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Novembre, les commerces exhument leurs lucratives décorations ; et moi, un vieux carnet de voyage, des pages aux arômes de choux, betteraves et vareniki.
Le papier a jauni, l’encre a déteint, je parviens juste à lire qu’en arrivant en gare de Tchernivtsi, près de la frontière roumaine, le premier Ukrainien rencontré était saoul, il m’avait offert une cannette de bière puis s’était fait fouiller par la police ; une babouchka s’était démenée pour me faire du change auprès d’un taxidriver transi, avant de me dénicher un lit pour deux francs.
À Lviv, je m’étais fait sermonner pour avoir prononcé à la russe le nom de la ville : «Lvov». Au cimetière de Lychakivskiy, sur le Monument aux morts, j’avais tracé du doigt sur la neige un Peace&love (cela n’a pas suffi).
Durant trois jours, j’avais partagé la ferveur orthodoxe du monastères de Pochaïv ; après quatre heures de liturgie, les pèlerins embrassaient l’icône de La Mère Dieu qui avait su repousser l’invasion turque de 1675 (cela ne suffira pas cette fois).
À Odessa, j’apprenais déjà le sens du mot zatchistka, « nettoyage » en russe ; depuis les attentats du 11 septembre, le carnage contre les « terroristes » tchéchènes était devenu légal.
En Crimée, j’étais monté dans le plus long trolleybus du monde, une ligne de 85 kilomètres ; j’avais dégusté les délicieux muscats de Massandra (des vins redevenus russe en 2014). À Kertch, j’avais pris le ferry pour rejoindre la Mère Patrie (le pont bombardé il y a un mois n’existait pas encore).
La suite du carnet évoque cette Russie que j’avais tant aimée, ce peuple qui, pendant trois mois, de l’Oural à Vladivostok, m’avait fait vibrer. Si généreux, si lucide, si drôle. Ce pays dont je disais qu’il était l’un des seuls où je me verrais bien vivre.
Et merde.
Mes hôtes ukrainiens habitent leur cave, leur maison est une ruine, ils ne sortent que pour couper du bois (il n’y a plus d’électricité) ou chercher de l’eau potable, ils marchent prudemment, à cause des mines, en scrutant le ciel, à cause des bombes.
Les amis russes ont fini par s’engager. Poutine, les médias et les voisins ont su les convaincre : l’Ukraine est un foyer de nazis. Ils s’entraînent en ce moment dans des casernes pour adresser bientôt à leurs frères, à leurs sœurs, de jolis cadeaux de Noël.
Et moi, je baisse le radiateur de 2° par mesure d’économie et peste contre le prix du mazout. La plupart du temps, j’entends parler d’Ukraine sans frémir, sans pleurer, sans trembler. Je n’ai pourtant pas oublié le début de Guerre et Paix de Tolstoï : on est en 1905, la Russie devra bientôt se battre contre ce fou furieux de Napoléon, mais pour l’heure, on préfère se quereller dans un salon mondain. La guerre n’est qu’un sujet de conversation.
Comme un goût de déjà voté, après «les vaches à corne» de 2018 et les «pesticides» de 2021. On peut parier que les votations de ce week-end montreront un même clivage entre villes et campagnes, ce nouveau röstigraben, inquiétant, grandissant.
On ne parle plus de modifier ou de faire évoluer ; on veut abolir, interdire. On ne veut plus améliorer le bien-être du bétail ; on veut cesser toute forme d'exploitation animale.
Cette incapacité à dialoguer pourrait décourager. Cependant, pour vendre ses produits, le paysan aura toujours besoin de citadins (80% de la population suisse actuelle) ; et ces derniers ne révolutionneront pas l’agriculture sans les principaux intéressés.
De ce fait, chaque nouvelle votation est une opportunité pour que villes et villages fassent connaissance. Ces dernières semaines, on a par exemple appris que 90% des fermes respectaient déjà l’exigence des critères de l’initiative : un abattage respectueux, des sorties extérieures obligatoires, du fourrage local, un nombre d’animaux limité. On s’est aperçu que la Suisse ne connaissait presque pas d’élevages « intensifs », puisqu’une exploitation compte en moyenne 29 vaches laitières, 45 bovins, 240 porcs et 300 poules pondeuses. On a aussi découvert la rigueur des lois sur la protection des animaux. En 1992, l’agriculture suisse a été la première du monde à interdire l’élevage des poules en batterie (l’Europe annonce vouloir légiférer en 2027) ; elle ne peut heureusement plus couper la queue des cochons ou le bec des poules (ce qui est encore permis en Europe) ; il faut anesthésier les veaux que l’on veut écorner (pas d’obligation en Europe) ; etc.
