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Textes chroniques - Page 14

  • Échange finale turque en Turquie contre match matinal à Alep

    Citadelle.jpgEn fin de journée, ils se moquent pas mal de la citadelle (photo) qui domine les trente-sept souks de la médina (comment du reste y ferait-on rentrer deux millions et demis d'Alépins?). Ils déambulent plus volontiers dans le parc de la nouvelle ville. Plus précisément autour de son bassin central.

    ALEP La foule se densifie. Elle attend quelque chose. Nuit noire. Soudain, un air arabo-électronique balancé à plein régime annonce la chorégraphie multicolore de centaines de jets d'eau qui montent et descendent en rythme. On ouvre grand les yeux (et la bouche) sans piper mot. C'est d'une beauté. Les enfants dansent. Les uns laissent une caution pour emporter un narghilé près du bassin. Les autres investissent dans des bâtonnets fluorescents ou des cafés à la cardamome.

    Un vieillard raconte des blagues sur les habitants de Homs, “les Belges de Syrie”. Immortalisant le spectacle sur son téléphone portable, un jeune alépin avoue n'être jamais allé à la mer, “faute d'argent” (son Motorola coûte 2'500 lires – 50 francs suisses - l'équivalant d'une quinzaine d'allers-retours vers le littoral). Plus loin, un Irakien dit avoir décidé de ne plus attendre la fin des hostilités pour rentrer: “depuis 2006, la loi syrienne s'est durcie” (1,3 millions d'Irakiens se sont réfugiés en Syrie)...

    PlacedesMartyrs.JPGFin du show, la foule rejoint la Place des Martyrs (photo), une large esplanade décorée par trois affiches géantes: présentation des grands projets d'Alep, annonce de prix cassés chez la compagnie Syriatel et portrait du président. Devant la statue des Martyrs, le “Syrian Family Planning” mène une campagne de prévention. Si les drogues dures ne sont pas encore un problème à Alep, l'alcoolisme préoccupe davantage l'association: abus d'Al-Chark, la bière brassée à Alep, mais surtout d'arak, l'équivalant syrien du raki turc ou de l'ouzo grec.

    TURKIYA ! Vingt-deux heures, grand temps de chercher où suivre la demi-finale opposant l'Allemagne à la Turquie... Cybercafé, “Beauty center”, pâtisserie, boutique “Oui, ma chérie”, disquaire, hôtel Baron (arborant une affiche de 1911: ¨l'unique hôtel de première classe à Alep, le seul recommandé par les agences de tourisme”)... enfin une CinemaOpera.JPGmaison de thé avec téléviseur. On semble regarder le match “à défaut de mieux”. À la cinquantième minute, un problème de retransmission sur les chaînes syriennes ne perturbe aucunement l'assemblée. Elle me conseille l'Opéra (photo), un cinéma qui projette des films “sexy” la journée et des matchs le soir.

    Dans la salle obscure, plusieurs centaines de fanatiques braillent et s'agitent pour soutenir la Turquie (qu'importe le sandjak d'Alexandrette, le "don" de la régıon syrienne d'Antioche aux Turcs en 1939 et les problèmes récurrents du partage des eaux de l'Euphrate, on ne trouve des drapeaux allemands qu'aux balcons d'Al-Jdeida, le quartier chrétien). Turkiya! Turkiya! Turkiya…

    Trois à deux pour l'Allemagne : perdu la possibilité de suivre la finale chez un finaliste, mais décroché une invitation pour une partie de foot le lendemain. À Alep, on joue de six à huit. Six heures le matin.

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  • Lattaquié, tendance été 2008

    Syrie.gifEst-ce le reflux de la mer, le trafic du port ou un décret solaire ? Le fait est qu'un tel spectacle ne m'avait plus été présenté depuis... disons... l'Espagne. Non, la ville de Lattaquié ne ressemble pas à ce qui vient à l'esprit lorsque l'on prononce le mot “Syrie”. Parlons peu, parlons fringues. “Welcome in Syria.”

    Ces dames d'abord : sandalettes rouges ou talons à aiguille argentés, bermuda en jeans moulant, body en treillis militaire, ombrelle turquoise, démarche de clips libanais et lunettes de chez Dior, maquillage bien apprivoisé, franges et permanente, souvent décolorées, parfois réussies. À Lattaquié, des femmes se promènent mains dans les poches (un petit pas pour la femme, mais...), un tiers seulement se couvre la tête et le tiers restant porte de larges ceintures taille-de-guêpe, des corsages flashy ou des tailles sous-évaluées qui annoncent que le meilleur reste à venir...

