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f Libye - Page 2

  • ON THE libyan ROAD

    Le kilomètre 830 de la route Tripoli-Benghazi prend conscience qu'il est possible de faire le tour de la Méditerranée sans quitter l'asphalte et poursuivre ainsi un projet carrossable, une union méditéranéenne béton.

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     *

    Pour ses deux premiers clients, un chauffeur fait crapoter une théière de chay na'ana bien tassé sur un brûleur à gaz disposé dans le coffre de son break Peugeot. Les Asiatiques et les Allemandes. La discussion porte sur nos voitures de rêve. Un homme urgent remet au chauffeur une enveloppe et la mission de l'acheminer à l'adresse indiquée, contre un large pourboire. Moins rapide que DHL, plus pragmatique : une fois l'urgence apaisée, le chauffeur se sert de l'enveloppe comme d'une "ramassoir" pour nettoyer ses sièges qui en avait bien besoin.

     *

    On ne visite pas la Libye pour son littoral. On lui préfère la ville caravanière de Ghadamès, les lacs multicolores d'Oubari, les sables volcaniques de Waw al-Namus, les arts rupestres de Methkandous et les montagnes rocheuses de l'Akakus. Il faut aller y jeter un coup d'oeil, m'a conseillé un enseignant de Tripoli (qui m'encourageait aussi à visiter le magnifique Musée Jamahiriya, peu avant d'avouer n'y avoir jamais mis les pieds)(tout comme je vivais à un kilomètre du Musée romain de Vidy)(et caetera)...

     *

    A partir de Misourata, Attention vache devient Attention dromadaire, les clôtures de ces derniers et quelques lignes électriques retiennent parfois l'attention, mais c'est à peu près tout ce qui dépasse jusqu'à Ajdablya, 600 kilomètres plus à l'est (il existe encore paraît-il des pays où l'on peut à tout moment pointer des choses du doigt). La route du littoral est véritablement un moyen d'aller d'un point A à un point B. On y devient "routard", au premier sens du terme. On tient bien la route. Ni celle de la soie, ni celle du rhum, la route du litoral est celle qui force au voyage intérieur. A la rencontre des co-voyageurs de l'habitacle. Même si les Libyens ne peuvent le plus souvent s'exprimer qu'en arabe (la faute à l'embargo, la faute à Kadhafi qui avait interdit l'enseignement de l'anglais à l'école), cela vaut le déplacement.

     *

    Descend alors de la voiture un ouvrier africain, au milieu de nulle part, bien sappé. Il est allé faire sa sortie mensuelle, entre deux mois de poussière et de soleil, et rejoint les forçats de la route, ceux qui font de la route, au sens littéral.

    Bientôt du neuf au bord de la route. La compagnie China Railway Construction Corporation Limited a signé deux contrats de 3,2 millards de francs suisses pour la construction de deux voies ferrées. L'une d'Al-Khoms à Syrte (352 km), l'autre d'Al Qaddahiya à Sebha (800 km). Début des travaux, cet été. 

    La route libyenne est avant tout mélodique. Lecture coranique. Et qu'importe la langue. Le son avant le sens. La route se fait aussi musicale. Le plus souvent égyptienne et libanaise, mais parfois a-t-on la chance d'entendre l'incontournable Mohammed Hassan, du 'alaam ou du malouf, rarement le grand Ahmed Fakroun, chanteur libyen exilé, comme la plupart des artistes du pays.

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  • La huitième Merveille du monde

    La Libye est un pays de tuyaux. Tuyaux de pétrole depuis 1959. Tuyaux d'eau depuis 1985.

    1956560168.jpgSYRTE On peut suivre du doigt les tracés rectiligne de la Grande Rivière Artificielle sur une carte. On peut concevoir que le ciment ayant servi à fabriquer ses pipelines aurait pu paver une route entre Tripoli et Bombay. Pour mesurer l'énormité de la chose, il faut se rendre in situ.

    La petite ville de Syrte semblait condamnée au sable, au vent et à l'anonymat. Une contingence historique en a voulu autrement. En 1942 y naquit Mouammar Kadhafi, qui, en 1999, lui rendit hommage en l'autoproclamant capitale des Etats Unis d'Afrique. Syrte possède un argument supplémentaire, dans le même esprit, bien qu'autrement plus concret...

