafic de beurre algérien fabriqué artisanalement et passé illégalement en Tunisie pour être labellisé made in Tunisia, puis acheminé en Italie, sous l’appellation bio, tant convoitée chez nous, alors que le prix du beurre explose dans les marchés d’Annaba et que ce produit devient un luxe. Je pourrais citer des noms, des sources et des dates... Ou dire ce que j’ai sur le cœur, sur le mode intimiste, exhibitionniste, impudique et égocentrique de ce média appelé blog dans lequel je suis tombé un peu par hasard et avec qui j'essaie de faire bon ménage, pour le meilleur et pour le pire.
      
    FRONTIERE A la douane algérienne, humanité en standby, attente et formalité. On nous définit en tant qu’être humain. Nom, pays d’origine, profession, destination.
      La douane tunisienne de Meloula offre plus de choses à se mettre sous les yeux. "Outside, it’s Tunisia. Inside, it’s pure Sheraton", "Tabarka, la Côte du Corail", "Bardo Museum"… J’avais préalablement planqué sous mon siège quelques dinars tunisiens changés au noir à un taux préférentiel. Bien m’en a pris. Lorsqu’un Libyen (je ne sais pas encore qu’il s’appelle Hama) sort une liasse de dinars, on l’emmène, avec ses deux compères, dans une salle et on referme la porte. "Il est interdit d’importer ou d’exporter des dinars tunisiens, interdit d’importer des produits de base subventionnés, lait, sucre, café, tomates en boîte…". Je ne passe la frontière qu'avec le chauffeur. On les attend de l’autre côté. Cinq minutes, quinze, trente, une heure. On a le temps de faire connaissance. Des mots que l’on croit perdu, on y pense plus. Ils reviennent, s’en sont tirés avec une amende de 350 dinars (200 euros). Peut-être le prix d’une dentition.
     
    TUNISIE "Route touristique" à gauche, "zone touristique" à droite, panneau "ne pas dépasser", ligne blanche continue tout aussi impuissante qu'en Algérie. Je pense à vous et immobilise le véhicule pour prendre une photographie sans intérêt, mais c'est la seule chose que verront ceux qui préfèrent dérouler le blog vite-fait :

     
      Pause dîner. Selon l’usage. Rapide et en silence. Les libyens mangent peu. Ils ont mal aux dents. Pour préserver les règles d’hospitalité, j’offre le repas au chauffeur et lui l’offre aux trois Libyens. Inutile de vouloir en faire plus, c’est comme ça. On regonfle les pneus. On repart.
      A nouveau des discussions triangulaires. Mots que l’on croit perdu, on y pense plus (et de quel droit répandrais-je ici leur intimité sans leur avoir parlé de vous. Déontologie zéro, opportunisme littéraire, je m’en sors pas, envie de m’affranchir de ce projet, partir à la campagne, là où les mots poussent moins nombreux - gestes et lenteur - "indicible" dirait Jaccottet - "ouaffff " dirait mon grand-père). Un pont ferroviaire construit par les Français, des femmes recourbées et alignées s'occupent de terres fertiles, exploitées et peu peuplées, puis l’autoroute, ses larges panneaux bleus et ses péages pas encore en service, soudain, derrière une colline, comme un mirage, une plaine de petits éléments blanchâtres à perte de vue, Tunis. Las Vegas. Silence dans l’habitacle. Embouteillage, foule de petits détails, annonces clignotantes, vertige, trop-plein. Chacun de ces hommes ont une histoire de vie complexe qui pourrait se raconter ici. A nouveau l'impuissance ressentie dans les villes, dans toutes les villes. Combien de vécu sous chaque brique ?
      
    TUNIS On surprend les premiers troupeaux craintifs, pull-over autour de la taille, pantalon de préférence beige avec poche de côté, chapeau, soulier de marche… Pourquoi doit-on se déguiser pour visiter les pays étrangers ?
      Les indigènes femelles sont magnifiques. Non qu’elles soient plus belles que les Algériennes, mais elles ont davantage adoptés les "canons esthétiques" occidentaux. Minceur, démarche confiante, habits mettant en valeur les formes, ce jeu de dissimulé-exhibé qui fait frétiller le Nord… Terminus, tout le monde descend. Il est temps de se laisser nos coordonnées. Encore des mots que l’on croit perdu.
      A Tunis, le week-end commence le samedi, contrairement à l’Algérie. Mauvais calcul donc. Les banques sont fermées. Heureusement, Tunis, c’est aussi le miracle de voir sortir des murs des liasses de dinars avec une simple carte jaune de la poste suisse (n'ai pas dit que j'ai cassé ma carte Visa en deux... non, ne suis définitivement pas fait pour ce siècle). Tunis, c’est, juste après, la salle obscure du Cinemafricart à la séance de 18h30. La Graine et le Mulet du réalisateur tunisien Abdellatif Kechiche. Une joie indicible...