    Ces messieurs ne sont pas en reste. Les souliers vernis à pointe relevée jouent sèchement du talon sur le sol (tout le monde doit avoir vu les souliers vernis à pointe relevée). On achète volontiers au double du prix des pantalons neufs préalablement usés (et merde pour les pauvres!). Avec cela, une chemise à paillettes ouverte jusqu'au troisième bouton (parfois le quatrième, en fonction du facteur pileux) ou un juste-au-corps rose bonbon agrémenté d'une inscription anglophone (des articles qui ne se porteraient peut-être pas si l'anglais était compris). Pas de moustaches à Lattaquié, mais des barbichettes précises qui doivent prendre des heures. Parfois l'ongle d'un auriculaire plus long que les neuf autres doigts ou une boucle d'oreille. Lattaquié ose le short Hawaï, le marcel blanc, l'aigle tatoué, la gomina et le tronc bodybuildé. On trouve (encore) suspendus aux balcons beaucoup de drapeaux... italiens.


    À Lattaquié, la rue ressemble enfin aux vitrines des magasins et aux affiches publicitaires. On se permet des extravagances vestimentaires “hors mariage”. Résultat : l'amplitude des styles ouvre le regard des gens et plus personns ne dévisage le truc-qui-dépasse.

    plage.jpgSur les plages toutefois, les versions divergent. Il y a les plages dites “occidentales” (on y rigole très peu) et les autres. Dans ces dernières, l'écran total est d'usage chez les femmes... mais l'une ouvre la marche, papa s'occupe de la petite et un couple échange des mots doux en se tenant par  la main. Rien à redire. Welcome in Syria!

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  • Le Krak des Chevaliers tout en douceur

    krakdeschevaliers.jpgEt de deux. Deux "papiers touristiques” d'affilé. La faute à Euronews qui montrait des hommes tirer dans Tripoli et “faire neuf morts” dans une ville entrevue il y a peu dans la paix, le calme et la volupté... Comme une envie de hauteur et de recul : élevée sur les derniers contreforts du djebel Ansariyya qui dominent la plaine d'El-Bukeia, une forteresse ressemble à un rêve d'enfant. Du solide, de la pierre et de l'Histoire, de ces choses qui ne tombent pas sous les feux du premier fanatique venu.

    Crac.dedales.JPGKRAK DES CHEVALIERS “C'est le plus beau des châteaux du monde, certainement le plus pittoresque que j’aie vu, une véritable merveille...” En 1909, le jour de son vingt-et-unième anniversaire, Laurence d'Arabie avait manifestement apprécié la visite de la forteresse. En son temps, le roi de Hongrie André II l'avait définit comme “la clef des terres chrétiennes en Orient”, tandis que le chroniqueur Ibn al-Athir l'appelait “l'os en travers de la gorge des musulmans”...

    crac.vallee.JPGEn 1099, lors des premières croisades, Raymond de Saint-Gilles délogea les Abbassides de la forteresse, mais l'abandonna aussitôt pour filer sur Jérusalem. C'est le régent d'Antioche Tancrède qui s'en empara en 1110 pour y installer une garnison franque sous l'autorité du comte... de Tripoli. En 1142, le Krak (“karak”, en syriaque, signifie “forteresse”) fut confié aux Chevaliers de l'Hôpital, un ordre de moines-soldats constitué pour escorter les pèlerins qui se rendaient en Terre Sainte.

    crac.eglise.JPGDu haut des tours, les Hospitaliers apercevaient les places fortes de Chastel Blanc à l'est et d'Akkar au sud ; des feux d'alarme suffisaient à prévenir les forteresses du comté. Le système d'entrée du Krak consistait en un long corridor entrecoupé de "sas" et percé de meurtrières. La tour nord-est abritait une chapelle (photo), alors que la cour centrale reposait sur un vaste grenier voûté pouvant contenir jusqu'à cinq ans de vivres et de fourrage. L'eau nécessaire à tenir un tel siège était drainée depuis les terrasses au sommet des tours et stockée dans des réservoirs... Le Krak était imprenable.

    Crac.remparts.JPGEn 1163, Nur ad-Dîn s'y cassa les dents. Un second siège échoua également en 1167. Même Saladin ne put s'en emparer. Il n'avait pas compris que la force ne pouvait rien. Mais la ruse : Baybars, sultan des Mamelouks, envoya une fausse missive aux Chevaliers, émanant prétendument du Grand Maître des Templiers, leur enjoignant de se rendre...

    Du jour au lendemain, les Chevaliers avaient quitté les lieux.

    Le 8 avril 1271, Euronews aurait annoncé que le Krak des Chevaliers changeait de mains. Sans faire de victimes. Euronews aurait peut-être fait défiler en sous-titre l'inscription latine gravée sur le septième pillier depuis la gauche dans la Grande Salle du Krak : “que l'abondance, la sagesse et la beauté te soient données. L'orgueil à lui seul souille tout s'il t'accompagne”.

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  • Zénobie, irrésistible impératrice arabo-romaine

    Il était une fois une femme qui en voulait. Une fois parmis d'autres. La femme en question n'hésita cependant pas à assassiner son mari, un roitelet arabe descendant de pauvres bédouins, pour s'offrir le Royaume de Palmyre et s'autoproclamer reine de l'Orient romain.

