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  • Clins d'oeil de Benghazi

    244683628.JPGBenghazi se profile à l'horizon, donnant sur plusieurs kilomètres l'impression de ne pas vouloir "exploiter" son littoral...

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    Seconde ville du pays et capitale de la Cyrénaïque, Benghazi prend une toute autre allure autour du lac du 23 Juillet. Au centre, l'Islamic Call Building.

     

    1076971701.JPGPrès des quais, sur la Sharia Omar ibn al-Khattab, les constructions de l'ère italienne contrastent avec les nouvelles barres.

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    A un kilomètre de là, le Marché Funduq, un “quartier africain” que les Libyens déconseillent fortement de visiter...

     

    1838306317.JPG...en réalité, à l'ombre d'un chargement d'ail de Tripolitaine, deux Soudanais et trois Egyptiens partagent volontiers leur shisha avec l'étranger.

     

    Désolé. Pas de photo de l'hôpital où Cécilia a sauvé ses cinq infirmières bulgares et son médecin palestinien.

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  • Où se cache l'information en Libye ?

    Les Egyptiens raffolent des plaisanteries. Des plaisanteries qu'on entend parfois des deux côtés de la mer. On en connaissait la version est-berlinoise, la voilà à la sauce libyenne : Deux chiens crèvent la dalle au Caire. L'un décide de tenter sa chance en Libye. Lorsqu'il revient une année plus tard - le visage bouffi, le poil étincelant et un colier doré autour du cou - son ami lui demande pourquoi diable a-t-il voulu rentrer au pays. "Pour pouvoir aboyer un bon coup...”

    MEDIAS OFFICIELS En Libye, les anglophones ne trouvent que l'hebdomadaire Tripoli Post, ses titres à la gloire du Guide. Les arabophones bénéficient d'un large éventail de médias, mais tous possession de l'Etat. Ainsi se rabat-on sur les pages sportives ou les chaînes d'information étrangères: Al-Jezira 602965885.jpg(Qatar), Al-Arabia (Arabie séoudite) et BBC Arabi (Angleterre), lancée le 11 mars dernier. Pour le reste, championnats de football étrangers, clips musicaux égyptiens et surtout libanais (le Libyen Ayman al-Atar, en photo, gagnant de la Superstar 2004, l'équivalent libanais de la Nouvelle Star, avait été reçu par le Guide...).

    Dans la rue, on est certes loin de la “décennie noire” (1978-88), mais encore aujourd'hui, les Libyens n'en disent pas plus que leurs médias. Le mot “Kadhafi” n'est par exemple prononcé qu'entre personnes qui se connaissent bien. En règle générale, la population navigue à l'opposé du Guide. Réservée et discrète.

    CYBERLIBERTÉ Comme dans tout état muselé, la véritable source d'information est la grande toile. On trouve du reste des cybercafés à tous les coins de rue. Les connexions sont encore extrêmement lentes, mais un nouveau réseau est en train de couvrir le pays: 7000 kilomètres de fibres optiques déposées par les Américains (Alcatel) et les Italiens (Sirti).

    Pour feuilleter la presse interdite, il faut donc demander à un cyber consommateur arabophone de relever les articles intéressants dans divers sites d'informations (Libya-alhora.com, Tibsty.com, LibyanHumanRights.com, Libyans4Justice.com,...), copier-coller le texte, puis le traduire via Google.

    On y apprendra alors que le Général en charge du tourisme, ayant refusé à Saadi Kadhafi (voir ci-dessous) de partager fifty-fifty les bénéfices du tourisme, aurait été livré aux chiens de garde et aurait passé quatre jours à l'hôpital. On y trouve aussi bien-sûr les  ragots concernant les huit fistons Khadafi, dont la triplette la plus médiatisée :

    852269941.jpgHANNIBAL En 2004, pris en flagrant délit d'excès de vitesse sur l'avenue des Champs-Elysées, il avait envoyé ses gardes du corps se battre contre les forces de l'ordre. En 2005, il avait tabassé sa petite amie enceinte. En 2007, il était impliqué dans un réseau de call-girl à Canne.