    GRANDE RIVIERE ARTIFICIELLE Vous quittez la ville. Sur une dizaine de kilomètres, une plaine craquelée vous rappelle que la Libye, couverte à 95% de désert, recourt aux importations pour les trois-quart de ses besoins alimentaires. Soudain, comme un mirage, un rempart d'une vingtaine de 1796500474.JPGmètres sur plusieurs kilomètres. Vous voulez savoir ce qui s'y cache, mais un militaire vous prie de faire marche arrière. A la seconde brèche dans la clôture, c'est un jardinier qui vous répète que le lieu n'est pas “visitable”. Vous prenez alors en direction de l'est et dépassez un interminable convoi de camions à l'arrêt (photo). Sur chacun, un pipe, 4 mètres de diamètre, 80 tonnes l'unité.Enfin, à la troisième des entrées, un policier va prévenir son supérieur et revient tout sourire. “D'accord, mais vite.”

    Mi-ra-cu-leux. Au beau milieu du désert, un lac turquoise et anormalement circulaire (photo).

    Si les Libyens ne vont pas à l'eau, c'est l'eau qui viendra aux Libyens. Ça se passe comme ça chez le Colonel. Ce lac ne vient en effet ni du ciel, ni de la mer. Il est né sous la “mer de sable” de Rabyaneh, mille kilomètres 1512566211.JPGplus au sud, dans les bassins souterrains. Le réservoir de Syrte intègre le projet de la Grande Rivière Artificielle, défini sur 25 ans, aujourd’hui réalisé aux trois-quarts, qui devrait aboutir en 2010 au transfert de 6,5 millions de mètres cubes d'eau par jour. Toutefois, ce projet ne fait pas l'unanimité. Surtout á l'étranger.

    RETICENCES Son coût global d'abord, environ 30 milliards de dollars. La Rivière Artificielle absorberait la moitié du budget libyen. On dit aussi que cette somme aurait permis d'ouvrir une dizaine d'usines de désalinisation, pour le même résultat. Autre bémol, le Soudan et l'Egypte craignent de voir leurs ressources souterraines asséchées. A ce rythme, les nappes aurait une durée de vie d'un demi-siècle. Enfin, la Libye risque paradoxalement d’être exposée à un surplus d'eau. Le projet misait sur l'agriculture, mais si l’eau du Sahara a déjà fait reverdir des dizaines de milliers d’hectares, les vocations agricoles tardent à s’affirmer. Aujourd'hui, 85% des Libyens vivent en ville.

    Comme une étrange impression : tant de réticences pour des tuyaux d'eau et si peu pour des tuyaux de pétrole.

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  • SYRTE : Etats unis d'Afrique ou d'Amérique ?

    1554957008.jpgPour annoncer la ville natale de Kadhafi, un pont immense en travers de la route pour relier deux petits villages, une allée de lampadaires gigantesques le long d'une route non habitée et des affiches géantes qui se souviennent de deux glorieuses journées. “1.9.69” : mise au pouvoir de Muammar Kadhafi, alors âgé de 27 ans. “9.9.99” : création à Syrte des Etats Unis d'Afrique (EUA).

    109479456.pngSYRTE PANAFRICAINE En 1999, l'ex village de Syrte devient donc la capitale panafricaine. En réalité, Kadhafi cherche toujours à convaincre ses homologues africains de créer une monnaie unique et former une seule armée de 2 millions de soldats panafricains. Le colonel a beau porter un badge africain sur son uniforme, “ses” EUA stagnent. L'expulsion annoncée des immigrés clandestins sub-sahariens n'arrange rien.

    530532541.JPG Imaginée dans un cabinet d'architectes, la ville de Syrte manque d'âme. Elle rappelle la Chandigarh indienne de notre Corbusier national. Elle désappointe. Aucun centre, aucune place, aucun souk, une seule artère de plusieurs kilomètres, la Sharia al-Jamahiriya (rue de l'Etat des masses), qui débute par l'impressionant Congrès Général du Peuple et se poursuit par une lignée de commerces vitrés (photo), dont certains proposent d'affriolantes tenues féminines que personne dans la rue ne peut porter, sinon des collègiennes déguisées en clip MTV. Derrière d'autres commerces vitrés, la vielle bûche750856129.JPG et le hâchoir du boucher, un élevage de pigeon ou un raccomodeur assis sur le sol. Syrte est une belle coquille vide qui rappelle certaines artères américaines. Aucun piéton, mais des pick-up Toyota et de petites asiatiques qui font des dérapages sur la route ensablée. Il y a encore le plastique sur les sièges. Des salles de fitness. Musclor sur la pancarte. Une imitation de Mc Donald's (photo), encore persona non grata en Libye.