    ToursYemliko.JPGTourYemlikoSunraise.JPGPALMYRE La nouvelle reine se faisait adorer “à la manière perse”, mais c'est à la mode romaine qu'elle se présentait aux soldats, coiffée d'un casque et portant une écharpe de pourpre dont les franges laissaient à leur extrémité pendre des pierreries. Ses bras étaient nus. Son visage basané. Ses yeux intensément noirs. Et sa dentition si blanche que beaucoup croyaient que des perles lui tenaient lieu de dents. Elle parlait palmyrénien, grec, égyptien, latin et rédigea un traité sur l'Histoire de l'Egypte. Tetrapylone.JPGElle était si chaste qu'elle ne s'offrait jadis à son mari que pour procréer. Voyageant parfois en carrosse, elle se déplaçait le plus souvent à cheval. Il lui arrivait de faire avec ses fantassins des marches de trois ou quatre milles. Elle buvait fréquemment avec ses généraux, à les faire rouler sous la table. Elle utilisait pour ses banquets des vases à boire en or rehaussés de pierreries ressemblant à ceux dont se servait Cléopâtre.

    GrandeColonnade.JPGElle ne fit pas qu'imiter Cléopâtre. Elle s'inventa une parentée avec la dernière des Ptolémées pour légitimer son rêve : annexer l'Égypte.

    Ce qu'elle fit. En août 271 ap. JC, la reine Zénobie déclara son indépendance vis-à-vis de Rome, ordonna la frappe d'une monnaie palmyrénienne sur laquelle elle se donna le titre de "Septima Zenobia Augusta"...

    Comment diable a-t-elle pu s'emparer ainsi de l'Egypte romaine? Dans les jardins de lumière d'Amin Maalouf ose une réponse :

    “Belle, riche, lettrée, ambitieuse jusqu'aux cimes et dotée d'une puissante intelligence, elle était rongée par un mal que nul remède ne parvenait à soigner. Elle s'en plaignit un jour à sa sœur qui lui rapporta les dires des caravaniers sur les prodiges d'un médecin du pays de Babel. La reine exprima son désir ardent de le rencontrer, et la nuit même, dans son sommeil, elle vit son image et entendit sa voix. Au réveil, elle était guérie. Et convertie. Telle est l'histoire consignée dans les écrits manichéens […] Ainsi on s'était longtemps demandé quelles pouvaient être les croyances de la grande dame du désert, elle qui accueillait dans sa cour les philosophes, les Juifs, les Nazaréens, et laissait honorer dans les temples de sa capitale les divinités de toutes les nations. Ce souffle de tolérance était celui de Mani."

    Tour&Fort.JPGLes armes de Zénobie, la tolérance religieuse, une politique culturelle affermissant l'indépendance de l'Orient à l'égard de Rome et la revalorisation des éléments araméens de la société syrienne étouffée jusque là par la culture gréco-romaine...

    Colonne&Fort.JPGHélas, même chez les reines, les joies sont éphémères. En 270, Aurélien reprenait l'empire en main et se lança à la reconquête – fulgurante - des territoires perdus à l'Est. Vaincue, Zénobie tenta de s'enfuir chez les Perses, mais fut capturée. L'empereur manifesta une surprenante clémence envers la rebelle. Il se contenta de l'exhiber, entravée de chaînes d'or, dans les rues de Rome, en 274, puis l'autorisa à finir ses jours dans un charmant petit cottage du Latium... L'empereur écrira :

    “J'entends dire, pères conscrits, que l'on me reproche d'avoir eu un comportement indigne d'un homme en faisant figurer Zénobie à mon triomphe. Mais ceux qui me Qala'atibnMaan.JPGcritiquent m'approuveraient certainement s'ils savaient de quelle trempe est cette femme, si avisée dans ses décisions, si tenace dans ses plans, si ferme vis-à-vis des soldats, si généreuse quand la nécessité le demande, si rigoureuse quand la discipline l'exige...”

    En 272, le royaume de Palmyre avait vécu. Cette ville qui s'était rêvée capitale de l'Orient redevint une insignifiante bourgade de la province romaine de Syrie.

    Les photographies ont été prises à Palmyre, dans les vestiges du royaume de Zénobie, au coucher et au lever du soleil. Aussi fabuleux qu'éphémère.
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  • Médina inabordable et vue imprenable

    DAMAS Ai beau forcer. Pas faute d'avoir essayé. Damas ne veut pas rentrer. Une capitale de cet acabit dépasse la somme de ses parties. Alors quoi?

    cour.JPGAlors parler de mon “chez-moi”, le quartier chrétien de la médina (celui qui travaille le vendredi et que des vierges surveillent à tous les coins de rue). Voilà trois jours que je partage une “pension moyen-terme” avec trois “arabisants” : un Grec, un Suédois et une Coréene qui ont décidé de ne pas quitter la ville avant de parler arabe couramment... Je pensais qu'habiter la vuefenetre.JPGmédina ferait “couleur locale”, mais dans ce demi kilomètre carré, tout est en cours de restauration - loyers compris. Les charmantes petites maisons sont vides (parce que trop chères à restaurer) ou recyclées en lieu de consommation. Faire fi de cela, car la magie se moque des calculs boutiquiers : ma cour intérieure est miraculeuse (photo de gauche) et par la fenêtre, le spectacle – sonore et visuel - continuel (photo de droite).