En fait, il semble que l’agriculture suisse changera moins par ses électeurs que par ses consommateurs. À eux d’être cohérents : ne plus crier au scandale paysan, tout en continuant d’acheter n’importe quoi dans les grandes surfaces. S’ils consommaient que des produits locaux, de saison, s’ils décidaient de manger tous les morceaux d’un animal, s’ils étaient d’accord de payer un peu plus cher leur viande – ils le peuvent, leur budget pour l’alimentation ne constitue que 7% des dépenses d’un ménage ! –, l’offre des magasins serait immédiatement bouleversée, sans que l’État ou les grands distributeurs n’aient leur mot à dire. En quelques années, la production s’alignerait naturellement sur les aspirations des consommateurs.
Des paysans aux citadins, de la fourche à la fourchette, et si on abordait l’avenir ensemble ?
D’habitude, je trouve cela normal. Mais allez savoir pourquoi, cette fois, je le trouve intolérable, ce grillage, tout à l’ouest de la plage publique des Mellières à Buchillon, ce panneau «passage interdit».
Heureusement, en ce mois d’avril, le niveau du lac est au plus bas, 30 cm en dessous du niveau normal, pour anticiper la fonte des neiges ; il est donc aisé de contourner l’obstacle et poursuivre ma flânerie sur des galets couverts d’algues sèches. Je longe de petites baies ombragées par des arbres somptueux. Dépaysement garanti. Paradis à deux pas d’ici.
Etonnamment, je ne culpabilise pas devant le « chien méchant » de cette énième « propriété privée » ; je sais que ce sont ces panneaux qui sont illégaux.
Le libre accès aux rives du lac figure en effet depuis quarante ans dans la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) : « il convient de tenir libres les bords des lacs et des cours d’eau et de faciliter au public l’accès aux rives et le passage le long de celles-ci » (article 3). Au niveau cantonal, la loi sur le marchepied permet aux communes d’exproprier « pour assurer au public, à titre de servitude, l'utilisation du passage » (article 14).
Ces écriteaux ne font donc que rappeler la confiscation par quelques fortunés d'un bien commun.
De retour à la maison, refaisant le parcours sur Google Map, je distingue clairement la petite dizaine de monstrueuses propriétés qui mènent à l’embouchure de l’Aubonne. Sur ces trois kilomètres de promenade le long du lac, je n’ai rencontré aucun être humain, seulement des volets clos. J’ai alors une pensée pour la cohue des baigneurs qui s’agglutineront bientôt sur la plage de Préverenges. J’imagine ici l’été : deux ou trois propriétaires insouciants sur une grève déserte, à perte de vue.
Près de la moitié des 87 km de rives vaudoises du Léman n’est toujours pas accessible au public. Pourquoi n’applique-t-on pas les lois ? Pour ne pas faire fuir les plus gros contribuables ? Par peur des oppositions, des avocats, des menaces ? Ou alors seulement pour préserver la biodiversité des rives ?
Je crois bien que signerai l’initiative que devrait lancer l’association Rives publiques au printemps 2023 pour changer la législation fédérale et rendre les bords des lacs à la population. Et vous?
Il y a des revues qui vous empoignent comme des polars. J’ai dévoré le dernier numéro d’Heidi.news, une centaine de pages sur "les Vaudois et leur bac à sable magique", une enquête chargée d’humour noir menée par le journaliste Claude Baechtold.
Chaque année, la Suisse romande creuse l’équivalant d’une pyramide de Khéops de « sable » pour assumer ses chantiers ; en même temps, elle produit l’équivalant de deux pyramides de déchets de construction… qu’elle enterre dans ses gravières.
L’enquête révèle que les gisements vaudois actifs seront tous épuisés en 2023. Un tiers du sable provient déjà de France, ce qui engendre chaque année 40'000 allers-retours de camions transfrontaliers. Au rythme actuel, il n’y aura plus de gravier vaudois d’ici 60 ans ; ensuite, il faudra concasser la roche ou «faire une pause de 2'500 ans pour permettre au Rhône de reconstituer cette réserve», s’amuse Claude Baechtold.
À deux pas de chez moi, les bois de Ballens abriteraient 18,5 millions de mètres cube de «sable», l’équivalent de 555 millions de francs (30.-/m³). Ajoutez à cela les revenus de l’ensevelissement des déchets (qui rapporte autant que l’extraction), soustrayez les frais d’exploitation : vous parvenez à un gain de près d’un milliard de francs, soit l’équivalent… de la dette du canton.
En gros, si la commune de Ballens - qui possède la grosse moitié du bois concerné - faisait sécession et nationalisait son sable, elle pourrait s’offrir une dizaine de centres aquatiques morgiens…
Claude Baechtold décrit minutieusement la guerre de tranchées que se livrent la vénérable Holcim Suisse, filière de LafargeHolcim, plus grosse multinationale de ciment du monde, et le jeune trouble-fête Orllati.