    LE "LUXE" DU DESERT A la nuit tombée, Syrte vit dans les cafés et regarde des clips égyptiens pour surprendre des chanteuses sexys qui igorent que leurs atouts artistiques ont ici le r546282161.JPGôle social se soupape contre l'ennui et l'interdit. Je rejoins l'assemblée. Belhaj s'en fout des Egyptiennes. Il a 24 ans et étudie la chimie (en Libye, cela veut dire “pétrochimie”). Il est de Waddan, à 200 kilomètres plus au sud, et aime le désert. Son père l'a envoyé à Syrte, parce qu'à Tripoli, “il y a trop de filles faciles”. Belhaj n'appartient pas à Syrte : “Ici, il n'y a que l'argent et les voitures. Moi, je marche en sandale et n'ai qu'un vieux téléphone portable.” Signe qui ne trompe pas en Libye, il fume des Capital à 75 dinars le paquet. La “haute” ne fume que des Marlboro à 250 dinars. Belhaj rêve d'Europe, mais son père a préféré garder son passeport à la maison. Ce qu'il y a à faire à Syrte ? Internet, prière ou shisha. On retient la dernière option. Au Café Niamey (photo), un beamer pour films américains, un portrait de Kadhafi jeune, des lampes à pétrole “comme dans le désert”, des serveurs égyptiens et une agréable discussion entre deux exilés.

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  • Pourquoi la Libye ne sera jamais Dubaï

    En 1952, Benjamin Higgins, économiste de l'ONU, s'exclamait : “si la Libye parvient à un niveau de croissance correct, n'importe quel pays au monde peut y parvenir”. Les exportations se limitaient alors à la ferraille récupérée sur les champs de la deuxième guerre.

    En 1959, du pétrole jaillit en Cyrénaïque. En une décennie, le revenu annuel moyen passe de 25 à 2'000 dollars par tête.

    Au début des années 70, le prince héritié de Dubaï, en visite à Tripoli, exprimait le voeu que son pays atteigne un jour “un tel niveau de développement”...

    ... puis l'appel à l'autosuffisance de 1977, les répressions et les exils de 1978-88,

    la guerre tchadienne de 1980-87, les attentats de 1984-88,

    l'embargo américain et les sanctions de l'ONU.

    882642063.JPG"ELDORADO LIBYEN" ? Kadhafi venait d'annoncer l'abandon de son programme d'armement nucléaire, lorsqu'en 2004, l'Union européenne levait l'embargo commercial contre la Libye. Le pétrole représente aujourd'hui 95% des exportations de cette dernière. Et seul un quart du territoire a été prospecté ! Les Libyens jouissent d'une faible taxation et de tarifs douaniers dérisoires. En outre, Kadhafi multiplie les appels d'offre aux entreprises étrangères. Depuis deux ans, toute le pays est en chantier. Les Libyens peuvent emprunter à taux cassé et des dizaines de grands travaux seront (devraient être) inaugurés le 1er septembre 2009, jour du quarantième anniversaire de la Révolution.

    Partout (surtout à l'étranger), on parle de "Miracle libyen" ou de "Nouveau Dubaï". Dans les faits et sur place, on est moins enthousiaste. Parmis les raisons invoquées :

    - L'économie libyenne est toujours centralisée et reste la propriété de quelques familles. Kadhafi & Co.

    - Le système bancaire et l'administration sont archaïques. Le voir pour le croire.

    - Les cadres juridiques sont imprévisibles. Kadhafi peut du jour au lendemain décider de fermer ses frontières, comme il l'avait fait pendant trois semaines il y a trois ans.

    - Les étrangers ne peuvent être propriétaires d'un bien immobilier ou d'un terrain.

    - Toute entreprise doit contenir 30% de part libyenne...