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    SAADI “L'ennemi numéro un des Libyens", selon beaucoup de Libyens. Cet ancien attaquant du club italien de Pérouse, condamné en 2003 pour dopage, ordonne de fermer les routes quand il se déplace, en long cortège, cela va de soi. C'est lui qui aurait mis un terme à la fabrication de la voiture libyenne annoncée en 1999, la Saroukh al-Jamahiriya, ne la jugeant pas à son goût.
    1480028281.jpgSEIF EL-ISLAM Heureusement, il y a Seïf pour sauver la bande. “Quand il voit une route en mauvais état, il téléphone et l'Etat la refait”, m'a-t-on déjà dit plusieurs fois. Le probable  prochain président est le plus impliqué sur le plan politique. En 1997, il créait la Fondation Kadhafi pour le Développement. En 2003, il publiait un rapport sur les violations des droits de l'homme dans son pays. En 2007, il jouait un rôle déterminant dans le marchandage lié à l'affaire des infirmières bulgares. Affaire à suivre...
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  • l'Union du Maghreb, enfin !

    Pour les Marocains, l'Algérie est un champ de bataille sur lequel vivent de dangereux terroristes. Pour les Algériens, les Tunisiens sont de cupides opérateurs touristiques ultralibéraux à la botte de l'Europe. Les Tunisiens ne retiennent des Libyens que ceux qui passent la frontière pour s'ennivrer dans les maisons de passe... Et pas sûr qu'en reprenant la route, dans l'autre sens, je trouve de meilleurs résultats!

    1801897448.JPGRabat n'est pas la capitale de L'Union du Maghreb arabe (qui réunit, depuis 1989, l'Algérie, la Tunisie, le Maroc, la Libye et la Mauritanie). La capitale du Maghreb vient d'ouvrir à Benghazi.

    Au restaurant Caram Arabi, le caissier est libyen (tout à gauche). Il veut savoir comment il est possible d'obtenir un visa pour la Suisse. Au fourneau s'active un jeune Tunisien qui ne supporte plus de ne vivre en Libye qu'entre hommes. Le serveur est un élégant Marocain (tout à droite) qui s'est établit à Benghazi avec sa famile en 1982 et s'y plaît.

    Au Caram Arabi, les vannes fusent, on s'apostrophe, on se tape sur l'épaule, on passe du bon temps et le restaurant ne désemplit pas. Au siège de l'Union du Maghreb, à Rabat, on désespère. L'Union a bientôt vingt ans, ne marche toujours pas et ne fait rien d'autre que coûter de l'argent. Peu d'argent il est vrai (1.85 millions de dollars par an), mais pour très peu de résultats: "les échanges commerciaux entre les pays de l’Union n’excèdent pas 2% du volume de leur commerce extérieur", vient d'admettre le président algéri1460105432.jpgen Bouteflika (Al Arabiya, 13.4), sans trop s'attarder sur la fermeture de la frontière algéro-marocaine.

    L'Union du Maghreb, ce grand bateau sur cales, est un sigle, rien qu’un sigle (photo). Et bien plus petit que l'enseigne du Restaurant Caram Arabi.

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  • ON THE libyan ROAD

    Le kilomètre 830 de la route Tripoli-Benghazi prend conscience qu'il est possible de faire le tour de la Méditerranée sans quitter l'asphalte et poursuivre ainsi un projet carrossable, une union méditéranéenne béton.

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     *

    Pour ses deux premiers clients, un chauffeur fait crapoter une théière de chay na'ana bien tassé sur un brûleur à gaz disposé dans le coffre de son break Peugeot. Les Asiatiques et les Allemandes. La discussion porte sur nos voitures de rêve. Un homme urgent remet au chauffeur une enveloppe et la mission de l'acheminer à l'adresse indiquée, contre un large pourboire. Moins rapide que DHL, plus pragmatique : une fois l'urgence apaisée, le chauffeur se sert de l'enveloppe comme d'une "ramassoir" pour nettoyer ses sièges qui en avait bien besoin.