Il montre comment des communes et des petits propriétaires doivent traiter directement avec ces deux « titans », sans cabinet d’avocats ni appui du Canton. Comment on ne discute pas du prix. Comment la première guerre a été remportée par un consortium emmené par Holcim. Mais comment Orllati ne s’avoue pas vaincu, notamment pour exploiter l’autre partie du bois, qui appartenait à des habitants de Denens. Comment, selon le journaliste, tous les coups sont désormais permis : pression sur un exécuteur testamentaire, condamnation de trois innocentes à cinq millions de droits et intérêts, paysans expulsés de leur domaine à Yens, à Saubraz, etc.
L’intensité de la lutte est à la hauteur des centaines de millions de francs en jeu. Ce qui me choque le plus, c’est que le Canton arbitre cela de loin, ne réglemente pas, tout simplement parce que ce gravier est indispensable à sa croissance, ses grands chantiers. Puisse-t-il un jour avoir le courage de se mesurer à ces deux monstres pour éviter que les «petits» se fassent concasser en même temps que leur sol ?
Dix motards tournoient en même temps dans une sphère d’acier sous le chapiteau du Cirque Knie. Fin du numéro. Ils saluent autour de la piste. Applaudissements. Ils enlèvent leur casque… Regarde, papa ! Il y a une femme !
La veille, je retrouvais la journaliste Caroline Stevan qui présentait son nouvel ouvrage, Citoyennes !Dans la préface, elle raconte pourquoi, pour une fois, elle s’était rendue avec ses deux filles à une manifestation, lors de la Grève des femmes du 14 juin 2019. Je lui demande une dédicace pour mon amoureuse (elle y était), je l’achète surtout pour que nos filles imaginent ces rues pleines, rugissantes, « vos roses n’effaceront pas nos bleus ! », « ras le viol ! », « d’habitude on range, aujourd’hui on dérange ! ».
Qu’elles n’oublient pas le monde d’avant, avec ses gouverneurs, ses gouvernantes.
Une semaine auparavant, je dévorais Les femmes aussi sont du voyage, un essai de Lucie Azema qui dénonce leur absence dans la tradition des « écrivains-voyageurs ». On les préférait dans les rôles de Pénélopes patientes, d’accompagnatrices passives, de « femmes-paysages ». L’autrice nous rappelle qu’Isabelle Eberhardt se déguisait en homme pour bourlinguer en Algérie, qu’Amantine Dupin écrivait sous un pseudonyme masculin (George Sand) pour être reconnue, mais aussi que le tout premier récit de voyage - un pèlerinage au Mont Sinaï en 381 de notre ère - est celui d’une femme.
Une histoire de fou.
Alors que la Chine a connu une impératrice au VIIe siècle, qu’une Déclaration des droits de la femme a été rédigée en 1791, il fallut attendre 1971 pour que les Suissesses aient le droit de vote. Comment faire croire à nos filles que quand j’avais leur âge, les Appenzelloises, les Glaronnaises, les Obwaldiennes, les Schwytzoises, les Saint-Galloises, les Urannaises et les Thurgoviennes n’étaient pas de vraies citoyennes?
Et comment expliquer aujourd’hui que les filles afghanes vont à nouveau être privées d’école, de droits, mariées de force à des vieillards?
Peut-être leur parler d’Emmeline Pankhurst, d’Antoinette Quinche, de Loujain al-Hathloul?
D’Eva Perón, d’Angela Merkel, de Jacinda Ardern?
Notre aînée a passé sa première année près d’une place lausannoise qui s’appelait Saint-Laurent et qui s’appelle désormais « Place du 14 juin », en hommage à une grève et à l’inscription de l’égalité entre femmes et hommes dans la Constitution ; notre cadette a vu le jour l’année des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc…
Cette dernière interrompt mes rêveries, elle me chuchote à l’oreille - alors que Chanel Marie, la petite-fille de Fredy Knie Junior, présente son numéro de dressage de poney – que son « métier d’adulte », ce sera piloter des motos !
Mars 2020. Welcome in Geneva. Une voix dans les haut-parleurs de l’aéroport exigeait entre chaque passager deux mètres de séparation sous peine de mesures pénales. Non, rien à déclarer.
On se dirigeait ensuite vers la gare, l’horaire était respecté (une bombe atomique pourrait exploser, les trains suisses partiraient toujours à l’heure). Par la vitre du train, on voyait des joggers courir à deux mètres l’un de l’autre, de part et d’autre d’une route cantonale déserte. Le lac ne portait pas un seul voilier ; le ciel, pas un seul avion.
On était les seuls à descendre en gare de Morges. Paysages avec figures absentes, personne sur la place, personne sur les trottoirs, la vie se jouait désormais à l’intérieur des maisons. Pas un seul client dans les pizzerias du Moulin et de la Tour, les repas se livraient à domicile. Pas un seul étudiant devant le lycée et l’école d’agriculture, leur cours se donnaient en ligne.
Sur la route, nos filles avaient vu un tape-cul, un tourniquet, un animal à ressort :
– On peut aller, papa ?!?