      Vous avez sûrement déjà vu ce film et vous vous dites qu’il n’y avait pas besoin de tout plaquer six mois pour le voir. Vous avez raison. C’est pourtant une joie violente que je digère maintenant en vous écrivant cela dans un petit troquet où trois tables jouent aux cartes. Personne n’a entendu parler d’Abdellatif Kechiche. En incorrigible mauvais voyageur, je tire sur un sheesha, bois un thé à l’orange et ne parle à personne sinon à un vendeur d’amandes pas francophone pour un sou avec qui je fais ce que je peux. Encore des mots perdus. Hémorragie.
      

    1674157523.JPGLA GRAINE ET LE MULET Voir ce film en Tunisie est pour moi une preuve supplémentaire que la vie ne vaut la peine que si elle est distillée. Et bien distillée. Un film bien fait et bien vu portant sur un pays en dit plus que le pays brut, , devant les yeux. Je me répète. Il n’y a pas besoin de voyager. Le tourisme est inadmissible. Il suffit d’entretenir là où on est des yeux scintillants au milieu d’un visage ouvert. Humour, Amour et Art, les seules trois choses qui nous distinguent des animaux. Agiter un bout de carton sur la braise, inspirer profondément et se situer entre l’Algérien qui oublie son passeport, les Libyens qui ont mal aux dents, les paysannes recourbées dans les champs, les belles citadines, les faiseurs d’album photo, Abdellatif Kechiche, les joueurs de cartes, vous et moi. Le troquet ferme et je me rends compte que j’ai bleui sept pages. Faisant ma petite adolescente, je vous souhaite simplement le plein d'art, d’humour et d'amour. Merci d’avoir pris le temps. A très bientôt. Ici même. En Tunisie... 

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  • L’Algérie ou l’autre nom de l’hospitalité

    Porte-je la poisse au tourisme algérien ? Le fait est qu'en 2003, alors que je traversais le pays du Sud vers le Nord, 32 touristes suisses, allemands et néerlandais étaient enlevés au nord de Tamanrasset. Cette fois, alors que j’aborde le pays d’Ouest en Est, deux Autrichiens enlevés en Tunisie le 22 février dernier auraient transité par l’Algérie…

    592491200.JPGBILAN Il faut pourtant avouer que le danger numéro un en Algérie a été pour moi… la pluie (les Algériens, incapables de marcher avec un parapluie, risquent à tout moment de vous percer un œil). Sinon – à part les indigestions de couscous du vendredi et les trous dans les routes constantines causés par le vol des bouches d'égout en fonte – pour autant qu’on ne cherche pas à promener sa Toyota dans les zones désertiques reculées, qu’on ne tente pas le diable en Kabylie et qu’on ne se promène pas au milieu de la nuit, les poches bien pleines, dans des quartiers dits "chauds" – on ne voit rien de ce que racontent nos gros titres. Et les leurs (couverture du quotidien La Liberté du12 mars).

    Au contraire. Et mille fois "au contraire", car l’Algérie enseigne à tous les coins de rue le vrai sens du mot "hos-pi-ta-li-té" (et non pas cette hospitalité de "devoir coranique", froide et hautaine, que l'on rencontre parfois en terres d'Islam)...

    Pour saisir pourquoi les hommes d'Etat du monde entier viennent serrer la main du président Bouteflika, pourquoi ce dernier mandate des multinationales par centaines et pourquoi les jeunes fuient le pays au péril de leur vie à bord de frêles embarcations… Pour comprendre comment un état pétrolier et gazier peut se payer le luxe d’une grave crise financière alliant hausse des prix et chômage… Pour éclairer toutes ces contradictions intrinsèques au pays, je vous en remets au très bon site d’information algeria-watch. Pour ma part, je referme la porte doucement en compagnie de l’un des pères de la littérature algérienne moderne, Mohammed Dib (1920-2003) :

     

    OMBRE GARDIENNE

     

    Ne demandez pas

    Si le vent qui traîne

    Sur les cimes

    Attise un foyer ;

     

    Si c’est un feu de joie,

    Si c’est un feu des pauvres

    Ou un signal de guetteur.

     

    Dans la nuit trempée encore,

    Femmes fabuleuses qui

    Fermez vos portes, rêvez.

     

    Je marche, je marche :

    Les mots que je porte

    Sur la langue sont

    Une étrange annonce.