     *

    On ne visite pas la Libye pour son littoral. On lui préfère la ville caravanière de Ghadamès, les lacs multicolores d'Oubari, les sables volcaniques de Waw al-Namus, les arts rupestres de Methkandous et les montagnes rocheuses de l'Akakus. Il faut aller y jeter un coup d'oeil, m'a conseillé un enseignant de Tripoli (qui m'encourageait aussi à visiter le magnifique Musée Jamahiriya, peu avant d'avouer n'y avoir jamais mis les pieds)(tout comme je vivais à un kilomètre du Musée romain de Vidy)(et caetera)...

     *

    A partir de Misourata, Attention vache devient Attention dromadaire, les clôtures de ces derniers et quelques lignes électriques retiennent parfois l'attention, mais c'est à peu près tout ce qui dépasse jusqu'à Ajdablya, 600 kilomètres plus à l'est (il existe encore paraît-il des pays où l'on peut à tout moment pointer des choses du doigt). La route du littoral est véritablement un moyen d'aller d'un point A à un point B. On y devient "routard", au premier sens du terme. On tient bien la route. Ni celle de la soie, ni celle du rhum, la route du litoral est celle qui force au voyage intérieur. A la rencontre des co-voyageurs de l'habitacle. Même si les Libyens ne peuvent le plus souvent s'exprimer qu'en arabe (la faute à l'embargo, la faute à Kadhafi qui avait interdit l'enseignement de l'anglais à l'école), cela vaut le déplacement.

     *

    Descend alors de la voiture un ouvrier africain, au milieu de nulle part, bien sappé. Il est allé faire sa sortie mensuelle, entre deux mois de poussière et de soleil, et rejoint les forçats de la route, ceux qui font de la route, au sens littéral.

    Bientôt du neuf au bord de la route. La compagnie China Railway Construction Corporation Limited a signé deux contrats de 3,2 millards de francs suisses pour la construction de deux voies ferrées. L'une d'Al-Khoms à Syrte (352 km), l'autre d'Al Qaddahiya à Sebha (800 km). Début des travaux, cet été. 

    La route libyenne est avant tout mélodique. Lecture coranique. Et qu'importe la langue. Le son avant le sens. La route se fait aussi musicale. Le plus souvent égyptienne et libanaise, mais parfois a-t-on la chance d'entendre l'incontournable Mohammed Hassan, du 'alaam ou du malouf, rarement le grand Ahmed Fakroun, chanteur libyen exilé, comme la plupart des artistes du pays.

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  • La huitième Merveille du monde

    La Libye est un pays de tuyaux. Tuyaux de pétrole depuis 1959. Tuyaux d'eau depuis 1985.

    1956560168.jpgSYRTE On peut suivre du doigt les tracés rectiligne de la Grande Rivière Artificielle sur une carte. On peut concevoir que le ciment ayant servi à fabriquer ses pipelines aurait pu paver une route entre Tripoli et Bombay. Pour mesurer l'énormité de la chose, il faut se rendre in situ.

    La petite ville de Syrte semblait condamnée au sable, au vent et à l'anonymat. Une contingence historique en a voulu autrement. En 1942 y naquit Mouammar Kadhafi, qui, en 1999, lui rendit hommage en l'autoproclamant capitale des Etats Unis d'Afrique. Syrte possède un argument supplémentaire, dans le même esprit, bien qu'autrement plus concret...

    GRANDE RIVIERE ARTIFICIELLE Vous quittez la ville. Sur une dizaine de kilomètres, une plaine craquelée vous rappelle que la Libye, couverte à 95% de désert, recourt aux importations pour les trois-quart de ses besoins alimentaires. Soudain, comme un mirage, un rempart d'une vingtaine de 1796500474.JPGmètres sur plusieurs kilomètres. Vous voulez savoir ce qui s'y cache, mais un militaire vous prie de faire marche arrière. A la seconde brèche dans la clôture, c'est un jardinier qui vous répète que le lieu n'est pas “visitable”. Vous prenez alors en direction de l'est et dépassez un interminable convoi de camions à l'arrêt (photo). Sur chacun, un pipe, 4 mètres de diamètre, 80 tonnes l'unité.Enfin, à la troisième des entrées, un policier va prévenir son supérieur et revient tout sourire. “D'accord, mais vite.”

    Mi-ra-cu-leux. Au beau milieu du désert, un lac turquoise et anormalement circulaire (photo).