    Plutôt que me samir.JPGdisperser (Damas, l'une des plus ancienne ville du monde - Égyptiens, Assyriens, Perses, Grecs, Romains, Omayades, Mongols, Ottomans, Français – offre ses trésors architecturaux – et humains - à tous les carrefours), mieux vaut peut-être parler d'un seul homme, quelqu'un qui m'emmène Chez Firas, près du souq Saroujah. Prototype méditerranéen, Samir Akchar (photo) a grandi à Damas, vécu à Paris et au Caire, puis est retourné en Syrie...

    *

    Quand il parle de son enfance à Damas (il est né en 1958), des mots comme “formatage”, “pression mortelle” ou “viol mental” égaient sa conversation. Samir se souvient de l'absence totale de communication entre son père et sa mère, de l'interdiction de jouer dans la rue (“en Syrie, le mal vu est craint davantage que l'interdit”) et de rituels familiaux incongrus : “à 14h30 exactement, il fallait avoir mangé et être lavé pour saluer notre père qui rentrait du travail, puis aller dormir, sans lui adresser la parole”...  Anecdotique, à 20 ans, Samir n'avait qu'un seul ami qui ne portait pas la moustache (il était coiffeur).

    A 22 ans (et malgré le chantage de sa mère), il s'en va pour Paris. Un choc. “Des gens habillés n'importe comment - un clochard assis à côté d'une charmante femme - et personne pour juger l'autre du regard...” Après quelques années parisiennes toutefois, il en est revenu. Nommé Conseiller de quartier, il souffrait de l'inertie subie par toute initiative voulant faire bouger les choses et note - mais sous une forme différente - qu'un même “viol mental” endort les Français...

    Avec sa femme, de nationalité française, il part s'établir au Caire. À nouveau un choc. Il aurait voulu jouir de nouveau de sa langue arabe, mais les Égyptiens, pour marquer la différence qui les sépare, lui répondent... en anglais. Il découvre également avec stupeur qu'on l'accueille partout comme un prince quand il montre son passport français et comme un “low class” quand il dit venir de Syrie, ce frère arabe...

    *

    La discussion nous a mené au nord de la ville, dans le Parc Al-Jahez, en face de la boutique que tenait jadis son père : “le parc n'a pas changé, les gens non plus”. Aucune trace de nostalgie chez Samir : en ce moment, il attend des documents qui lui permettront de filer en Arabie Séoudite pour monter une entreprise de communication... Fin de la promenade avec Samir.

    residencemont.jpgDu Parc Al-Jahez, en poursuivant vers le nord, je traverse les quartiers huppés : ambassades, boulevard fleuri, Hummer, palais présidentiel et agents de sécurité en costard-cravate à tous les carrefours... Étonnant, ce Damas. A 500 mètres de là  - et 200 mètres plus haut (photo) - un quartier populaire s'accroche à la colline. Des baraques de briques pour la plupart habitées par des Kurdes sans le sou.... mais les nababs d'en-bas ne leur voleront jamais ce luxe ultime :

    vue.JPG

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  • Indemnité de bombardement et Parc de la Réconciliation

    1226152640.JPGAu Liban, il suffit d'un col. La vallée maronite de Qadisha déconseille ainsi vivement de rendre visite aux chiites de Baalbek, dans la vallée voisine de Bekaa. Argument plus consistant, aucun transport public n'assure la liaison (cette photo de Baalbek montre au loin le col qui mène à la vallée de Qadisha).

    Une auto stoppe pourtant. Deux bons chrétiens. Le chauffeur a l'accent australien. Il est venu visiter sa famille. Le copilote n'a lui jamais quitté son pays et insulte volontiers les Musulmans, le Hezbollah, les Syriens... puis se roule un joint (toujours surprenant de découvrir ce qui unit deux populations ennemies : son canabis se cultive dans les environs de Baalbek et son papier à rouler se fabrique à Damas).

    722634495.JPG837966252.JPGBIENVENUE A BAALBEK Dans ses vestiges antiques jadis surfréquentés, je ne rencontre que deux Syriens qui désherbent la cour des sacrifices et trois militaires encordés qui défrichent les parois du temple de Jupiter. À la sortie, ni le dromadaire costumé, ni les T-shirt jaunes du Hezbollah ne trouvent preneurs.

    La crise touristique n'est pourtant qu'un “dommage collatéral”. Refuge du Hezbollah, Baalbek a subi un mois de “frappes chirurgicales” israéliennes en 2006. Au lendemain de la trêve toutefois, pour rassurer son électorat, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, annonçait la venue d'inspecteurs pour estimer les dégâts - largement à la hausse. Une semaine plus tard, les lésés touchaient leur dû. Les plus malins recevaient même une double indemnité, cumulant celle de l'état libanais et celle, tout aussi conséquente, de l'Iran (j'ai ainsi pu entendre un hôtelier regretter d'habiter trop près du site protégé par l'UNESCO, et donc épargné).