Les installations étaient hélas habillées de rubans rouges et blancs : « Jusqu’à nouvel ordre, la place de jeux restera fermée »…
– Vous allez où cet été ?
Aujourd’hui, on a rouvert la place de jeux, on a rouvert les liaisons aériennes, les frontières. Alors c’est décidé, on va tout oublier, on part en « vacance », on va se vider la tête, on file, vite, plus vite !, profite !, profitons !, profitez !
Le hamac est une balançoire ; la plage, un bac à sable ; le monde, un carrousel.
À l’étranger, on est plus ouvert, plus poreux, on sourit aux inconnus, on cherche le contact, on demande où ils habitent, d’où ils viennent, ce qu’ils ont vu, s’ils ont aimé, quel âge a le petit, ah, il est grand pour son âge, il va déjà à l’école ?, on a l’adrénaline du toboggan, on s’invente une nouvelle vie dans une petite cabane, on découvre le vertige du tourniquet, on tourne, on tourne, c’est notre Grand Tour, la ruée vers l’Est, le Pékin express. On retombe en enfance, sans la surveillance des grandes personnes, on se déguise en touriste, on achète n’importe quoi, on mange n’importe quand, on se déplace n’importe comment, on ne respecte pas les installations, on ne fait que passer, on rajeunit, on est tout excité – et qu’importe si on retrouve partout les mêmes parkings bondés, les mêmes caisses enregistreuses, les mêmes assiettes de frites, les mêmes boutiques à souvenirs – on racontera ses aventures avec une liberté feinte, on fera semblant, on fera comme si, on s’imaginera avoir rompu les lois de l’uniformité, de la monotonie. Et puis on rentrera.
Soit tu es contre la burqa et tu es un obscur islamophobe, soit tu es pour, et tu es un gros phallocrate. Soit tu veux accueillir des migrants et tu es un gauchiste angélique, soit tu préfères les renvoyer et tu es un blochérien, un collabo.
J’avais déserté cette chronique depuis plus d’un an. En m’y remettant aujourd’hui, je ne peux que constater - comme vous certainement - un bouleversement de notre manière d’être ensemble. Partout, je ne rencontre que colère ou indifférence, certitudes absolues ou silences assourdissants. Ces réactions ne sont plus celles de bloggeurs sous pseudos, d’ivrognes en fin de course ; ce sont de vieux amis, des membres de la famille.
On est devenu 100% binaires, on pense à pile ou face, on peut dire n’importe quoi, pourvu qu’on ait un avis définitif, surtout sur des thèmes qui embarrassent encore les meilleurs spécialistes.
Tu as un doute sur les vaccins, et bien que tes gosses crèvent de la rougeole ! Tu penses peut-être demander un rendez-vous, et bien bravo, file ton pognon à Bill Gates ! Tu te demandes s’il n’aurait pas fallu reconfiner le pays, et bien c’est fait, les médias t’ont eu ! Tu as peur que ce semi-confinement détruisent nos jeunes, et bien laisse agoniser tes vieux ! Tu n’es pas d’accord ? Ne serais-tu pas un peu complotiste ?
Je ne sais pas comment vous faites. J’ai l’impression qu’on peut donner son avis, chercher le dialogue, argumenter, cela ne sert plus à rien. On ne verra jamais un invité de l’émission « Forum » de la RTS changer d’avis : Tiens, je n’y avais pas pensé, c’est intéressant, je vais désormais faire un pas dans votre direction…
Le problème, c’est que si nous ne sommes plus capables de converser, de nous contredire, de nous opposer sur le fond tout en nous respectant, de changer d’avis, alors nous finirons par ne plus fréquenter que ceux qui sont du même avis, comme les réseaux sociaux nous encouragent déjà à le faire.
De plus en plus souvent, je renonce à prononcer un mot clivant de peur de lancer la machine à monologues : Darius Rochebin ? Greta Thunberg ? Pro-loups ou anti-paysans ? Pro-5G ou anti-progrès ? Anti-féministe ou anti-homme ? Pro-pesticides ou anti-paysans ?
C’est peut-être cette autocensure qui est le pire, cette immense lassitude des réactions d’autrui. Je suis devenu mon propre fossoyeur d’idées. Alors s’il vous plaît, la prochaine fois que nous nous croiserons, dites-moi le mot « nuance », cela signifiera que vous avez envie d’échanger des points de vue, et j’aurais grand plaisir à réapprendre à débattre avec vous.
Le calme est revenu dans «notre» chambre, enfin, celle qu’on nous a prêtée en attendant de pouvoir redormir dans la vraie nôtre, à Reverolle. Il y a ici une carte du monde sur le mur, l’Inde est comme une dent de requin, toute jaune, et la Suisse est vraiment minuscule… mais chut, c’est dodo.