    Si les Libyens ne vont pas à l'eau, c'est l'eau qui viendra aux Libyens. Ça se passe comme ça chez le Colonel. Ce lac ne vient en effet ni du ciel, ni de la mer. Il est né sous la “mer de sable” de Rabyaneh, mille kilomètres 1512566211.JPGplus au sud, dans les bassins souterrains. Le réservoir de Syrte intègre le projet de la Grande Rivière Artificielle, défini sur 25 ans, aujourd’hui réalisé aux trois-quarts, qui devrait aboutir en 2010 au transfert de 6,5 millions de mètres cubes d'eau par jour. Toutefois, ce projet ne fait pas l'unanimité. Surtout á l'étranger.

    RETICENCES Son coût global d'abord, environ 30 milliards de dollars. La Rivière Artificielle absorberait la moitié du budget libyen. On dit aussi que cette somme aurait permis d'ouvrir une dizaine d'usines de désalinisation, pour le même résultat. Autre bémol, le Soudan et l'Egypte craignent de voir leurs ressources souterraines asséchées. A ce rythme, les nappes aurait une durée de vie d'un demi-siècle. Enfin, la Libye risque paradoxalement d’être exposée à un surplus d'eau. Le projet misait sur l'agriculture, mais si l’eau du Sahara a déjà fait reverdir des dizaines de milliers d’hectares, les vocations agricoles tardent à s’affirmer. Aujourd'hui, 85% des Libyens vivent en ville.

    Comme une étrange impression : tant de réticences pour des tuyaux d'eau et si peu pour des tuyaux de pétrole.

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  • SYRTE : Etats unis d'Afrique ou d'Amérique ?

    1554957008.jpgPour annoncer la ville natale de Kadhafi, un pont immense en travers de la route pour relier deux petits villages, une allée de lampadaires gigantesques le long d'une route non habitée et des affiches géantes qui se souviennent de deux glorieuses journées. “1.9.69” : mise au pouvoir de Muammar Kadhafi, alors âgé de 27 ans. “9.9.99” : création à Syrte des Etats Unis d'Afrique (EUA).

    109479456.pngSYRTE PANAFRICAINE En 1999, l'ex village de Syrte devient donc la capitale panafricaine. En réalité, Kadhafi cherche toujours à convaincre ses homologues africains de créer une monnaie unique et former une seule armée de 2 millions de soldats panafricains. Le colonel a beau porter un badge africain sur son uniforme, “ses” EUA stagnent. L'expulsion annoncée des immigrés clandestins sub-sahariens n'arrange rien.

    530532541.JPG Imaginée dans un cabinet d'architectes, la ville de Syrte manque d'âme. Elle rappelle la Chandigarh indienne de notre Corbusier national. Elle désappointe. Aucun centre, aucune place, aucun souk, une seule artère de plusieurs kilomètres, la Sharia al-Jamahiriya (rue de l'Etat des masses), qui débute par l'impressionant Congrès Général du Peuple et se poursuit par une lignée de commerces vitrés (photo), dont certains proposent d'affriolantes tenues féminines que personne dans la rue ne peut porter, sinon des collègiennes déguisées en clip MTV. Derrière d'autres commerces vitrés, la vielle bûche750856129.JPG et le hâchoir du boucher, un élevage de pigeon ou un raccomodeur assis sur le sol. Syrte est une belle coquille vide qui rappelle certaines artères américaines. Aucun piéton, mais des pick-up Toyota et de petites asiatiques qui font des dérapages sur la route ensablée. Il y a encore le plastique sur les sièges. Des salles de fitness. Musclor sur la pancarte. Une imitation de Mc Donald's (photo), encore persona non grata en Libye.