    Conclusions. Dans le désordre. L'ouverture habite volontiers les discours. L'ouverture ne s'achète pas et le pétrole est avant tout une matière qui pue. Les clips libanais, les touristes italiens et la main d'oeuvre égyptienne sont une chose. Dubaï en est une autre. Bref, nombreux sont ceux qui attendent la relève, Kadhafi II, Seïf al-Islam, le fils du père.

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  • La "Suisse libyenne" et le Nigérian

    Avec ses rues tip-top, Missourata est surnommée “la Suisse libyenne” (on appelle bien Tripoli "la Blanche mariée de la Méditerranée"), mais ce qui la distingue des autres villes, ce sont surtout ses taxes douanières. Les plus avantageuses du pays. Missourata fait ainsi office de duty free. C'est aussi une étape agréable qui contraste avec le tumulte de Tripoli, 200 kilomètres plus à l'ouest.

    1419630561.JPGMISSOURATA Près du souk, une vaste place accueillait jadis le marché aux vêtements. On peut encore lire les numéros des stands sur le sol. En 2008, six jours sur sept, de 16 à 20 heures, s'y invite le "Salon de l'Auto". A la criée, version open air, trois pour le prix de deux. “Ici, on aime bien changer de voiture, on achète, on revend, on achète”, me dira-t-on.

    Dans le souk, les vendeurs sont assis dans la brouette qui a permis de transporter les marchandises. Des tailleurs alignés derrière leur machine sont au sevice de ces dames. Dans une échoppe à chawarma (lamelles de viande cuite à la broche introduite dans un pain plat, l'incontournable fast food libyen), je rencontre Abraham (photo), un Nigérian qui usine des portails en acier pour 500 dinars par mois (500 francs suisses). "Sans papier, c'est pas mal. En plus, quand la police m'arrête, j'appelle mon patron et c'est réglé. Pas de racket, pas de coup, pas de prison...” En Libye depuis deux ans, il n'a été qu'une seule fois invité dans la maison d'un Libyen. “C'était 630768575.JPGun black", précise-t-il (les harathin, cultivateurs noirs des oasis du Sahara depuis des siècles, vivent pour la plupart à Tauorga, à 50 kilomètres plus à l'est).

    FACE A L'EUROPE Puisque Abraham a congé, on fait route vers la mer. Sur la plage, il parle de l'océan, des côtes nigériannes, des "vraies vagues"... puis d'un ami, dont il est sans nouvelles, probablement mort en tentant sa chance vers l'Europe. Selon lui, 80% des haragas meurent en mer. C'est très probablement faux, mais cela en dit long sur son état d'esprit. S'il continue d'usiner des portails en Libye, c'est pour payer son retour au Nigéria.

    * * * 

    Avec ses 1770 kilomètres de côtes, la Libye reste une base de départ très prisée pour l'immigration clandestine vers l'Europe, via les îles de Malte et de Lampedusa, au large de la Sicile. Même si depuis 2004, des bateaux européens patrouillent sur la côte. Même si en janvier dernier, la Libye annonçait l'expulsion de deux millions d'immigrants clandestins... En plus des presssions européennees, les autorités de Tripoli doivent répondre au raz-le-bol des Libyens. Les clandestins sont accusés de répandre l'insécurité (les Libyens m'ont déjà plusieurs fois conseillé de ne pas m'aventurer dans les "quartiers africains”), de vendre de la drogue, de propager des maladies (la phobie du sida est impressionante) et d'occuper des emplois au détriment des jeunes chômeurs libyens. Le chômage est en effet estimé à 30%, mais comme partout, les clandestins exécutent des tâches que peu de Libyens accepteraient...

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  • "Cueillir le jour" à LEPTIS MAGNA

    "Ti amo, un soldo, ti amo..." A l'entrée, dernier vestige de l'occupation italienne, Umberto Tozzi dégouline des enceintes. Mais plus époustoufflants sont les vestiges de Leptis Magna, à une centaine de kilomètres à l'est de Tripoli, la cité romaine la plus vaste et la plus grandiose d'Afrique !

    1612425611.JPGGrâce à ses cultures d'olives et ses exportations d'animaux vivants en direction de Rome, Leptis Magna devint, sous Septime Sévère, au IIème siècle, la capitale de Tripolitaine. Raison pour laquelle l'Arc de Septime Sévère souhaite la bienvenue aux visiteurs. Sur ses colonnes corinthiennes, des reliefs se souviennent de “cueillir le jour”. Femmes dévêtues, vignobles fermentés et ciel bleu. Carpe diem.