Fini donc, le 15 avril. Et vous n’étiez pas là. Alors je vais vous raconter, en chuchotant, pour ne pas me faire gronder.
J’ai eu un gâteau d’anniversaire en forme de poisson, avec une grosse bougie en forme de «3», un masque de lion, des flûtes à l’apéro, du saucisson dans le papet (j’aime l’Inde mais j’aime aussi bien la viande), de la peinture qui part quand on en met sur les habits et surtout une magnifique draisienne rouge.
Je me souviens – les photos, ça aide – je revois ma grande sœur Eve qui soufflait ses quatre bougies à Badami, en Inde. C’était il y a quelques semaines. Papa et maman n’avaient pas trouvé de magasins de jouets (pas un seul jouet dans toute la ville, vous imaginez?). On avait fait sans et c’était très bien. C’était l’époque où on nous disait qu’on serait dans vos bras dans trois mois… et puis il y a eu le virus.
Les hôtels qui nous refusaient, à cause du virus, les passagers qui nous fuyaient dans le train, à cause du virus, toutes les choses qu’il ne fallait plus toucher, à cause du virus. Surtout l’avion qu’il a fallu prendre au plus vite, la veille d’un couvre-feu qui devait durer un jour et qui va encore durer au moins jusqu’en mai.
On a de la chance, on est en Suisse, personne n’est malade autour de nous, on nous a prêté un bel appartement avec un grand jardin, on a des flûtes, du saucisson, une draisienne… mais je n’ai toujours pas pu sauter dans vos bras.
Je vous ai vus, il a quelques jours, près de la forêt, mais de loin, à cause du virus, et puis cet après-midi, sur l’écran du téléphone de papa: vous me chantiez «joyeux anniversaire», c’était rigolo, mais je sais bien que vous n’aimez pas trop ça, les téléphones avec l’image. Moi non plus. Moi, je veux m’asseoir sur tes genoux, grand-papa Walti, et que tu me chantes «en bateau, Mamie», même si tu as encore un peu mal à l’épaule, je veux, grand-maman Anne-Lise, que tu me racontes l’histoire de Franklin qui a peur de faire du vélo, j’aimerais regarder les animaux de la savane à la télévision, couchée sur ton ventre, grand-papa, et puis m’endormir avec ta main sur le front, grand-maman.
Bientôt, tout cela sera de nouveau possible, me répètent papa et maman… Je peux attendre, je suis une grande, j’ai trois ans (je sais faire le chiffre avec les doigts), mais c’est long.
Dans la nuit, je pense à vous, et puis aussi à ma petite copine de Badami, celle avec laquelle je jouais autour du temple de Shiva, près du lac. Comment elle va? Papa m’a dit que toutes les rues étaient vides maintenant. Il ne doit donc rester que les cochons, les singes, les vaches, les chiens, les poules, les rats, les chevaux, les… j’aimerai donner un jouet à ma copine de Badami.
Prenez soin de vous, grand-maman et grand-papa, je vous fais un grand sourire-grimace, comme sur les photos qu’on vous envoyait durant le voyage, je vous aime, et ma sœur Eve aussi, même si elle dort déjà tout contre moi…
Au numéro 20 du Clos-du-Moulin, tu entres sans frapper et jettes machinalement un regard sur une petite table qui fait office d’autel - née au ciel le 2 décembre - marques un temps d’arrêt devant le Livre d’Or, devant un prénom, un nom, une heure, une date, devant une bougie allumée.
Tu salues les cuisiniers et te diriges vers le salon où une table a été apprêtée pour le petit-déjeuner. Nappe orange, confitures maison, quatuor à cordes de Debussy. Le directeur de l’établissement – tout le monde l’appelle Paul - tartine une tranche de pain au seigle pour les deux patients assis en face de lui. Ils sont les seuls à pouvoir encore faire le voyage de leur chambre à coucher à la salle à manger. Devant chacun d’eux, quelques comprimés multicolores et un godet rempli d’un liquide mordoré. Tu sers des mains, fais des bises, vas te tirer un café, prends place et écoutes Pauline, l’administratrice, faire le récit d’une randonnée à ski dans le Val Ferret.
Quand il est l’heure, tu descends au sous-sol troquer ta tenue de ville contre un habillement de circonstance : chaussures de sport blanche, pantalons propres, T-shirt avec un soleil pour logo et le slogan J'aime la vie, je travaille à Rive-Neuve. Tu épingles un badge qui porte ton prénom, presses sur le flacon de désinfectant liquide et rejoins tes collègues pour le meeting.
L’équipe de nuit passe en revue l’état des troupes : celle qui a des insomnies, celui qui a des douleurs thoraciques de 8 sur 10, celui qui a longuement hésité avant d’appuyer sur sa sonnette, vers 3h30, pour demander un verre d’eau (la nuit est longue lorsque la mort est proche et que l’on est seul dans l’obscurité). Une perte de poids inquiétante. Des couches S, parce que les M étaient devenues trop grandes. Un débat sur la consistance des selles de Madame Blumenthal. De la codéine pour un tel. Des nausées pour un autre. Une PEG à remplacer. Des fleurs de Bach à prescrire. De la confusion, peut-être due aux opioïdes.Deux comprimés de 600mg d’aspirine, un de 500 mg de paracétamol.