    RECONCILIATION DE CARITAS Aujourd'hui, la ville s'est retapée. Les nouveaux véhicules de la police circulent fièrement, girophare allumé, et grâce aux ouvriers syriens qui attendent au bord des routes qu'on les embauche pour la journée, tous les bâtiments effondrés ont été remis en état (les ruines qui subsistent datent des guerres précentes). On entend même le choeur de l'église grecque catholique (2% de la population)  appeler ses fidèles pour une messe d'inauguration d'un Parc de la Réconciliation. Une idée d'Antoine Alouf, le seul Chrétien des 21 conseillers municipaux de la ville. Pour l'occasion, un drapeau de l'organisation Caritas, créditrice du projet, trône devant l'iconostase et deux notables musulmans assistent à la cérémonie. Le Parc a pourtant triste mine : quatre bancs sur un gazon fébrile en plein soleil. Le responsable de Caritas espérait plus des 25'000 dollars investis...

    1698664713.jpgC'est qu'à Baalbek, la réconciliation est faite de petits riens. Alors qu'une décapotable tourne inlassablement autour du parc de la ville, des hommes et des femmes en tenue de sport y font leurs exercices, des militaires descendent des Almaza “à découvert” et des jeunes improvisent des pas de danse devant une petite radio grésillante pour attirer l'attention de celles qui défilent en jupe ou en voile intégral. Au milieu de la nuit, au milieu du parc, un couple s'oublie en un slow clandestin aux rythmes d'une sonnerie de téléphone portable.

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  • Au-dessus de la mêlée

    “Le jour de beau”, comme on dit chez nous. Jour de Beau. Rarement vu spectacle aussi...

    1810896976.JPGVILLAGE DE GIBRANE L'aube n'est encore qu'une promesse. Elle laisse dormir Bécharré (photo ci-dessus), le village natal de Khalil Gibrane. On peut imaginer que la nostalgie d'un tel lieu ait su inspirer un expatrié, un exilé, un Prophète. Les cloches des églises maronites 1910579472.gifpatientent. Ne résonnent pour l'instant que les séquelles d'une veille arrosée au gros rouge du petit-cousin d'Antoine, dit “Tony”, un type qui portait sur son T-shirt une phrase souhaitant la mort des gars du Hezbollah (preuve qu'il ne suffit d'être chrétien - même maronite – pour faire du bon pinard, preuve aussi que le Liban a encore deux-trois mea culpa de retard). Ai pris le mauvais raccourci. Celui qui mène directement à la ferme isolée d'un petit vieux enturbanné qui tient absolument à partager son café avant de m'indiquer la bonne direction. Son café aurait réveillé un mort. Merci à eux deux. Ai passé devant la très fameuse et vraiment minuscule réserve de cèdres du Liban. Ai entrevu les pancartes des restaurants, des boutiques à souvenirs et des nightclubs de la station des Cèdres (à vrai dire, pas très envie de glisser ici une description cynique de ce à quoi peut ressembler une station de ski libanaise de l'après-guerre à l'entre-saison). Ai demandé la direction du Qornet as-Sawda, le plus haut sommet du Liban (3090 m), au dernier être humain rencontré, un militaire. Ai quitté le monde des hommes.

    1794137562.JPGQORNET AS-SAWDA Dernière verdure, en tenue de survie et dernière douille de cartouche. Le règne minéral, une crotte de chèvre et le traffic insensé des insectes. Puis le silence total. Les première neige qui sont les dernières. Le soleil des grands jours et pas un pet de vent. Au bout de l'arrête, le sommet (photo ci-dessus), un modeste manteau de pierres...

    962425581.JPG... avec vue sur la mer ! Il paraît que l'on distingue l'île de Chypre par temps dégagé. Au menu du jour, la jetée du port de Tripoli, les plages de Syrie et celles de Beyrouth. Si la paix subsiste quelque part, c'est ici. Du grand, du tout grand, des heures durant. Se pincer l'avant-bras ne change rien. Chanter. Le Jour de Beau. C'est en partie cette beauté qui est la cause de l'insolation. En partie seulement. Car quand est venu le temps de redescendre, une surprise m'attendait, de celles qu'un tour opérateur ne peut prétendre offrir, de celles qu'un vieil appareil numérique chercherait en vain à capturer...

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    Un troupeau de chèvres assoiffées fonce dans ma direction, celle d'un épais névé de neige. En queue de peloton, un petit gars d'une quinzaine d'années. Il s'appelle Dib. Cela veut dire 840034122.JPG“loup” en arabe. Il parle français. Montagne miraculeuse. Accompagné d'un chien parfaitement inutile, une fois par semaine - son jour de congé - Dib emmène ses 345 chèvres (dont 105 à traire) faire le tour du Qornet. Il a perdu la montre Casio de son père dans le coin la semaine dernière. Elle vaut 100 dollars et son père peut “avoir des crises”. Alors on cherche la Casio de Dib, en vain. Pause neige pour le troupeau, puis pause casse-croûte pour nous. Dib défait le tissu noué autour de sa taille. Du pain libanais, une boîte de thon, une tomate, un oignon et une poignée de cerises. Les meilleures que j'aie goûtées de ma vie. La bouche pleine, les derniers mouvements d'un troupeau qui chaume, la montagne, la vue sur la mer, le Voyage, encore et malgré tout.