    1755423514.JPGConstruite en calcaire (et surtout loin des agglomérations actuelles!), Leptis ne fait pas son âge. Ainsi peut-on encore se promener dans les allées de la ville. Imagination. Effluves d'encens dans la basilique, de sueur dans le gymnase, vapeurs des thermes, cris du marché, applaudissements du théâtre. Au port, on distingue les entrepôts, la tour de guet, les docks de chargement et le phare, mesurant autrefois une trentaine de mètres, qui n'avait donc rien à envier à son homologue alexandrin. Mais j'anticipe. Hic et nunc, piquer une tête dans l'eau turquoise, la même qu'il y a deux mille ans.

    259853744.JPGDans le forum, en plein air et libre accès, allez savoir pourquoi, une pierre me parle. Un médaillon à tête de Méduse. Des yeux en forme de coeur. Un collier de serpents. Et des sourcils en nageoire de poissons...

    En visitant les thermes d'Hadrien (marbre, colonnades, mosaïques, salles de sudations, etc), j'ai la confirmation que l'histoire bégaie. Autrefois l'huile d'olive. Aujourd'hui le pétrole. Du pareil au même. Une infime minorité continue de “cueillir le jour”, alors que, de l'autre côté de la muraille, la plèbe s'échine.

    593691173.2.JPGPlus à l'est, la perle du site : cet amphithéatre creusé à flanc de colline au Ier siècle pouvait contenir 16'000 spectateurs. On imagine la bande son lorsqu'arrivaient les condamnés, les Chrétiens, les fauves et les gladiateurs, tous venus s'ensanglanter ici. Morts avec vue sur la mer... L'Humanité pose des questions auxquelles la mer 1611036639.JPGne répond pas.

    La suite, on la connait. Tremblement de terre, inondations, invasions, lente disparition sous le sable, puis, un millénaire plus tard, résurrection "archéologique". Plus original est le fait que certaines pièces des thermes aient été rappatriées à Paris par Claude Le Maire, consul de France à Tripoli entre 1686 et 1708. Les pièces ont alors été réemployées pour la construction du Château de Versailles et de l'Eglise Saint-Germain-des-Prés.

    Si vous n'allez pas à Leptis Magna, c'est Leptis Magna qui vient à vous.

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  • "Tarablous" entre deux chaises

    Entre le désert et la mer, Tripoli. “Tarablous” en arabe.

    Entre sa médina et le Corinthia, un mur, enfin une muraille, je m'explique...

    1511078616.JPGBAB AL-JEDID Au pied des murailles puniques de la médina de Tripoli, sous un toit de jonc où filtre le soleil par lames poussiéreuses, sur une chaise de plastique blanc qui flaire bon la mondialisation, des retraités (le vrai sens du mot “retraite”) collent leurs yeux à deux doigts d'une feuille pour y inscrire les scores d'une énième partie de carte. A quelques pas de là, de petits marchés improvisés (photo) disparaissent en un clin d'oeil à l'arrivée des policiers. Plus une trace des téléphones portables et des bouteilles de parfums que l'on utilise ici avec la même générosité.

    1200553499.JPGLa muraille entamée par le vent, la pluie et le temps offre des nids de luxe aux oiseaux. Les escaliers qui mènent à son sommet servent aussi de pissoirs pour les chalands et de plateforme à photographie pour les touristes qui se tiennent le nez en redescendant. Près des murailles, deux hommes se battent. Il n'y a pas de théâtre à Tripoli, alors les gens s'arrêtent et regardent deux hommes se battre. L'un tombe sur une montagne de sandales en plastiques. Tout le monde rit. C'est la fin du spectacle. Après un temps, le spectacle reprend, sous une autre allure : une femme à la démarche aussi ample que ses vêtements sont exigus.

    ... de l'autre côté de la muraille se dresse le Corinthia, l'unique cinq étoiles du pays....