Et la morphine qui ne fait plus effet chez le monsieur de la chambre 110. L’infirmière l’a retrouvé en position fœtale dans des draps défaits. Il faut faire venir la famille au plus vite. D’autant plus qu’Empereur, le chat de la maison, a choisi de passer la nuit dernière sur son duvet. Un signe qui ne trompe pas...
La tournée des soins débute, chambre 240. Madame Hofstetter, bonjour ! Tu tires un rideau et entrouvres la fenêtre pour laisser entrer l’odeur du jour. Elle somnole. Il fait beau aujourd’hui, vous savez… Madame Hofstetter est grabataire depuis un mois. Vous avez bien mangé ? Le plateau de son petit-déjeuner est intact. Vous avez des visites prévues ? On n’a jamais vu personne chez Madame Hofstetter… Elle semble pardonner tes maladresses. Souhaitez-vous être rafraichie ? Elle ne secoue pas la tête. Tu laisses couler le robinet d’eau chaude un moment. Tu vas chercher deux serviettes, un gant de toilette et une alaise neuve. Tu soulèves délicatement la tête de Madame Hofstetter, retires l’oreiller, le retournes et y reposes sa tête. Tu as déplacé une peluche qui doit avoir beaucoup d’importance pour elle car elle ne l’a pas quittée des yeux. Tu laves son visage. Tu le sèches. Elle est allongée sur un matelas d’eau, sa peau est irritée. Tu lui proposes un massage et elle ne dit pas non. Tu commences par les talons, à l’Excipial, puis les mollets. Madame Hofstetter semble oublier peu à peu sa mauvaise nuit, ses maux de tête, ses muscles atrophiés, ses aigreurs d’estomac, son risque d’escarres, l’image que lui renvoie son miroir. Tu proposes de lui frictionner aussi le dos. Tu l’aides à se tourner sur le côté, profites de remplacer l’alaise et masses lentement ses hanches, sa nuque et ses épaules avec de l’huile essentielle de lavande que tu as trouvé sur la table de nuit. Elle ne dit toujours rien mais son corps se détend, se réveille, revit peu à peu, malgré la pudeur, malgré la tumeur. Tu lui demandes si un peu d’exercice lui ferait du bien. Elle sourit. Tu plies lentement sa jambe gauche, en maintenant le genou, puis la droite. Tu répètes plusieurs fois la manœuvre. Elle fait son possible pour accompagner le mouvement. La journée peut commencer. Tu lui tends sa perruque, sa trousse de maquillage et soutiens le miroir à bonne hauteur. Tu lui mets son collier de perles et ses deux bracelets. Tu lui sers un verre d’eau gazeuse et noues sa sonnette sur le montant du lit, à proximité de sa main droite. Merci beaucoup. Ce sont ses deux premiers mots. À toute à l’heure, Madame Hofstetter !
Une infirmière sort de la chambre 110. Il a la respiration sifflante, le nez pincé, la peau marbrée, les mains froides. Elle n’a fait qu’humidifier un peu sa bouche. Sa femme est à ses côtés, elle lui tient la main en silence…
Et poursuivre ta tournée, chambre 120, chez Jean-Paul, le genre taiseux, un peu bossu, un peu bourru, la couperose sur le nez. Il a encore toute sa tête mais ses membres ne le portent plus. Ton corps remplace le sien. Le long des quinze petits pas qui le séparent de sa douche, vous faites trois pauses pour qu’il reprenne son souffle. Son cancer des poumons ne l’empêche pas de dissimuler dans son armoire personnelle, juste en-dessus de sa bouteille d’oxygène, trois cartouches de Gauloise bleue… Après la douche, le peignoir bordeaux et les charentaises à carreaux, après le rasoir électrique et la brosse à dents, après la chaise percée, la chaise roulante, le couloir, le salon, la terrasse, enfin, la première cigarette. La journée peut commencer. Pour l’occasion, tu t’improvises aussi fumeur et parles de la pluie et du beau temps, jamais de sa maladie, de sa solitude, de ses souffrances de corps et d’esprit.
Besoin de pleurer, besoin de parler, besoin d’être écoutée. Attablée au salon, la famille de la chambre 110 s’entretient avec une infirmière. Les deux fils sont arrivés juste à temps pour être là quand il est parti.
Né au ciel le 4 décembre.