    1284822761.JPGRedescente à l'allure du troupeau, la vitesse idéale. Pause multiple sur un caillou. Dib devant, moi derrière, en compagnie d'un vieux bouc boiteux et d'une jeune chevrette caractérielle. C'est peut-être  ainsi que l'on devrait voyager. Entre un vieillard plein de sagesse et une petite dame subversive.

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  • Le Liban, ce tout petit pays de six millénaires

    1346122615.gifÀ bord du minibus Tyr-Sidon, un Libanais me raconte comment "sa" Zurichoise a divorcé et repris "chez elle" leurs trois enfants. À bord du minibus Sidon-Beyrouth, une jeune avocate libanaise se fait du soucis pour son frère qui vit en Angola depuis cinq ans et vient de contracter la malaria, alors qu'une Libanaise aux yeux bleus (de mère suédoise... divorcée) dit porter le voile pour ne pas avoir à s'occuper de ses cheveux. À bord du minibus Beyrouth-Byblos, un caporal se réjouit d'être sergent pour posséder sa propre voiture, puis d'être capitaine... "pour payer l'essence" (3'000 lires le litres, environ 2 francs suisses...). À bord du minibus Byblos-Tripoli, rêverie sur six millénaires d'histoires:

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    BYBLOS Plus grand port de commerce de la Méditerranée orientale au IIIème millénaire avant JC, sous les Phéniciens, Byblos, révélée par les voyageurs au XIIème siècle, puis étudiée par les scientifiques depuis l'expédition militaire de Napoléon III, sera peut-être bientôt à nouveau visitée par les touristes...

    ... se réveiller dans le sud du pays, prendre quatre minibus pour passer la soirée dans le nord, à 160 kilomètres de là. C'est cela, le Liban. Un tout petit pays habité par un peu plus de 4 millions de Libanais qui fréquentent excessivement les agences Western Union pour partager les bénéfices d'une douzaine de millions de compatriotes exilés. Le Liban, c'est aussi deux centaines de kilomètres criblés d'impacts de balles et d'obus, un décor dépressif qui resemblerait à un décor de cinéma si les “acteurs”, bien réels, n'étaient pas si joviaux, bon vivant, hospitaliers, chaleureux et souriants.

    TRIPOLI Mon deuxième “Trablous” de l'année. Étonnant, la capitale libyenne et le Tripoli libanais possèdent une semblable Tour de l'Horloge (photo). Argument décisif en faveur de la Tripoli libanaise: le Café Fahim, sur la place Tell, au pied de l'Horloge, à l'ombre d'un abricotier et d'une treille de vigne...

    1918491706.JPGLa nuit tombe. Les chauffeurs de taxi poussent encore leur véhicule pour économiser l'essence. Les jeunes conduisent des scooters sans les mains ou boivent à la paille des cannettes de bière dissimulée dans des sacs en plastique. Un joueur de backgammon porte un collier de fleur. Une coupure d'électricité réveille soudain quelques étoiles. La photo du maire orne les façades d'un bâtiment en ruine. J'ouvre un bouquin acheté sur le trottoir, à l'angle de la place Tell, un Jean-Jacques Rousseau en "Classique Larousse" publié en 1938...

    “Il faut que le coeur soit en paix et qu'aucune passion n'en vienne troubler le calme. Il faut des dispositions de la part de celui qui les éprouve: il en faut dans le concours des objets environnants. Il n'y faut ni un repos absolu, ni trop d'agitation, mais un mouvement uniforme et modéré, qui n'ait ni secousses ni intervalles. Sans mouvement, la vie n'est qu'une léthargie. Si le mouvement est inégal ou trop fort, il réveille; en nous rappelant aux objets environnants, il détruit le charme de la rêverie et nous arrache d'au dedans de nous, pour nous remettre à l'instant sous le joug  de la fortune et des hommes et nous rendre aux sentiments de nos malheurs. Un silence absolu porte à la tristesse; il offre une image de la mort: alors le secours d'une imagination riante est nécessaire et se présente assez naturellement à ceux que le ciel en a gratifiés. Le mouvement qui en vient pas du dehors se fait alors au dedans de nous. Le repos est moindre, il est vrai; mais il est aussi plus agréable quand de légères et douces idées, sans agiter le fond de l'âme, en font pour ainsi dire qu'en effleurer la surface. Il n'en faut qu'assez pour se souvenir de soi-même en oubliant tous ses maux. Cette espèce de rêverie peut se goûter partout où l'on peut être tranquille; et j'ai souvent pensé qu'à la Bastille, et même dans un cachot où nul objet n'eût frappé ma vue, j'aurais encore pu rêver agréablement.”

    (in Rêveries d'un promeneur solitaire, 1778)

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  • Tenir une auberge, loger des journalistes et perdre un frère

    Aux environs de minuit, les guirlandes lumineuses d'un bateau-restaurant au large de Tyr, voilà à quoi resemble la paix, depuis que les navires israéliens ont déserté les lieux, en août 2006.