    235904823.JPGCORINTHIA Sur un balcon, une violoniste ukrainienne et une pianiste libyenne meublent un silence feutré qui ne s'entendrait pas, à coup sûr, avec Bab al-Jedid. Autour de la table, sur des chaises en velours, trois autres Helvètes et un ami libyen. Liliane Pescini (tout à droite), Tessinoise responsable des visas à l'ambassade, assistait la veille à un défilé de mode, ici, au Corinthia, un défilé qui eut deux heures de retard à cause d'une invitée surprise, la princesse de Monaco. Eliane Kiener (à sa gauche), Lucernoise travaille pour le Haut 1471786927.jpgCommisariat des Nations Unies pour les Réfugiés (la Libye n'a pas ratifié la convention sur les réfugiés). Marc Sahli (tout à gauche) que je remercie pour le festin et le Forgeron harmonieux de Haendel qu'il m'a fait découvrir au piano.

    Entre la médina et le Corinthia, entre les chaises en plastique et celles en velours, Tarablous.

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  • Au coeur de la médina, les tribus de "Multipoli"

    Jadis repaire de pirates, la médina de Tripoli accueille aujourd'hui d'autres "aventuriers"...

    943845237.JPGTUNISIEN Mon voisin de chambre, dans une funduq de la médina, s'apelle Charfedin. Depuis deux semaines, ce Tunisien achète en gros des pantalons turcs qu'il refile à des amis qui font les allers-retours entre Tataouine et Tripoli. “En Tunisie, on n'aime pas les Libyens. Quand ils viennent, c'est juste pour boire et acheter des filles. Ici, je découvre une autre Libye..." Pour la photo, Charfedin pose sur la Place Verte, aux portes de la médina. Dessinée par Kadhafi dans les années 70 pour accueillir les manifestations dites "révolutionnaires", la place est aujourd'hui un parking et un lieu populaire où se faire photographier dans des fauteuils kitchs auxquels sont attachées des gazelles paniquées. En 1937, Mussolini faisait sur ce balcon (photo) un discours, s'autoproclamant “protecteur de l'Islam”. Le chiffre "38" pour le 38ème anniversaire du règne du Colonel.

    277613312.JPGTCHADIEN Il faut s'enfiler au hasard d'un étroit passage, entre deux maisons italiennes en ruine, pour rencontrer, dans une cour de terre battue, un Tchadien vivant là depuis neuf ans. “La situation a changé. Il n'y a plus de travail ici.” Le doigt de Youssouf écrit sur le sable le montant de son revenu mensuel, 120 dinars libyens (au même court que le franc suisse).

    (...soudain une pensée pour Ali, dont je viens de faire la connaissance près de l'Arc de Marc Aurèle, à quelques pas de la mosquée ottomane Gurgi, avec marbre d'Italie, céramique de Tunisie et sculptures sur pierre du Maroc, toujours dans la médina. Ce Libyen venait de refuser une proposition du consulat de France : “ils m'offraient 900 euros, pas même le Smic français. Ils ignorent que je peux gagner cela en dix jours en guidant un groupe de touristes ! En plus, je n'aurais eu que quatre semaines de vacances - en France, ils en ont cinq, non ? - et ils refusaient que je cumule plusieurs emplois. En libye, on a tous plusieurs emplois !”...)

    542688668.JPGEGYPTIEN De la cour de Youssouf, on voit dépasser le clocher d'une église (photo). “Welcome, this historical church is part of Libyan's heritage. Please come inside and look around.” A l'intérieur, un Egyptien balaie. Il me montre sa croix en pendentif. Même si les Chrétiens doivent se compter sur les doigts de quelques mains, il fait partie des 4 ou 5 millions d'Egyptiens vivant en Libye (le gouvernement ne reconnaît officiellement que 600'000 étrangers “légaux”...).

    Dans la médina, des affiches annoncent des prix cassés pour des communications téléphoniques en Inde, au Pakistan et aux Philippines. 0,25 dinars la minute. Dans la médina, il y a un vendeur de thé (photo) qui répète trois fois qu'en Libye, “il y a beaucoup d'argent”. Un vendeur de thé qui l'offre à celui qui dit du bien de sa ville. Sfax.

    1649774302.JPGNIGERIEN Près de la Bab al-Jedid, on trouve encore des restes du “Marché africain”, rasé il y a un an et demi pour intimider les clandestins sub-sahariens. “C'était vraiment l'Afrique”, se souvient Elvis, un Nigérien dissimulant un maillot des Chicago Bull's sous un tablier de barbier. Bob Marley plein tube, il me refait un visage et raconte sa vie. Après deux ans de survie à Tripoli, désillusionné, il songe à rentrer au pays. Il ne parle toujours pas arabe et retentera sa chance pour l'Europe par avion.