Chambre 110, dernière toilette, la famille n’a pas souhaité y participer. Fermer les yeux du défunt. Ôter sa perfusion et sa sonde vésicale. Laver son corps avec de l’eau et du savon. Le visage, le torse, le dos, les bras, les jambes. Lui raser le visage. L’habiller avec les vêtements qu’il avait lui-même choisis. Le chausser. Faire venir le comptable Alex et les deux cuisiniers, Bruno et Olivier, pour le descendre en brancard jusqu’à la chapelle qui est au sous-sol. Faire en sorte que ni la famille, ni les autres patients, ne surprennent ce cortège maladroit. Dans les escaliers, comprendre l’expression poids mort. Positionner le défunt sur la table funéraire. Appliquer de part et d’autre de son corps deux blocs de glace. Lui maintenir la bouche fermée à l’aide d’un support en plastique. Le coiffer selon ses habitudes. Placer une rose rouge entre ses mains jointes sur le ventre.
Tu déposes ta main sur la sienne et fais silence.
Dans trois heures, tu auras fini le meeting de l’après-midi, tu fileras au sous-sol (le vestiaire et la chapelle sont deux pièces contiguës), appuieras sur le flacon de désinfectant liquide, te doucheras - J'aime la vie, je travaille à Rive-Neuve - remettras une tenue de ville, remonteras les escaliers deux par deux, jetteras un coup d’œil sur la petite table qui sert d’autel, remarqueras la deuxième bougie allumée, t’en iras, direction la gare, direction ta ville, direction un bar, direction la vie, tu as rancard, parler, rire, boire, se frôler, s’effleurer, les yeux pétillants, boire, rire, parler, se prendre la main, comme un frisson, rire, boire, rire, se bécoter, s’embrasser, demander l’addition, presser le pas, main dans la main, bras dessus bras dessous pousser la porte s’enlacer se dénuder se caresser se sentir se serrer se respirer se manger s’étreindre se dévorer se rejoindre
malgré la chambre 110 malgré la rose rouge malgré la main froide
comme ces Anciens qui déposaient un crâne près de leur écritoire pour ne pas oublier - memento mori - qu’il faut en profiter
Publié dans la revue "La Cinquième saison", n°3, 2018
Cela s’écrit sur un continent où personne ne me demande si j’ai souffert du «FeVi-blues», si je ne suis pas trop déçu qu’on n’ait pas entendu nos paroles, où il n’est jamais question de prix des places, de taux de remplissage, où je ne risque pas de reconnaître le logo de la Fête sur un opercule de crème à café, un continent sans opercules.
Quelques jours après la Fête, je m’envolais avec ma petite famille pour le Japon, puis le Cambodge, le Laos et maintenant la Birmanie: voilà donc cent quatre jours que je n’ai plus bu une goutte de chasselas vaudois (ceux qui ont connu les préparatifs de la fête apprécieront).
Cela s’écrit à Nyaungshwe, sur la terrasse du très... œnotouristique domaine de Red Mountain, une cinquantaine d’hectares de vignes plantées en terrasses au bord d’un lac (un dépaysement fou). On me sert un assemblage, deux tiers syrah, un tiers tempranillo, vraiment étonnant, et là, au milieu de ceps taillés en Guyot double portant de belles grappes en pleine floraison (les vendanges sont prévues pour le mois de mars), je dois l’avouer, j’ai dans la tête… un air du compositeur Jérôme Berney: «On s’incli-i-ine devant la vi-i-igne.»
Les mélodies résistent aux heures de vol, à l’absence, au silence. Il suffit d’une image, d’un visage, d’un gong japonais, d’une danseuse cambodgienne, d’un théâtre laotien ou d’une carriole birmane tractée par un buffle: c’est de nouveau carnaval dans ma tête, carnaval dans les rues, la musique se met en marche, des centaines de milliers de visages ouverts ébranlent la quiétude d’une petite ville suisse.
Aujourd’hui, la place du Marché est redevenue un parking onéreux avec vue sur le Grammont, «tapez le numéro de la place et validez». Que me reste-t-il de cette Fête, demande alors un journaliste de «L’illustré».
Le voyage aidant, j’aurais tendance à rectifier sa question: à quoi ressemblera cette planète lors de la prochaine Fête? L’extrême pauvreté et notre richesse obscène, la disparition des patrimoines culturels et le pillage des ressources... et puis, si on sait que la santé financière de la Confrérie aurait pu mettre en péril la prochaine Fête, on comprend ici que le réchauffement climatique pourrait de manière plus radicale faire oublier la suivante...
Que me reste-t-il de la Fête? Je crois que ce n’est pas le spectacle. Durant les représentations, j’ai passé mon temps à regarder les spectateurs, à bavarder avec des placeurs déguisés en étourneaux, à expliquer les tableaux à ma famille, mes amis, surtout à me promener dans les entrailles de l’arène, à surprendre des figurants autour d’une fondue, en admiration devant des vaches ou concentrés afin de ne pas trop tituber en revenant sur scène pour le dernier tableau.