    LE "LUXE" DU DESERT A la nuit tombée, Syrte vit dans les cafés et regarde des clips égyptiens pour surprendre des chanteuses sexys qui igorent que leurs atouts artistiques ont ici le r546282161.JPGôle social se soupape contre l'ennui et l'interdit. Je rejoins l'assemblée. Belhaj s'en fout des Egyptiennes. Il a 24 ans et étudie la chimie (en Libye, cela veut dire “pétrochimie”). Il est de Waddan, à 200 kilomètres plus au sud, et aime le désert. Son père l'a envoyé à Syrte, parce qu'à Tripoli, “il y a trop de filles faciles”. Belhaj n'appartient pas à Syrte : “Ici, il n'y a que l'argent et les voitures. Moi, je marche en sandale et n'ai qu'un vieux téléphone portable.” Signe qui ne trompe pas en Libye, il fume des Capital à 75 dinars le paquet. La “haute” ne fume que des Marlboro à 250 dinars. Belhaj rêve d'Europe, mais son père a préféré garder son passeport à la maison. Ce qu'il y a à faire à Syrte ? Internet, prière ou shisha. On retient la dernière option. Au Café Niamey (photo), un beamer pour films américains, un portrait de Kadhafi jeune, des lampes à pétrole “comme dans le désert”, des serveurs égyptiens et une agréable discussion entre deux exilés.

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  • Pourquoi la Libye ne sera jamais Dubaï

    En 1952, Benjamin Higgins, économiste de l'ONU, s'exclamait : “si la Libye parvient à un niveau de croissance correct, n'importe quel pays au monde peut y parvenir”. Les exportations se limitaient alors à la ferraille récupérée sur les champs de la deuxième guerre.

    En 1959, du pétrole jaillit en Cyrénaïque. En une décennie, le revenu annuel moyen passe de 25 à 2'000 dollars par tête.

    Au début des années 70, le prince héritié de Dubaï, en visite à Tripoli, exprimait le voeu que son pays atteigne un jour “un tel niveau de développement”...

    ... puis l'appel à l'autosuffisance de 1977, les répressions et les exils de 1978-88,

    la guerre tchadienne de 1980-87, les attentats de 1984-88,

    l'embargo américain et les sanctions de l'ONU.

    882642063.JPG"ELDORADO LIBYEN" ? Kadhafi venait d'annoncer l'abandon de son programme d'armement nucléaire, lorsqu'en 2004, l'Union européenne levait l'embargo commercial contre la Libye. Le pétrole représente aujourd'hui 95% des exportations de cette dernière. Et seul un quart du territoire a été prospecté ! Les Libyens jouissent d'une faible taxation et de tarifs douaniers dérisoires. En outre, Kadhafi multiplie les appels d'offre aux entreprises étrangères. Depuis deux ans, toute le pays est en chantier. Les Libyens peuvent emprunter à taux cassé et des dizaines de grands travaux seront (devraient être) inaugurés le 1er septembre 2009, jour du quarantième anniversaire de la Révolution.

    Partout (surtout à l'étranger), on parle de "Miracle libyen" ou de "Nouveau Dubaï". Dans les faits et sur place, on est moins enthousiaste. Parmis les raisons invoquées :

    - L'économie libyenne est toujours centralisée et reste la propriété de quelques familles. Kadhafi & Co.

    - Le système bancaire et l'administration sont archaïques. Le voir pour le croire.

    - Les cadres juridiques sont imprévisibles. Kadhafi peut du jour au lendemain décider de fermer ses frontières, comme il l'avait fait pendant trois semaines il y a trois ans.

    - Les étrangers ne peuvent être propriétaires d'un bien immobilier ou d'un terrain.

    - Toute entreprise doit contenir 30% de part libyenne...

    Conclusions. Dans le désordre. L'ouverture habite volontiers les discours. L'ouverture ne s'achète pas et le pétrole est avant tout une matière qui pue. Les clips libanais, les touristes italiens et la main d'oeuvre égyptienne sont une chose. Dubaï en est une autre. Bref, nombreux sont ceux qui attendent la relève, Kadhafi II, Seïf al-Islam, le fils du père.

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  • La "Suisse libyenne" et le Nigérian

    Avec ses rues tip-top, Missourata est surnommée “la Suisse libyenne” (on appelle bien Tripoli "la Blanche mariée de la Méditerranée"), mais ce qui la distingue des autres villes, ce sont surtout ses taxes douanières. Les plus avantageuses du pays. Missourata fait ainsi office de duty free. C'est aussi une étape agréable qui contraste avec le tumulte de Tripoli, 200 kilomètres plus à l'ouest.