     

     

      45693225.JPG
    SUISSE C'est une longue histoire (trop longue pour le format blog). Le fait est que j'avais rendez-vous au pied de la tour de l'horloge ottomane avec Marc Sahli, Bernois aussi excentrique que sympathique, gilet libyen sur chemise occidentale, écrivain, musicien, peintre  (il exposera en juin prochain à Tripoli avec Ali Ezouik, un artiste libyen) et depuis trois ans attaché culturel pour l'ambassade suisse. Peu enthousiaste sur l'avenir libyen (“ils détruisent plus qu'íls construisent. Le paradis des investisseurs ? Il faut entendre les Européens qui se sont frottés à l'administration libyenne...”), pas de doute, il pourrait marcher des heures dans "sa" médina.

     

    Bonus médina :

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  • Entre Berbères, touristes, policiers et Romains

    Ras al-Jedir, frontière libyenne, Kadhafi vous voit venir de loin. “Têtu”, me dira un Béninois de Tripoli. Vous échangez, sur l'effigie, la main sur le coeur de Ben Ali contre les lunettes de soleil et le menton hautain du Colonel.

    RAS AL-JEDIR Des épaves qui n'ont de Peugeot que le nom provoquent de puissants embouteillages. Elles ont des plaques tunisiennes et font trois aller-retours quotidiens, car l'essence coûte 1,3 francs suisses en Tunisie et 16 centimes en Libye. On passe la frontière, on fait le plein, on repasse la frontière, on siphonne et on y retourne.

    Une caravane d'Italiens - sept Landrover scintillants – se réjouissent, en famille, de connaître le désert. Leur guide libyen pratique son métier depuis 1992. Il apprécie les efforts d'ouverture du pays, mais ne veut pas des Américains, car “ils feront venir les terroristes”. Pendant que le guide parle, les Italiens changent les plaques d'immatriculation de leur Landrover. Car Kadhafi les veut en arabe. 

    On croit rêver. Arrive alors un camion jaune estampillé “Tunis-Pékin”. C'est un convoi touristique de l'agence oasisoverland qui “fait” la Route de la Soie en 20 semaines et demie.

    1371075858.jpgZUARA ...le taxi collectif s'arrête. Pause alimentaire, à 60 kilomètres de la frontière. Pause élémentaire, puisque Zuara est la seule ville berbère du litoral libyen (ils représentent 5% de la population totale du pays). Y vivent, selon Suleiman, “les vrais Libyens”. Bien avant la conquête arabe des VII et XIème siècle. Suleiman, vous l'avez compris, est Berbère, mais il ne se plaint aucunement de son traitement. Au contraire, ses affaires fructueuses lui permettent d'avoir trois maisons. L'une à Yefren, au sud, dans le magnifique Djebel Nafusa. L'une à Tripoli, pour les affaires. Et une dernière à Zuara, au plus près des plages de sable blanc. Depuis 2006 toutefois, Zuara partage son sable avec le "Farah Resort", un village touristique VIP, très prisé et très privé. Location de quad et de jet-ski "available".

    Autre moyen de se remplir les poches pour les Zuariens : l'acheminement des sub-Sahariens en Europe. Suleiman me parle d'une connaissance devenue multimillionnaire. “Imaginez trois bateaux par semaine remplis chacun de 50 hommes qui paient le passeur 2'000 euros...” J'ignore s'il dit vrai, mais cela fait froid dans le dos.

    Jusque là, la route est des plus sahariennes. Une plaine stérile que deux raffineries (une mosquée construite dans l'enceinte de chacune) et une usine de ciment tentent d'égayer. La route est aussi des plus dangereuses. Deux pistes trop bien asphaltées où se côtoient de vieilles et larges carcasses indolentes et de petits bolides nerveux lancés à 150 kilomètres à l'heure, environ, les compteurs fonctionnent rarement. Ajoutez-y un troupeau de moutons qui traverse soudainement, vous obtenez 2´138 morts sur les routes libyennes en 2007 (OMS), certainement plus.