Lorsque, de retour en Suisse, je découvrirai le livre souvenir, le double CD ou le triple DVD, c’est autre chose que le plancher LED qui me reviendra à l’esprit, à la fois plus subtil et plus complexe: une rumeur, une densité, une légèreté, quelque chose à voir avec l’amour et la joie (François Debluë avait raison), un chant d’optimisme qui s’élève malgré les pénibles stridulations des fifres, un chant spontané et collectif, un chant de rue qui rassemble, qui devient danses sous les voûtes de pierre des caveaux, chacun redécouvrant son corps, sa jeunesse, sa force, sa liberté.
La Fête, c’est peut-être cela, mais aussi plus simplement le goût du saucisson en croûte servi sur un lit de lentilles sous la grande tente du Terroir vaudois, ou celui d’un Vin de la Fête de 1999 conservé par un expert de la Confrérie et partagé entre amis. C’est toute une ruelle qui danse la salsa alors que, à deux pas, des armaillis picolent avec des musiciens professionnels portant encore leurs grandes ailes dans le dos. Un journaliste de la BBC s’extrait péniblement des Caveaux de la Noce en les trouvant «so East-Berlin». De vieux amis refont le monde dans le carnotzet du troisième sous-sol du Caveau de la Saint-Martin. Une demi-meule géante défile sur le quai Perdonnet lors de la Journée cantonale valaisanne. Sept conseillers d’Etat boivent une bière au coin d’une rue et semblent apprécier cela. Le sous-sol de la librairie La Fontaine propose une conférence intitulée «Incorporer le monde, penser la révolution, aimer le chasselas».
C’est tout cela. Et puis aussi Jérôme Berney qui frappe inlassablement sur sa caissette à vendange pour accompagner des chœurs, Valentin Villard qui tombe éperdument amoureux, ou Stéphane Blok, dans son t-shirt soixante-huitard à motif batik, qui se fait épingler sur le torse la médaille d’honneur des Cent-Suisses...
En fait, c’est surtout le potentiel d’une ville, toute l’énergie que renferme le quotidien. Que c’est rassurant de comprendre que c’est là, en tout temps, cette envie de faire la fête, de chanter, de danser, de rencontrer, d’enlacer, de partager, de tutoyer, même chez ces «Pâtés froids» de Veveysans! Sous l’asphalte enneigé d’un grand parking, la braise est intacte. Il suffirait de souffler dessus, fort, et à plusieurs.
Vu d’ici, cela paraît si naturel. Les rues birmanes sont pleines, animées, colorées, elles prennent le temps de se confier, de contempler, de rire et de faire la fête, avec les moyens du bord: on active de petits carrousels et de grandes roues à bras d’hommes.
En Birmanie, j’aurais tendance à calculer le nombre d’enfants que l’on pourrait scolariser ou soigner avec cent et quelques millions de budget...
Cette réflexion est stérile. En Suisse, le vivre ensemble est une denrée de première nécessité, une espèce en voie d’extinction, c’est le véritable patrimoine immatériel de la Fête des vignerons, cette grande fabrique de liens sociaux. Et cela n’a pas de prix
Lors de la dernière représentation, le 11 août, je ne suis pas allé à Vevey (je ne suis pas bon pour les adieux sur les quais de gare). Le lendemain, par contre, nous étions conviés, avec Stéphane, Jérôme et Valentin, à Rivaz, dans le caveau de Pierre Monachon, le vice-président de la Confrérie, pour partager une fondue et refaire le monde avec François Margot, l’abbé, et François Murisier, le président du conseil artistique… Envie ici de leur dire merci, merci d’avoir été assez fêlés pour se lancer dans pareille aventure, d’avoir tant donné, tant travaillé, bénévolement.
Merci à eux trois, et à tous les autres organisateurs, les fameux «commissaires», merci à tous les figurants, de 3 à 94 ans, chanteurs, musiciens, danseurs, gymnastes, techniciens, placeurs, armaillis ou tâcherons (ayez une pensée pour le Roi de la Fête qui retournera bientôt dans sa vigne pour tailler, sans couronne ni amateurs de selfies). Un merci particulier aux «femmes de la Fête», Sabine Carruzzo surtout, mais aussi Giovanna Buzzi, Caroline Meier et Céline Grandjean, Estelle Bersier, Marie-Jo Valente, Isabelle Raboud et Janine Huber, Corinne Buttet bien sûr, les deux petites Julie, toutes celles que je ne peux citer ici et puis évidemment… celle qui est là, à côté de moi, et que j’ai saoulée pendant quatre ans en lui parlant de cette Fête.
Grâce à vous toutes et tous, j’ai pu vivre ma première Fête. J’ai aussi pu comprendre combien les 6000 figurants sont l’esprit de cette célébration, les jambes et les bras, le fruit, la chair, le cœur et le foie. Lors de la prochaine – qui sera peut-être, et je l’espère, «décroissante» –, promis: je serai figurant.