    1419630561.JPGMISSOURATA Près du souk, une vaste place accueillait jadis le marché aux vêtements. On peut encore lire les numéros des stands sur le sol. En 2008, six jours sur sept, de 16 à 20 heures, s'y invite le "Salon de l'Auto". A la criée, version open air, trois pour le prix de deux. “Ici, on aime bien changer de voiture, on achète, on revend, on achète”, me dira-t-on.

    Dans le souk, les vendeurs sont assis dans la brouette qui a permis de transporter les marchandises. Des tailleurs alignés derrière leur machine sont au sevice de ces dames. Dans une échoppe à chawarma (lamelles de viande cuite à la broche introduite dans un pain plat, l'incontournable fast food libyen), je rencontre Abraham (photo), un Nigérian qui usine des portails en acier pour 500 dinars par mois (500 francs suisses). "Sans papier, c'est pas mal. En plus, quand la police m'arrête, j'appelle mon patron et c'est réglé. Pas de racket, pas de coup, pas de prison...” En Libye depuis deux ans, il n'a été qu'une seule fois invité dans la maison d'un Libyen. “C'était 630768575.JPGun black", précise-t-il (les harathin, cultivateurs noirs des oasis du Sahara depuis des siècles, vivent pour la plupart à Tauorga, à 50 kilomètres plus à l'est).

    FACE A L'EUROPE Puisque Abraham a congé, on fait route vers la mer. Sur la plage, il parle de l'océan, des côtes nigériannes, des "vraies vagues"... puis d'un ami, dont il est sans nouvelles, probablement mort en tentant sa chance vers l'Europe. Selon lui, 80% des haragas meurent en mer. C'est très probablement faux, mais cela en dit long sur son état d'esprit. S'il continue d'usiner des portails en Libye, c'est pour payer son retour au Nigéria.

    * * * 

    Avec ses 1770 kilomètres de côtes, la Libye reste une base de départ très prisée pour l'immigration clandestine vers l'Europe, via les îles de Malte et de Lampedusa, au large de la Sicile. Même si depuis 2004, des bateaux européens patrouillent sur la côte. Même si en janvier dernier, la Libye annonçait l'expulsion de deux millions d'immigrants clandestins... En plus des presssions européennees, les autorités de Tripoli doivent répondre au raz-le-bol des Libyens. Les clandestins sont accusés de répandre l'insécurité (les Libyens m'ont déjà plusieurs fois conseillé de ne pas m'aventurer dans les "quartiers africains”), de vendre de la drogue, de propager des maladies (la phobie du sida est impressionante) et d'occuper des emplois au détriment des jeunes chômeurs libyens. Le chômage est en effet estimé à 30%, mais comme partout, les clandestins exécutent des tâches que peu de Libyens accepteraient...

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  • "Cueillir le jour" à LEPTIS MAGNA

    "Ti amo, un soldo, ti amo..." A l'entrée, dernier vestige de l'occupation italienne, Umberto Tozzi dégouline des enceintes. Mais plus époustoufflants sont les vestiges de Leptis Magna, à une centaine de kilomètres à l'est de Tripoli, la cité romaine la plus vaste et la plus grandiose d'Afrique !

    1612425611.JPGGrâce à ses cultures d'olives et ses exportations d'animaux vivants en direction de Rome, Leptis Magna devint, sous Septime Sévère, au IIème siècle, la capitale de Tripolitaine. Raison pour laquelle l'Arc de Septime Sévère souhaite la bienvenue aux visiteurs. Sur ses colonnes corinthiennes, des reliefs se souviennent de “cueillir le jour”. Femmes dévêtues, vignobles fermentés et ciel bleu. Carpe diem.

    1755423514.JPGConstruite en calcaire (et surtout loin des agglomérations actuelles!), Leptis ne fait pas son âge. Ainsi peut-on encore se promener dans les allées de la ville. Imagination. Effluves d'encens dans la basilique, de sueur dans le gymnase, vapeurs des thermes, cris du marché, applaudissements du théâtre. Au port, on distingue les entrepôts, la tour de guet, les docks de chargement et le phare, mesurant autrefois une trentaine de mètres, qui n'avait donc rien à envier à son homologue alexandrin. Mais j'anticipe. Hic et nunc, piquer une tête dans l'eau turquoise, la même qu'il y a deux mille ans.