    SUD-LIBAN Sur la terrasse du Bed & Breakfast Artizan, la vue est imprenable et Hassan, le patron des lieux (photo), semble avoir toute la nuit pour refaire le monde, café sur café, clope sur clope. Quel bonheur parfois d'aller au-delà des “vous êtes mariés?”, des “comment trouvez-vous le Liban?”, des “comment dois-je faire pour venir en Suisse?”...

    1995183115.jpgLors des affrontements de 2006, Hassan avait envoyé sa fille en Syrie. Lui était resté, “en résistant”. Il y avait alors 115 journalistes dans son petit hôtel. Il avait fallu aligner des matelas sur la terrasse. Comme à l'abri d'un moucharabieh, rivées sur ce même balcon où nous refaisons le monde, les caméras pouvaient distinctement voir pleuvoir les bombes sur les villages du nord de la ville, foyers du Hezbollah. Et constater la riposte. Hassan avait emmené deux journalistes près de Blint Jbayl, tout au sud du pays. Ces derniers auraient été surpris de voir des Merkava 4, ces fameux chars israéliens dits "indestructibles", exploser sous les feux de quelques militants... Pas de doute, s'il n'est pas du Hezbollah, Hassan est sympatisant.

    Lors des affrontement de 2006, Hassan a perdu une maison, effondrée sous les bombes. En 2004, c'est un frère qu'il perdait. Tout le monde ignorait son appartenance au mouvement. “Ici, personne ne connaît de militants du Hezbollah. Il arrive souvent qu'on découvre dans un avis mortuaire l'appartenance d'un voisin de longue date...” Aujourd'hui, Hassan est fier de son frère: “mourir pour son pays fait de soi un grand homme.”

    PRETEXTE RELIGIEUX Nuit noir dans les rues. Coupure d'électricité. La troisième de la soirée. Hassan ne s'en soucie guère. Ils achète son électricité à des “générateurs”, des privés propriétaires de grosses génératrices capables d'alimenter une petite dizaine d'immeubes. “Tous des corrompus. Le Liban vend l'électricité la plus chère du monde!”. Même rogne lorsque disapraît la couverture réseau de son téléphone. “Cette compagnie de téléphonie appartient à un ministre. Elle est chère et ne fonctionne jamais!”

    Pour lui, la religion n'est qu'un prétexte au Liban. Tout est affaire d'intérêts politiques. “Il n'a jamais été question de guerre civile au Liban. En 1975, ce sont les Palestiniens qui ont lancé les hostilités contre l'état libanais. Ensuite, les responsables sont tous les pays arabes qui ont fermé les yeux...” Et aujourd'hui ? “Les conflits au Liban: c'est l'Iran contre l'Amérique!” 

    Même raisonnement autour du Fatah al-Islam. Il aurait été “invité” par Saad Hariri, le fils du Premier ministre assassiné en 2005. “Ici, on se plaît à dire que le père de Saad est davantage le Roi Fahd que Rafic Hariri...” Le père Hariri, lui aussi, en prend pour son grade. La plus jeune milliardaire du monde est Hind Hariri, sa fille, âgée de 22 ans. L'ancien Premier ministre aurait bâti le Downtown de Beyrouth, la vitrine moderniste du pays, sur des terrains préalablement acheté par le clan Hariri...

    PRESSE LIBRE Les anecdotes, plus ou moins vérifiables, se succèdent. Des affaires que relate quotidiennement la presse arabe libanaise, "la plus libre du monde arabe". Les quotidiens As-safir et Al-Akhbar mentionnent des déploiements de l'armée libanaise dans la capitale, alors qu je ne lis dans L'Orient et La Revue du Liban, le quotidien et l'hebdomadaire francophones, que des éloges du nouveau président et des prommesses de paix immuable...

    Hassan est fier d'être libanais. Hassan aime son pays. Pourtant, il parle aujourd'hui de le quitter et cherche à convaincre son fils unique d'en faire autant. Il semblerait qu'un nouveau président et un nouveau parlement ne suffisent pas totalement à faire revenir la confiance et la foi en la paix.

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  • Le Sud-Liban comme si de rien n'était... ou presque

    “La diversité religieuse, politique et culturelle est merveilleusement enrichissante. Sur Tyr plane un pacifique nuage blanc, gage d'une cohabitation solidaire et fraternelle" , lit-on dans un prospectus publié par la Ville.
    TYR En juillet 2006, pendant la “guerre des 33 jours”, le Hezbollah (et l'armée libanaise...) est parvenu à chasser les Israéliens du Sud-Liban. Beaucoup de Tyriens avaient momentanément quitté la ville, même si cette dernière fut partiellement épargnée. “Grâce aux sites classés par l'UNESCO ou à la présence de la FINUL (Force intérimaire des Nations unies au Liban), selon certains. Ce sont les villages environnants qui ont "ramassé": un déluge de bombes, dont une grande partie n'a pas encore explosé...
    Malgré tout, en flânant, hic et nunc, à 25 kilomètres de la frontière israélienne, on ne sent qu'une brise légère et oublieuse. Carpe diem amnésique. “Les Tyriens peuvent, du jour au lendemain, faire la paix ou la guerre”, me dit-on.