    SABRATHA A mi-chemin entre Zuara et Tripoli, une ville romaine, q1021592952.JPGui vivait jadis du commerce maritime d'animaux et d'ivoire, a été “redécouverte” par des archéologues italiens au début du XXème siècle. Le temple d'Isis (photo de gauche) a été construit au Ier siècle face à la mer, car la déesse égyptienne était vénérée comme protectrice des marins. A quelques pas du temple, visible à des kilomètres à la ronde, le théâtre romain (photo de droite), construit entre 190 et 20344060780.JPG0 après Jésus, en grande partie reconstruit par les Italiens dans les années 1920, possède un auditorium de 95 mètres de diamètre. Ce qui fait dire aux gardiens du site que ce théâtre est le plus vaste d'Afrique. Peut-ètre bien. Mais plus fou, on dit que le 70% des sites archéologiques libyens sont encore enfouis !

    A Sabratha, je rencontre un jeune homme qui m'invite au mariage d'une amie de l'une de ses soeurs. Les festivités ont lieu à Zuara. Retour en arrière. Avec enthousiasme. Douche, rasage, excitation. Je pense enfin pouvoir porter la belle chemise que je trimballe dans un sac hermétique depuis six pays... Vingt heures, le jeune homme est confu. Une bagarre a éclaté. La police est intervenue. La fête interrompue. Je ne saurai jamais s'il a dit la vérité ou si la famille ne voulait simplement pas d'un Chrétien à bord... Qu'importe, en route pour la capitale, avec une chemise impeccable !

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  • LIBYEN les consignes avant d'entrer

    Vous l'avez certainement déjà lu quelque part. La Libye est LA nouvelle destination méditerranéenne. Des cités antiques, des Touaregs et un colonel effervescent. Tout pour drainer les foules. Si seulement ledit colonel y mettait un peu du sien.

    VISA LIBYEN Car ses directives changent très vite. Au grand dam des opérateurs touristiques locaux. En effet, si des centaines de touristes débarquaient encore à Tripoli en 2006 à bord de bateaux de croisière, le vent a aujourdui tourné. Le 11 novembre 2007, Kadhafi réintroduisait l'obligation de faire traduire son passeport en arabe. Une opération qui se fait chez un traducteur "officiel", agréé par l'État, qui coûte 30 euros et une bonne demi-journée. Pour ne pas faire les choses à moitié, ce 1er janvier, le colonel demandait à ce que tous les étrangers arrivant en Libye soient en possession de l'équivalant de 1000 dollars américains cash (cartes de crédit et traveler's chèques ne comptent pas). On n'a toutefois pas demandé à voir mes billets. Les directives auraient-elles déjà changé ?

    A cela s'ajoute, pour les voyageurs dits "indépendants", la nécessité de louer, pour toute la durée du séjour, les services d'un guide issu d'une agence de voyage reconnue (50 euros par jour minimum). Le loger, le nourrir et le promener. Et pour ceux qui aimeraient se ressourcer dans le désert, obligation de s'offrir la protection d'un policier. Se ressourcer. Avec une Toyota, un guide et un policier... Pour échapper à l'asphyxie, trois possibilités :

    - Ne demander qu'un visa de transit (5 jours), facile à obtenir, puis se dépêcher d'atteindre l'autre bout du pays. Solution de dernier recours.

    341509860.JPG- Bricoler un visa touristique “artisanal” depuis Tunis. Au pied de la Bab el Bahr, entre la médina et l'Avenue de France, tout le monde connaît quelqu'un qui connaît quelqu'un qui... peut arranger un visa touristique libyen (je vous transmets volontiers un contact téléphonique si besoin). Après un passage à l'ambassade libyenne de Tunis, un guide bidon vous accompagne à la douane tuniso-libyenne de Ras al-Jedir, puis vous fiche la paix, avec le numéro de téléphone d'un autre guide tout aussi bidon, à Tobrouk, qui vous fera lui passer la douane libyo-égyptienne d'Amsaad. Le tout pour 200 à 300 euros. Mais gare à l'arnaque. En outre, les routes sont saturées de contrôles policiers et les sites touristiques, bien gardés par les fameuses patrouilles “Tourism Security” (photo).

    - Le plus simple reste encore d'acheter un visa d'affaire. Il coûte 200 euros et permet de visiter le pays librement (si besoin, je donne volontiers le contact email d'un jeune libyen qui se sert d'une entreprise, oui, bidon pour faire venir des touristes étrangers).

    A partir d'ici, bienvenue en Libye !

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