    259853744.JPGDans le forum, en plein air et libre accès, allez savoir pourquoi, une pierre me parle. Un médaillon à tête de Méduse. Des yeux en forme de coeur. Un collier de serpents. Et des sourcils en nageoire de poissons...

    En visitant les thermes d'Hadrien (marbre, colonnades, mosaïques, salles de sudations, etc), j'ai la confirmation que l'histoire bégaie. Autrefois l'huile d'olive. Aujourd'hui le pétrole. Du pareil au même. Une infime minorité continue de “cueillir le jour”, alors que, de l'autre côté de la muraille, la plèbe s'échine.

    593691173.2.JPGPlus à l'est, la perle du site : cet amphithéatre creusé à flanc de colline au Ier siècle pouvait contenir 16'000 spectateurs. On imagine la bande son lorsqu'arrivaient les condamnés, les Chrétiens, les fauves et les gladiateurs, tous venus s'ensanglanter ici. Morts avec vue sur la mer... L'Humanité pose des questions auxquelles la mer 1611036639.JPGne répond pas.

    La suite, on la connait. Tremblement de terre, inondations, invasions, lente disparition sous le sable, puis, un millénaire plus tard, résurrection "archéologique". Plus original est le fait que certaines pièces des thermes aient été rappatriées à Paris par Claude Le Maire, consul de France à Tripoli entre 1686 et 1708. Les pièces ont alors été réemployées pour la construction du Château de Versailles et de l'Eglise Saint-Germain-des-Prés.

    Si vous n'allez pas à Leptis Magna, c'est Leptis Magna qui vient à vous.

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  • "Tarablous" entre deux chaises

    Entre le désert et la mer, Tripoli. “Tarablous” en arabe.

    Entre sa médina et le Corinthia, un mur, enfin une muraille, je m'explique...

    1511078616.JPGBAB AL-JEDID Au pied des murailles puniques de la médina de Tripoli, sous un toit de jonc où filtre le soleil par lames poussiéreuses, sur une chaise de plastique blanc qui flaire bon la mondialisation, des retraités (le vrai sens du mot “retraite”) collent leurs yeux à deux doigts d'une feuille pour y inscrire les scores d'une énième partie de carte. A quelques pas de là, de petits marchés improvisés (photo) disparaissent en un clin d'oeil à l'arrivée des policiers. Plus une trace des téléphones portables et des bouteilles de parfums que l'on utilise ici avec la même générosité.

    1200553499.JPGLa muraille entamée par le vent, la pluie et le temps offre des nids de luxe aux oiseaux. Les escaliers qui mènent à son sommet servent aussi de pissoirs pour les chalands et de plateforme à photographie pour les touristes qui se tiennent le nez en redescendant. Près des murailles, deux hommes se battent. Il n'y a pas de théâtre à Tripoli, alors les gens s'arrêtent et regardent deux hommes se battre. L'un tombe sur une montagne de sandales en plastiques. Tout le monde rit. C'est la fin du spectacle. Après un temps, le spectacle reprend, sous une autre allure : une femme à la démarche aussi ample que ses vêtements sont exigus.

    ... de l'autre côté de la muraille se dresse le Corinthia, l'unique cinq étoiles du pays....

    235904823.JPGCORINTHIA Sur un balcon, une violoniste ukrainienne et une pianiste libyenne meublent un silence feutré qui ne s'entendrait pas, à coup sûr, avec Bab al-Jedid. Autour de la table, sur des chaises en velours, trois autres Helvètes et un ami libyen. Liliane Pescini (tout à droite), Tessinoise responsable des visas à l'ambassade, assistait la veille à un défilé de mode, ici, au Corinthia, un défilé qui eut deux heures de retard à cause d'une invitée surprise, la princesse de Monaco. Eliane Kiener (à sa gauche), Lucernoise travaille pour le Haut 1471786927.jpgCommisariat des Nations Unies pour les Réfugiés (la Libye n'a pas ratifié la convention sur les réfugiés). Marc Sahli (tout à gauche) que je remercie pour le festin et le Forgeron harmonieux de Haendel qu'il m'a fait découvrir au piano.

    Entre la médina et le Corinthia, entre les chaises en plastique et celles en velours, Tarablous.

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