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    Le long de la corniche nord, de vieux bus VW se garent à espace régulier. Dans chaque coffre, une machine à café. A l'intérieur, tables, chaises, 1650680023.jpgparassols, narguilés, petite restauration et matériel sono. Les yeux perdus sur l'horizon, les consomateurs ne veulent pas entendre parler de guerre. On profite. Avant la prochaine. Car pour beaucoup, l'élection du nouveau président le 25 mai dernier n'était qu'un "camoufflage". Tyr, ville à majorité chiite, est persuadée que le Hezbollah prépare en ce moment sa prochaine offensive. "L'offensive définitive". Contre Israël? Contre l'état libanais? Le ciel, le soleil, la mer...“À Tyr, on n'a pas les problèmes de Beyrouth, le stress, la pollution... Ici, c'est tranquille... sauf quand il y a la guerre”.

    581496379.jpgLa corniche nord mène au port. On y rencontre des pêcheurs palestiniens qui vivent dans le petit camp d'Al-Bass, celui que les Libanais appellent “le civilisé”, par opposition aux deux autres camps, Burj El Shamal et Al Rachidiya, autrement moins verdoyant, urbanisé et commerçant.

    SOUQ HUMANITAIRE Mais revenons au port, car il en dit long sur la ville. De frêles embarcations de pêcheurs côtoient des dizaines de jet-skis japonais garés devant la terrasse du restaurant Le Phénicien. Du port, on a une belle vue sur la vieille ville, ce dédale de ruelles prisonnières d'une péninsule cerclée par la mer (Tyr, ou “Sour”, en arabe, vient de “Surru”, rocher). On distingue au-dessus des 2139536987.jpgtoits la cathédrale des Croisés, l'église maronite du quartier chrétien, trois minarets (dont celui tout neuf de l'université islamique), des colonnes grecques (photo) et un château d'eau que la guerre a transformé en passoire. Une mixité que vient encore renforcer les voitures de Médecins sans frontières, l'enseigne de Terre des Hommes et le QG du Comité International de la Croix-Rouge. Un chauffeur libanais attend à proximité de son véhicule. Lui travaille pour l'ONU, touche 1000 dollars par mois et se dit heureux d'avoir remis son magasin: “je voyage à travers le pays, 1574601200.jpgj'ai l'impression d'être en vacances...” Un peu plus loin, il faut jouer les interprètes de fortune entre un Onusien polonais qui aimerait savoir où acheter un ordinateur portable et un passant libanais francophone...

    De l'autre côté de la vieille ville, à nouveau la plage, le sable, le soleil, une lignée de bâtiments criblés d'impacts de balle (photo), puis le mur de l'école Imam Sader sur lequel des peintures naïves racontent ce qui se passe dans la tête des enfants:

    1059376488.jpg38069464.jpg

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    DO YOU PLAY “BAARA”? De retour sur la plage, un choc. Des jeunes se mettent à dix pour asséner une sévère correction à l'un d'eux, dans l'hillarité générale. En m'approchant, je m'apperçois qu'il s'agit d'un jeu. Après m'avoir demandé pour quelle organisation je travaille, on m'explique les règles du “Baara”:

    31676635.jpgSoit deux territoires carrés de cinq mètres sur cinq. Un homme seul se présente sur le territoire des autres joueurs (de 2 à 5). Son but est de toucher de la main l'un d'eux, puis revenir sur son territoire. L'adversaire touché sera ainsi éliminé. Mais si l'homme seul est plaqué au sol 1939211060.jpgdans le territoire adverse, sans avoir pu revenir “chez lui”, il a droit à une sévère correction: mêlée, étouffement, sable dans la bouche, coups, etc. Il suffit de dire “Baara” et tous le laissent reprendre ses esprits et se débarbouiller dans la mer, mais l'orgueil les fait résister le plus longtemps possible. "Baara", tout un symbole... 

    UNITED NATION Au bout de la plage enfin, derrière des barbelés, se réfugie la plage privée du Rest House Hôtel (15'000 lires - 12 $ - d'entrée). Dans le parking, une bonne vingtaine de voitures "UN". Sur certaines, des drapeaux espagnols et allemands, Euro 2008 oblige... mais l'envie de "faire ma mauvaise langue" me passe en sortant du Rest House, lorsque juste en face, un monument rappelle le nombre 1482496286.jpgdes victimes onusiennes du conflit libanais. Le monument n'était initialement prévu que pour les victimes de 1978 à 1998. Il a fallu ajouter une stèle de marbre au dessus pour les victime de 1998 à 2004. Jour du décès, grade et nationalité du défunt. Toute l'Europe est réunie, les Etats-Unis, le Népal, les îles Fiji, le Swaziland... Quand vous vous y rendrez, on aura certainement inauguré la troisième stelle.

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